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f. I I.

Mort, de Séleucus Philopator, après un regne affez court, & obfcur. Son frere Antio chus,furnommé Epiphane, lui fuccede: Semences de guerre entre les Rois d'Egypte & de Syrie. Antiochus remporte une victoire fur -Ptolémée. Le vainqueur fe rend maître de l'Egypte, & de la perfonne même du Roi. Sur le bruit d'une révolte générale,il paffe en Paleftine, affiege & prend Jérufalem,& y exerce d'horribles cruautés. Les Alexandrins, à la place de Philométor qui étoit entre les mains d'Antiochus,nomment pour Roi foncadet Ptolémée Evergete, furnommé auffi Phyfcon.Antiochus recommence la guerre en Egypte. Les deux freres s'accordent Il marche vers Alexandrie pour l'affiéger. Popilius, un des Ambaffadeurs Romains,l'oblige de fortir d'Egyp te, & de laiffer les deux freres en repas.

LE regne de Séleucus Philopator en Afie ne fut pas de longue durée, & n'eut rien de mémorable. Ceft fous lui qu'arriva l'hiftoire célebre d'Héliodore, rapportée dans le fecond livre des Macchabées. La Cité. Macchab. fainte de Jérufalem jouiffoit alors d'une3 paix profonde. La piété & la fermeté du Grand-Prêtre Onias y faifoient obferver les loix de Dieu, & infpiroient aux Rois mê me & aux Princes idolâtres un grand refpea pour le lieu faint. Ils l'honoroient de

riches préfens, & le Roi Seleucus dont nous parlons, faifoit fournir des revenus de fon domaine tout ce qui étoit néceffaire pour le miniftere des facrifices. Mais la perfidie d'un Juif nommé Simon, prépofé à la garde du Temple, jetra tout d'un coup la ville dans le trouble. Cet homme, pour fe venger de la réfistance que le Grand-Prêtre Onias apportoit à fes entreprises injuftes, fit dire au Roi qu'il y avoit dans le tréfor du Temple des fommes immenfes qui n'étoient point destinées à la dépenfe des facrifices, & qu'il pouvoit s'approprier. Sur cet avis le Roi envoya à Jérufalem Héliodore fon premier Miniftre, avec ordre de faire transporter tout cet argent.

Héliodore, après avoir été reçu du GrandPrêtre avec toutes fortes d'honneurs, lui déclara le fujer de fon voyage, & lui demanda fi l'avis qu'on avoit donné au Roi touchant cet argent étoit véritable. Le GrandPrêtre lui répondit que c'étoient des dépôts, & des fommes deftinées à la nourriture des veuves & des orphelins: qu'il ne pouvoit abfolument en difpofer au préjudice de ceux à qui cet argent appartenoit, & qui avoient cru ne pouvoir mieux l'affurer, qu'en le mettant en dépôt dans un temple dont la fainteté étoit révérée par toute la terre. Ces fommes confiftoient en quatre cens talens d'argent, (quatre cens mille écus) & en deux cens talens d'or, (fix millions.) Le Miniftre du Prince insistant fur les ordres de

la Cour, lui dit nettement qu'il falloit, à quelque prix que ce fût, que cet argent fut porté au Roi,

Le jour pris pour l'enlever, Héliodore vint au Temple dans le deffein d'exécuter fa commiffion. Toute la ville alors fut remplie de trouble & d'effroi. Les Prêtres revétus de leurs robes facerdotales, se prosternoient au pied de l'autel, conjurant celui qui eft dans le ciel, & qui a fait la loi touchant les dépôts, de conferver ceux qui avoient été confiés à fon Temple. Plufieurs accouroient en troupes, & s'uniffoient enfemble pour prier Dieu de ne permettre pas qu'un lieu fi faint fût expofé au mépris. Les filles & les femmes, couvertes de cilices, levoient les mains au Ciel. C'étoit un spectacle vraiment digne de pitié, de voir toute cette multitude, & fur-tout le Grand-Prêtre accablé d'affliction, dans l'attente de ce qui alloit arriver.

