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tées, & que Polybe a cru devoir inférer toutes entieres dans fon récit. Il dir qu'il feroit à fouhaiter que les Grecs n'euffent jamais de guerre les uns contre les autres: que ce feroit un grand bienfait des Dieux, fi, n'ayant que les mêmes fentimens, ils fe tenoient tous, pour ainsi dire, par la main, & réuniffoient toutes leurs forces pour fe mettre à couvert des infultes des Barbares. Si cela ne fe pouvoit pas abfolument, que du moins, dans les conjonctures préfentes, ils devoient s'unir enfemble, & veiller à la confervation de la Grece. Qu'il n'y avoit, pour fentir la néceffité de cette union, qu'à jetter les yeux fur les armées formidables des deux puiffans peuples qui fe faifoient actuellement la guerre. Qu'il étoit évident à quiconque avoit la moindre teinture des maximes de politique, que jamais les vainqueurs, foit Carthaginois ou Romains, ne fe borneroient à l'Empire de l'Italie & de la Sicile, mais que fans doute ils poufferoient leurs projets beaucoup plus loin. Que tous les Grecs en général devoient être attentifs au périi dont ils étoient menacés, & fur-tout Philippe. Que ce Prince n'auroit rien à craindre, fi, au lieu de travailler à la ruine des Grecs, & de faciliter leur défaite à leurs ennemis, comme il avoit fait jufqu'alors, il prenoit à cœur leurs intérêts comme les fiens propres, & veilloit à la défenfe de toute la Grece, comme fi c'étoit fon propre Royaume. Que par cette conduite il gagneroit

l'affection des Grecs, qui de leur côté lui demeureroient inviolablement attachés dans toutes les entreprises, & déconcerteroient par leur fidélité pour lui tous les projets que les Etrangers pourroient former contre fon Royaume. Que fi, au lieu de fe contenter de demeurer fur la défenfive, il avoit envie d'entrer en action & de faire quelque grande entreprise, il n'avoit qu'à fe tourner du côté d'Occident, & se rendre attentif aux événemens de la guerre d'Italie. Que pourvu qu'il fe mît en état de faifir habilement la premiere occafion qui ne manqueroit pas de fe préfenter, tout fembloit lui frayer le chemin à l'Empire univerfel. Que s'il avoit quelque chofe à démêler avec les Grecs, il en remît la difcuffion à un autre tems. Que fur-tout il eût foin de fe conferver toujours la liberté de faire la paix ou d'avoir la guerre avec eux quand il voudroit. Que s'il fouffroit que la nuée qui s'élevoit du côté d'Occident vint fondre fur la Grece, il étoit fort à craindre qu'il ne fût plus en leur pouvoir ni de prendre les armes, ni de traiter de paix, ni de décider leurs affaires à leur & de la maniere qu'ils le jugeroient

gré

propos.

On ne peut rien imaginer de plus sensé que ce difcours, qui eft une claire prédiction de ce qui devoit arriver à la Grece, dont les Romains fe rendront bientôt les maîtres abfolus. C'eft ici, pour la premiere

fois,

que la vue des affaires d'Italie & d'A

frique influe dans celles de la Grece, & en conduit les mouvemens. Dans la fuite, ni Philippe, ni les autres puiffances de la Grece ne fe réglerent plus fur l'état de leur pays, pour faire la guerre ou la paix ; ils porterent leur vue & leur attention vers l'Italie. Les peuples de l'Afie & les Infulaires firent bientôt après la même chofe. Tous ceux qui depuis ce tems-là ont eu fujet de n'être pas contens de Philippe, ou d'Artale, n'ont plus compté fur les fecours ou fur la protection d'Antiochus, ni de Ptolémée : ils ne fe font plus tournés vers le Midi ou l'Orient : ils n'ont eu les yeux attachés que fur l'Occident. Tantôt c'étoit aux Carthaginois, tantôt aux Romains qu'on envoyoit des Ambaffadeurs. Il en venoit auffi à Philippe de la part des Romains, qui, connoiffant la hardieffe de ce Prince, craignoient qu'il ne vînt augmenter l'embarras où ils fe trouvoient. C'est ce que la fuite de l'hiftoire va nous faire connoître.

TD.1

Liv. lib.

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§. IV.

Philippe conclut un Traité avec Annibal. It reçoit un échec à Apollonie de la part des Romains. Son changement de conduite : Sa mauvaise foi fes déréglemens. Il fait empoifonner Aratus. Les Etoliens font alliance avec les Romains. Attale, Roi de Pergame, s'y joint, auffi bien que les Lacédémoniens. Machanidas devient Tyran de Sparte. Diverfes expéditions de Philippe,& de Sulpitius, Préteur des Romains, dans l'une defquelles Philopémen fe diftingue.

LA guerre des Carthaginois & des Ro m. 33. 34. mains, c'eft-à-dire, des deux plus puiffans 38. peuples qui fuffent alors attiroit l'attention de tous les Rois & de tous les peuples de la terre. Philippe, Roi de Macédoi ne, s'y croyoit d'autant plus intéreffé, que fes Etats n'étoient féparés de l'Italie que par la mer Adriatique, que nous appellons aujourd'hui le golfe de Venife. Quand il apprit par le bruit public qu'Annibal avoit paffé les Alpes, il fut bien aife à la vérité de voir les Romains & les Carthaginois en guerre les uns contre les autres ; mais, comme l'événement étoit incertain, il ne voyoit pas encore clairement quel parti il devoit embraffer. Trois victoires remportées deN.M.3788. Av.J.C.16. fuite par Annibal, ne lui laifferent plus lieu d'héliter, & leverent tous fes doutes. Il lui

envoya des Ambassadeurs, qui malheureufement tomberent entre les mains des Romains. Ils furent conduits vers le Préteur Valérius Lévinus, campé alors près de Lucérie. Le Chef de l'Ambaffade (il fe nommoit Xénophane), fans fe déconcerter, répondit d'un ton ferme, que Philippe l'avoit envoyé pour faire alliance & amitié avec le peuple Romain, & qu'il avoit des ordres pour les Confuls, auffi bien que pour le Sénat & pour le peuple de Rome. Lévinus, ravi de joie qu'au milieu de la défection des anciens alliés un Roi fi puiffant fongeât à faire alliance avec les Romains, traita les Ambaffadeurs avec le plus d'honnêteté qu'il lui fut poffible, & leur donna une escorte pour les conduire. Etant arrivés en Campanie, ils s'échapperent, & fe rendirent au camp d'Annibal, où ils conclurent avec lui un Traité, dont les conditions portoient: » Que le Roi »Philippe pafferoit en Italie avec une flotte » de deux cens vaiffeaux, & ravageroit les ›› côtes maritimes, & qu'il emploieroit fes "forces par terre & par mer pour aider »les Carthaginois. Que ceux-ci, lorfque » la guerre feroit terminée, demeureroient » maîtres de toute l'Italie & de Rome, & » que tout le butin feroit pour Annibal. » Qu'après la conquête de l'Italie, ils paf» feroient par mer dans la Grece, & y fe»roient la guerre avec qui il conviendroit » au Roi ; & que tant les villes du Con»tinent, que les ifles fituées vers la Macédoine, demeureroient en propre à Phi

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