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confoler en quelque forte par la liberté qu'ils auroient de les déplorer. Le Roi Eume ne entr'autres, à qui, par l'ordre des Commiffaires Romains & du Sénat, les places de Thrace devoient être remifes, envoya des Ambaffadeurs, à la tête defquels étoit fon fre re Athénée, pour donner avis au Sénat que Philippe ne retiroit point fes garnifons de la Thrace comme il avoit promis de le faire, & pour fe plaindre de ce qu'il avoit envoyé du fecours en Bithynie à Prufias qui faifoit guerre à Eumene..

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Démétrius, fils de Philippe Roi de Macédoine, étoit actuellement à Rome, où nous avons vu que fon pere l'avoit envoyé pour veiller à fes intérêts. C'étoit à lui na◄. turellement à répondre en détail aux divers chefs d'accufation formés contre fon père. Le Sénat jugeant bien que ce feroit un grand embarras pour un jeune Prince qui n'étoit point accoutumé à parler en public, pour lui épargner cette peine lui fit demander fi le Roi fon pere me lui avoit point s donné quelques mémoires, & fe contenta de lui en entendre faire le lecture. Philippe s'y juftifioit le mieux qu'il lui étoit poffible fur la plupart des faits qu'on lui objectoit; mais il faifoit fentir fur-tout combien il étoit mécontent des Décrets portés à fon fujet par les Commiffaires > que Rome avoir nommés, & de la manie re dont il avoit été traité. Le Sénat com→→ prit aifément où tout cela tendoit; & com-me le jeune Prince tâchoit d'excufer cer

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taines chofes, & pour d'autres affuroit que rout fe feroit felon le bon plaifir de Rome, le Sénat lui répondit, que Philippe fon pere n'avoit pu rien faire de plus fage, ni qui fût plus agréable au Sénat, que d'envoyer Démétrius fon fils à Rome pour faire fon apologie. Que par rapport au paffé, le Sénat pouvoit diffimuler, oublier, .& fouffrir beaucoup de chofes que pour l'avenir, il fe fioit aux paroles que donnoit Démétrius. Que quoiqu'il fût près de quitter Rome pour retourner en Macédoine, il y lalffoit pour otage de fes difpofitions fon bon cœur, & fon attachement pour Rome, qu'il fauroit.conferver inviolablement fans donner jamais d'atteinte au refpect qu'il devoit à fon pere. Que par confidération pour lui, on envoieroit des Ambaffadeurs en "Macédoine, pour rectifier fans bruit & fans éclat ce qui jufques là auroit pu être fait contre les regles. Qu'au refte le Sénat étoit bien aife que Philippe fentit qu'il étoit redevable à fon fils Démétrius de la maniere dont le peuple Romain agiffoit à fon égard. Ces marques de confidération, que le Sénat lui donnoit pour relever fon crédit auprès de fon pere, ne fervirent qu'à exciter contre lui l'envie, & cauferent dans la suite sa perte.

Le retour de Démétrius en Macédoine, Liv, ž & l'arrivée des Ambaffadeurs, y produi-. $3. firent différens effets felon la différente difpofition des efprits. Le peuple, qui craignoit extrêmement les fuites de la rupture

avec les Romains & de la guerre qui fe préparoit, voyoit d'un bon œil Démétrius, dans l'efpérance qu'il feroit le conciliateur & l'auteur de la paix. D'ailleurs il le regardoit comme celui qui devoit monter fur le trône après la mort de fon pere. Car quoique pour l'âge il fût le cadet, il avoit cet avantage fur fon frere d'être né d'une mere qui étoit femme légitime de Philippe au lieu que Perfée étoit né d'une concubine & paffoit même pour avoir été fuppofé. On ne doutoit point non plus que les Romains ne duffent placer Démétrius fur le trône de fon pere, Perfée n'ayant aucun crédit auprès d'eux. C'étoient là les bruits communs.

