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& l'alarme que cette action caufa, il fe fauva & revint à fon camp.

Enfin les deux Rois, réfolus de décider leur querelle, rangerent leurs armées en bataille. Ils alloient devant leurs lignes d'un corps à l'autre pour animer leurs troupes. Arfinoé, fœur & femme de Prolémée 2. ne fe contenta pas d'exhorter les foldats avant l'action: elle ne quitta point fón mari pendant le fort même du combat. L'iffue de la bataille fut qu'Antiochus à la tête de fon aile droite défit l'ailegauche des ennemis. Mais pendant que par une ardeur inconfidérée, il s'échauf foit à la pourfuite, Ptolémée, qui avoit eu> le même fuccès à l'autre aile, chargea en flanc le centre d'Antiochus qui fe trouva découvert, & le rompit avant que ce Prince pût revenir à fon fecours. Un vieil Officier, qui vit où rouloit la pouffiere, conclut que leur centre étoit battu, & ie montra à Antiochus. Quoique dans ce moment même, il fit faire volte face, il arriva trop tard pour réparer fa faute & trouva tout le refte de fon armée rompu & mis en fuite. Il fallut fonger à faire lui-même fa retraite. Il fe retira à Raphia, d'où il gagna enfuite Gaza, après avoir perdu dans cette bataille dix mille hommes tués & quatre mille faits prifonniers. Se voyant par là hors d'état de tenir la campagne contre Ptolémée, il abandonna toutes fes conquêtes, & ramena à Antioche ce qu'il put ramaffer des

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Macchab. 1. 3. cap. I.

dépris de fon armée. Cette bataille de Raphia fe donna en même tems que celle où Annibal battit le Conful Flaminius fur le bord du lac de Thrafymene en Etrurie.

Après la retraite d'Antiochus, tous les peuples de Célé-Syrie & de Paleftine s'emprefferent de fe rendre à Prolémée. Ayant été longtems foumis aux Egyptiens, ils aimoient mieux leurs anciens maîtres qu'Antiochus. La Cour du Vainqueur fut bientôt pleine de Députés de toutes les villes qui venoient lui faire leurs foumiffions, & lui apporter des préfens. Il y en avoit entr'autres de la Judée. Ils farent tous bien reçus.

Prolémée voulut faire un tour dans les provinces qu'il avoit reconquifes. Jerufalem fut une des places qu'il vifita. Il y * vit le Temple: il y offrit même des facrifices au Dieu d'Ifraël : & y fit des oblations & des dons confidérables, Mais ne fe contentant point de le voir de la cour de dehors, au-delà de laquelle il n'étoit permis à aucun Gentil de paffer, il vouloit abfolument entrer dans le fanctuaire & jufques dans le lieu très-Saint, où perfonne n'entroit que le Souverain Sacrificateur une fois l'an, au grand jour de l'Expiation. Le bruit qui s'en répandit caufa une grande

* Le troisieme livre des Macchabées, d'où cette hiftoire est tirée, n'est point reçu dans l'Eglife au nombre des Livres Canoniques, non plus que le quatrieme. Ils font, pour l'ordre des tems ante

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émeute. Le Souverain Sacrificateur lui repréfenta la fainteté du lieu, & la loi formelle de Dieu qui lui en défendoit l'entrée. Les Prêtres & les Lévites s'affemblerent pour s'y oppofer, & le peuple pour le conjurer de ne le pas faire. Par-tout on n'entendoit que lamentations qu'arrachoit l'idée de la profanation du Temple, & par-tout on levoit les mains au ciel pour prier Dieu de l'empêcher. Toutes ces oppofitions, bien loin d'arrêter le Roi, ne fervirent qu'à augmenter le defir qu'il avoit de fatisfaire fa curiofité. Il perça jufques dans la feconde cour, & comme il se mettoit en devoir d'avancer pour entrer dans le Temple même, Dieu le frappa d'une terreur fubite qui le mit dans un fi grand défordre, qu'il fallut l'emporter à demi mort. Il quitta la ville le cœur plein de rage contre toute la nation Juive, à caufe de ce qui lui étoit arrivé, & la menaça hautement de s'en venger. Il le fit en effet, & l'année fuivante il excita une cruelle perfécution, fur-tout contre les Juifs d'Alexandrie, qu'il voulut contraindre d'adorer les fauffes Divinités.

il en

Polyb. 1. 5.