Cependant Héliodore, avec fes gardes, étoit déja à la porte du Tréfor, & il se préparoit à la forcer. Mais (4) l'Efprit du Dieu tout-puiffant fe fit voir alors par des marques bien fenfibles, enforte que tous ceux qui avoient ofé obéir à Héliodore furent renverfés par une vertu divine, & frappés d'une frayeur qui leur ôta la force & le courage. Car ils virent paroître un cheval richement couvert qui fondant tout d'un coup fur Héliodore, lui donna plufieurs

(a) Sed Spiritus omnipotentis Dei magnam fecit fuæ oftenfionis evidentiam.

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coups des deux pieds de devant. Celui qui étoit monté fur ce cheval avoit un regard effrayant, & fes armes paroiffoient d'or. En même tems on vit deux jeunes hommes d'une éclatante beauté, qui s'étant mis aux deux côtés d'Héliodore, le frappoient fans relâche, & lui donnoient de grands coups de fouet. Héliodore étant tombé par terre, on le prit, on le mit dans une chaife, & cet homme, qui un moment auparavant étoit entré dans le Temple avec une multitude d'archers & de gardes, fut enlevé & chaffé de ce faint lieu, fans pouvoir être fecouru de perfonne, parce que la vertu de Dieu s'étoit fait connoître manifeftement. Par un effet de cette même vertu, il étoit couché par terre, fans voix, & fans aucune espéFance de vie, tandis que le Temple, auparavant rempli de trouble & de tumulte, retentiffoit des cris de joie de tout le peuple, qui béniffoit Dieu de ce qu'il venoit de resever la gloire de for lieu faint par un coup de fa puiffance.

Alors quelques amis d'Héliodore fupplierent le Grand-Prêtre d'invoquer pour lui 'le Très-haut. Auffi-tôt Onias offrit pour fa guérifon une hoftie falutaire. Pendant qu'il faifoit fa priere, les deux jeunes hommes dont on a parlé, fe préfenterent à Héliodore, & lui dirent: »Rendez gra» ces au Grand-Prêtre Onias ; car c'est en » fa considération que le Seigneur vous a

accordé la vie. Après avoir été châtié de » Dieu, annoncez à tout le monde fes mer

» veilles & fa puiffance «. Ayant ainfi parlé, ils difparurent.

Héliodore offrit fes vœux, & fit de grandes promeffes à celui qui lui avoit redonné la vie. Il remercia Onias, & s'en retourna rendant témoignage à tout le monde des œuvres merveilleufes du Tout - puiffant qu'il avoit vues de fes yeux. Comme le Roi lui demandoit qui il jugeoit qu'on pouvoit encore envoyer à Jérufalem: il lui répondit: Si vous avez quelque ennemi, ou » quelqu'un qui ait des deffeins fur votre >> Couronne, envoyez-le en ce lieu, & vous » le verrez revenir déchiré de coups, fi » néanmoins il en revient. Car celui qui ha» bite dans le Ciel, eft lui-même préfent en » ce lieu : il en eft le protecteur, & il frappe » & fait périr ceux qui y viennent pour faire » du mal <<.

Le Roi fut bientôt puni de ce facrilege par celui-là même qu'il avoit employé pour piller le Temple. Antiochus le Grand, ayant fait avec les Romains, après la défaite au Sipyle, cette paix ignominieuse dont j'ai parlé, lui avoit donné entr'autres otages Antiochus un de fes fils, & cadet de Sé-Appian. in leucus. Il y avoit treize ans qu'il étoit à Syr. p. 116. Rome. Son frere Séleucus fouhaita de l'avoir, on ne fait pas pour quelle raison: (peut-être pour le charger de quelque expédition militaire dont il le croyoit capable) & pour l'obtenir, il envoya Démétrius fon fils unique, âgé de douze ans, à Rome, pour fervir d'otage en la place d'Antiochus.

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