Auffi d'un côté, Perfée avoit-il beaucoup d'inquiétude, craignant que l'avantage de l'âge ne fût pour lui un foible titre, fon frere lui étant fupérieur dans tout le refte & de l'autre, Philippe jugeant bien qu'il ne feroit pas maître de difpofer du trône à fon gré, regardoit d'un œil jaloux & redoutoit le trop grand crédit de fon jeune fils. Il voyoit auffi avec peine se former de fon vivant même & fous les yeux comme une feconde Cour, par l'affluence & le concours des Macédoniens chez Démétrius. Le jeune Prince lui-même n'étoit point affez attentif à prévenir ou à guérir l'indifpofition des efprits. Au lieu de tâcher d'amortir l'envie par des manieres douces, modeftes complaifantes, il ne faifoit que l'aigrir & l'irriter , par un certain air de fierté qu'il

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avoit rapporté de Rome, faifant valoir les marques de diftinction qu'il y avoit reçues, & ne diffimulant point que le Sénat lui avoit accordé plufieurs choses qu'il avoit auparavant refufées à fon pere.

Le mécontentement de Philippe augmenta encore beaucoup à l'arrivée des Ambaffadeurs, auxquels fon fils faifoit plus réguliérement fa cour qu'à lui-même, lorfqu'il fe vit obligé d'abandonner la Thrace, d'en tirer les garnisons, & de faire d'autres chofes conformément aux Décrets des premiers Commiffaires, ou fur les nouveaux ordres qui lui étoient venus de Rome: ordres & Décrets qu'il n'exécutoit que malgré lui, & frémissant en lui-même de colere; mais qu'il exécutoit pour ne pas s'attirer fur les bras une guerre à laquelle il ne s'étoit pas encore affez préparé. Pour ôter même tout foupcon qu'il y fongeât, il porta fes armes jufques dans le milieu de la Thrace contre des peuples auxquels les Romains ne prenoient aucun intérêt.

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Mais fes difpofitions n'étoient pas incon- Liv.lik 49i nues à Rome. Marcius un des Com¬~, 3-5. miffaires qui avoient fignifié à Philippe les ordres du Sénat, écrivit que tous les difcours & toutes les démarches du Roi annonçoient un guerre prochaine. Pour s'affurer davantage des villes maritimes , il en fit fortir tous les habitans avec leurs. Dans l'Emað familles les tranfplanta dans la partie thie appellée de la Macédoine la plus feptentrionale, Fernie, autre fois la

& mit à leur place des Thraces & d'autres Peuples barbares, fur lefquels il croyoit pouvoir compter davantage. Ce changement excita un murmure général dans toute la Macédoine, & toutes les provinces retentiffoient des cris & des plaintes de ces pauvres malheureux qu'on arrachoit de leurs maifons & de leur pays natal, pour les confiner dans des terres & dans des demeures inconnues. On n'entendoit de tous côtés que malédictions & qu'exécrations contre le Prince qui caufoit tous ces mouvemens.

AN.M.3822. Loin d'en être touché, il n'en devint Av.J,C. 182. que plus féroce. Tout lui étoit fufpect & lui faifoit ombrage. Il avoit fait mourir un grand nombre de perfonnes qu'il foupçonnoit d'être attachées aux Romains. Il crut ne pouvoir mettre la vie en fûreté, qu'en s'affurant de leurs enfans, & il prit le parti de les enfermer fous bonne garde, dans le deffein de les faire périr les uns après les autres. Rien n'étoit plus horrible en foi qu'une telle cruauté mais le défaftre d'une famille des plus puiffantes & des plus illuftres de la Theffalie la rendit encore plus criante.

Il avoit fait mourir plufieurs années auparavánt Hérodique un des principaux de ce pays, & quelque tems après fes deux gendres. Ses deux filles

nommées Théoxene & Archo, étoient demeurées veuves ayant chacune un fils encore enfant. Théoxene recherchée par tout

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