Dès qu'Antiochus, après la bataille de Raphia, fut arrivé à Antioche, p. 428. Juftin. 1.30. voya une ambaffade à Ptolémée pour lui de- cap. 1. mander la paix. Ce qui le porta à faire Hieron. is cette démarche, c'eft qu'il fe défioit de fes Dan. c. 11. peuples car il s'apperçut que fon autorité & fon crédit avoient fort diminué depuis fa derniere défaite. D'ailleurs il étoit tems

de fonger à Achéus, & d'arrêter fes progrès qui augmentoient tous les jours. Pour prévenir le danger qui le menaçoit de ce côté-là, il jugea que le meilleur parti étoit de faire la paix avec Ptolémée à quelque prix que ce fut, de peur d'avoir en même temps fur les bras deux ennemis fi puiffans qui, l'attaquant des deux côtés, ne manqueroient pas à la fin de l'accabler. Il donna donc plein pouvoir à fes Ambaffadeurs de céder à Ptolémée les Provinces qui caufoient leur différent, c'eft-à-dire, toute la Célé-Syrie & la Palestine. La Célé-Syrie comprenoit la partie de la Syrie qui eft entre les montagnes du Liban & celles de l'Anti-Liban ; & la Paleftine tout le pays. qui étoit autrefois l'héritage des Enfans d'Ifraël & la côte de ces deux Provinces étoit ce que les Grecs appelloient la PhéInicie. Antiochus confentoit à céder tout ce pays-là au Roi d'Egypte pour acheter la paix dans cette conjoncture, aimant mieux céder cette partie de fes Etats que de courir rifque de tout perdre. On conclut donc une treve pour un an; & avant qu'elle fut expirée, la paix fut faite fur ce pied-là. Ptolémée, qui auroit pu profiter de fa victoire, & faire la conquête de tout l'Empire de la Syrie, defiroit auffi de fon côté de terminer la guerre, pour fe livrer fans partage & fans diftraction à fes plaifirs. Les Peuples, qui connoiffoient fa molleffe & fa lâcheté, ne pouvoient comprendre comment il avoit eu de

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fi heureux fuccès; & en même tems ils lui favoient mauvais gré de ce qu'il concluoit ainfi une paix, par laquelle il fe lioit les mains. Le mécontentement qu'on en conçut, fut la principale fource des défordres qui éclaterent enfin dans l'Egypte par une rebellion ouverte de forte que Ptolémée, en voulant éviter une guerre étrangere, en attira une au milieu de fes propres Etats.

Antiochus, après avoir fait la paix avec AN.M.3788. Av.J.C.216. Prolémée, donna toute fon application à Polyb. 1. 5. la guerre contre Achéus, & fit tous les p. 444 préparatifs pour la commencer. Il paffa enfin le Mont Taurus, & entra dans l'Afie Mineure pour la réduire. Il y fit une ligue avec Attale, Roi de Pergame, en vertu de laquelle ils joignirent leurs forces contre leur ennemi commun. Ils le prefferent fi fort, qu'il leur abandonna la campagne, & fe renferma dans Sardes. Antiochus en forma le fiege, Achéus le foutint plus d'un an. 11 › faifoit fouvent des forties, & il y eut quantité d'actions au pied des murailles de la ville. Enfin, par une rufe de Ligoras, un des Commandans d'Antiochus, on prit la ville. Achéus se retira dans le Château, & s'y défendoit encore, quand il fut livré par deux traîtres Crérois. Cette hiftoire mérite d'être rapportée, & confirme la vérité du proverbe qui difoit que les (a) Crétois étoient des s menteurs & des fourbes.

(α) Κρῆτες ἀεὶ ψευδεῖς, κακὰ θήρια, 3. Zaul, Epift. ad Tit, 1.012;

BS

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