Page images
PDF
EPUB

§. II.

Les Etoliens fe déclarent contre les Achéens. Bataille de Caphyes perdue par Aratus. Les Achéens ont recours à Philippe, qui prend leur défenfe. Troubles à Lacédémone. Mort funefte de Cléomene en Egypte. On choifit deux Rois à Lacédémone. Cette République fe joint aux Etoliens.

Polyb. 33%

LES Etoliens, fur-tout dans le tems dont Strab.; sei nous parlons, étoient devenus un peuple fort 2: 450. puiffant dans la Grece. Leur domaine primitif & 746. s'étendoit depuis le fleuve Achéloüs, jufqu'au Fanfan. Lib. détroit du Golfe de Corinthe & jufqu'au 10. pag. 6500 pays des Locres furnommés Ozoles. Mais, par la fuite des tems, ils s'étoient emparés de plufieurs villes dans l'Acarnanie, dans la Theffalie, & dans d'autres contrées voisines. Ils vivoient à peu près fur terre, comme les pirates for mer, c'eft-à-dire, de brigandages & de rapines. Uniquement attentifs au gain, ils n'en trouvoient point de honteux, ni d'illicite; & ils ne connoiffoient ni les loix de la paix, ni celles de la guerre. Ils étaient fore endurcis aux fatigues, & intrépides dans les combats. Ils fe diftinguerent particuliérement dans la guerre contre les Gaulois qui firent une irruption dans la Grece, & ils fe montrerent de zélés défenfeurs de la liberté publique contre les Macédoniens. L'accroiffement de leur puiffance les avoit rendus fiers & infolens. Cette fierté parut dans la réponse qu'ils firent

sap. 2.

ou

aux Romains lorfqu'ils leur envoyerent des Ambaffadeurs pour leur ordonner de laiffer l'Acarnanie en paix. Ils témoignerent, fi nous en croyons Trogue Pompée Jeftin. 1. 28. Juftin fon abréviateur, un fouverain mépris pour Rome, qui, felon eux, n'étoit dans fon origine qu'une honteufe retraite de brigands & de voleurs, fondée & bâtie par un fratricide, & formée par l'affemblage de femmes enlevées par force à leurs parens. Its ajoutoient que les Etoliens s'étoient toujours diftingués dans la Grece autant par leur courage que par leur nobleffe qu'ils n'avoient redouté ni Philippe, ni Alexandre fon fils; & que pendant que ce dernier faifoit trembler toute la terre, ils avoient ofé rejetter fes Edits & fes Ordonnances. Qu'ainfi les Romains priffent garde de provoquer contre eux des armes qui avoient exterminé les Gaulois, & méprifé les Macédoniens. On peut juger par ces traits du caractere des Etoliens, dont il fera beaucoup parlé dans la fuite.

ta, p. 1040..

Polyb.1.4. Depuis que Cléomene de Sparte avoit : 21273-2922 perdu fon Royaume, & qu'Antigone, par Plut. in Ara- la victoire qu'il remporta à Sélafie, avoit en quelque forte pacifié la Grece, les peuples du Péloponnefe, qui étoient las des premieres guerres, & qui croyoient que l'état préfent des affaires dureroit toujours, avoient entiérement négligé les armes & le métier de la guerre. Les Etoliens fongerent à profiter de cette indolence. Ils ne

1

pouvoient fouffrir la paix, pendant laquel→ le ils étoient obligés de vivre à leurs dépens, eux qui étoient accoutumés à ne vivre que de brigandages. Antigone les avoit tenus en respect, & les avoit empêchés de rien entreprendre contre leurs voisins: mais, après fa mort, ils mépriferent la jeuneffe de Philippe, entrerent à main armée dans le Peloponnefe, & ravagerent les terres des Mefféniens. Aratus, irrité de cette infolence & de cette perfidie, & voyant que Timoxene, qui étoit alors Capitaine Général des Achéens, cherchoit à gagner du tems, parce que fon année alloit expirer, comme il étoit nommé pour lui fuccéder l'année fuivante, il avança de cinq jours fon Généralat pour courir au fecours des Mefféniens. Ayant donc af- AN.M.3783. femblé les Achéens dont la vigueur & Av. J.C.aa les forces avoient été affoiblies par le repos & l'inaction, il fut battu près de Caphyes dans une grande bataille qui s'y donna.

[ocr errors]
[ocr errors]

On rejetta la caufe de cette défaite fur Aratus, & ce n'étoit pas fans fondement. Il tâcha de prouver que la perte qu'on lui imputoit, n'étoit point arrivée par fa faute, Du refte, s'il avoit manqué en quelque chofe au devoir d'un bon Capitaine, il en demanda pardon, & pria qu'on examinât les actions avec moins de rigueur que d'indulgence. Cette modeftie changea Fefprit de toute l'Affemblée, dont la fureur fe tourna contre fes accufateurs, &

J.C.221.

on ne fe fervit enfuite que de fes confeils dans tout ce qu'on voulut entreprendre. Mais le fouvenir de l'échec qu'il avoit reçu, rallentit beaucoup fon courage. Il fe conduifit plutôt en fage citoyen, qu'en grand Capitaine; & quoique les Etoliens lui donnaffent fouvent de grandes prifes fur eux il n'en profita point, & leur laiffa ravager prefque impunément tout le

pays.

[ocr errors]

Les Achéens fe virent donc obligés de tendre encore les mains à la Macédoine & d'appeller à leur fecours le Roi Philippe, dans l'efpérance que l'affection qu'il portoit à Aratus, & la confiance qu'il avoit en lui, le leur rendroient favorable. En effet Antigone, en mourant, avoit recommandé fur toutes chofes à Philippe de s'attacher à Aratus, & de fe gouverner par fes confeils quand il traiteroit avec les Achéens. Quelque tems auparavant, il l'avoit envoyé dans le Péloponnefe pour s'y former fous fes yeux & par fes avis. Aratus lui fit le meilleur accueil qu'il lui fut poffible, le traita avec toutes les diftinations que méritoit fon rang, & s'appliqua à lui infpirer tous les principes & les fentimens capables de le mettre en état de gouverner fagement un auffi grand Royaume que celui auquel il étoit deftiné. Auffi ce jeune Prince étoit retourné en Macédoine plein d'affection pour Aratus, & dans les difpofitions les plus favorables pour les intérêts de la Grece.

[ocr errors]
[ocr errors]

Mais les Courtifans, qui avoient intérêt d'écarter un homme d'une probité auffi reconnue que l'étoit Aratus, pour s'emparer feuls de l'efprit du jeune Prince, le lui rendirent fufpect, & le porterent à fe déclarer ouvertement contre lui. Bientôt après néanmoins, reconnoiffant qu'on l'avoit trompé, il punit févérement les délateurs, unique moyen d'écarter pour toujours d'auprès des Princes la calomnie que l'impunité, & quelquefois la récompenfe, enhardiffent & arment contre les plus gens de bien. Philippe rendit à Aratus toute fa confiance, & réfolut de ne fe plus conduire que par fes confeils. On s'en apperçut en plufieurs occafions, mais fur-tout dans l'affaire de Lacédémone. Cet- Polyb. pag te ville malheureufe étoit continuellement 292–2946. agitée de féditions. Dans une de ces émeutes on tua un des Ephores, & avec lui plufieurs autres citoyens, parce qu'ils tenoient le parti de Philippe. Quand ce Prince fut arrivé de Macédoine, il écouta les Députés de Sparte à Tégée où il les avoit mandés. Dans le Confeil plufieurs étoient d'avis qu'il traitât cette ville comme Alexandre avoit traité celle de Thebes. Il rejetta cette propofition avec horreur, & fe contenta de faire punir les principaux auteurs de la fédition. On admira cette modération & cette fageffe dans un jeune Roi qui n'avoit que dixfept ans, & l'on ne douta point que ce ne fût l'effet des bons confeils d'Aratus. Il n'en fit pas toujours le même ufage.

« PreviousContinue »