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Au commencement du printems, Quin- AN.M.3810 tius fe rendit à Corinthe, où il avoit con- Av. J.C.194 voqué une affemblée générale des Députés de toutes les villes. Là il leur repréfenta comment Rome s'étoit prêtée avec joie & empreffement aux prieres de la Grece qui avoit imploré fon fecours, & avoit fait avec elle une alliance dont il efpéroit qu'on n'auroit pas lieu de fe repentir. Il parcou rut en peu de mots les actions & les entreprises des Généraux Romains qui l'avoient -précédé, & rapporta les fiennes avec une modeftie qui en relevoit le mérite. Il fut écouté avec un applaudiffement général, excepté lorfqu'il vint à parler de Nabis, où l'Àffemblée, par un murmure modefte, fit fentir fa furprife & fa douleur, de ce que le Libérateur de la Grece avoit laiffé dans , le fein d'une ville aufi illuftre que Sparte un Tyran, non-feulement infupportable à fa patrie, mais redoutable à toutes les autres villes.

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Quintius, qui n'ignoroit pas la difpofition des efprits à fon égard fur ce fujer, crut devoir rendre compte de fa conduite en peu de mots. Il avoua qu'il n'auroit -point fallu entendre à aucune condition de paix avec le Tyran, fi cela avoit pu fe faire fans rifquer la perte entiere de Sparte. Mais, qu'y ayant lieu de craindre que la ruine de Nabis n'entraînât celle d'une ville fi confidérable, il avoit paru plus fage de laiffer le Tyran affoibli & hors d'état de nuire, que de hazarder de voir

peut-être périr la ville par des remedes trop violens, & par les efforts mêmes qu'on feroit pour la délivrer.

Il ajouta à ce qu'il avoit dit du paffé, qu'il § fe préparoit à partir pour l'Italie, & à y faire retourner toute l'armée. Qu'avant dix: jours ils entendroient dire qu'on auroit retiré les garnifons de Démétriade & de: Chalcis; & qu'il alloit à leurs yeux rendre aux Achéens la Citadelle de Corinthe.. Qu'on verroit par là lefquels étoient plus dignes de foi des Romains ou des Etoliens, & fi ces derniers avoient eu raison de répandre par-tout qu'on ne pouvoit plus mal faire que. de confier fa liberté au peuple Romain, & qu'on n'avoit fait que changer de joug en recevant les Romains pour maîtres au lieu des Macédoniens. Mais qu'on favoit que les Etoliens ne fe piquoient pas de difcrétion & de fageffe ni dans leurs difcours, ni dans leurs actions.

Au refte il avertit les autres villes de ju ger de leurs amis par les actions, & non par des paroles; & de bien difcerner à qui elles devoient fe fier, & contre qui elles devoient être fur leur garde. Il les exhorta à ufer modérément de la liberté qu'avec cette fage précaution elle étoit falutaire aux particuliers auffi- bien qu'aux villes; que fans ce tempérament elle devenoit à charge aux autres, & pernicieuse à ceux-mêmes qui en abufoient. Que les principaux des villes, que les différens Ordres

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qui les compofent, que les villes elles-mêmes en général, s'appliquaffent avec foin à garder une parfaite union. Que tant qu'elles demeureroient unies, ni Roi, ni Tyran ne pourroient rien contr'elles. Que la difcorde & la fédition ouvroient la porte a tous les dangers & à tous les maux, parce. que le parti qui fe fent le plus foible au-dedans cherche de l'appui au-dehors, & aime mieux appeller l'étranger à fon fecours, que de céder à fes concitoyens. Il termina fon difcours en les conjurant avec bonté & tendreffe d'entretenir & de conferver par leur fage con duite la liberté dont ils étoient redevables à des armes étrangeres ; & de faire connoître au peuple Romain, qu'en les rendant libres, il n'avoit pas mal placé fa protection & fes bienfaits.

Ces avis furent reçus comme les avis d'un pere. Tous, en l'entendant parler ainfi, pleuroient de joie ; & Quintius lui-même... ne put retenir fes larmes. Un doux mur mure marquoit les fentimens de toute l'affemblée. Ils fe regardoient les uns les autres avec admiration, & s'entr'exhortoient à recevoir avec reconnoiffance & refpect les paroles du Général Romain comme autant d'oracles, & à les graver profondément dans leur efprit, & encore plus dans leur

cœur.

Enfuite Quintius ayant fait faire filence, leur demanda de s'informer exactement de ce qu'il pouvoit refter dans la Grece de citoyens Romains efclaves, & de les lui en

voyer en Theffalie dans l'efpace de deux
mois. Qu'il ne feroit pas honnête pour
eux-mêmes de laiffer en efclavage ceux à
qui ils devoient leur liberté. Tous se ré-
crierent avec applaudiffement, & rendi-
rent graces en particulier à Quintius de
ce qu'il avoit bien voulu les avertir d'un
devoir fi jufte & fi indifpenfable. Le nom-
bre de ces efclaves étoit fort confidérable.
Ils avoient été pris par Annibal dans la
guerre Punique, & comme les Romains
n'avoient
pas voulu les racheter, il les
avoit vendus. Il en coûta à l'Achaïe feule

cent talens, c'eft-à-dire cent mille écus 2 pour rembourfer aux maîtres le prix des efclaves , pour chacun defquels on payoit Cing en deux cens cinquante livres : le nombre par Lewiers, conféquent montoit ici à douze cens. Qu'on juge par proportion de tout le refte de la Grece. L'affemblée n'étoit pas encore finie qu'on vit la garnifon defcendre de la Citadelle, puis fortir de la ville. Quintius la fuivit de près, & fe retira au milieu des acclamations des peuples, qui l'appelloient leur fauveur & leur libérateur, & faifoient mille vœux au ciel pour lui..

Il tira pareillement les garnifons de Chalcis & de Démétriade, & y fut reçu avec les mêmes applaudiffemens. De là il paffa en Theffalie, où il trouva tout à réformer, tant le défordre étoit général.

&

Enfin il s'embarqua pour l'Italie étant arrivé à Rome, il y entra en triom

phe. La cérémonie dura trois jours, pendant lefquels il fit paffer en revue devant le peuple, les précieufes dépouilles qu'il avoit amaffées dans la double guerre contre Philippe & contre Nabis. Démétrius fils du premier, & Armene fils du fecond, étoient parmi les otages, & ornoient le triomphe du vainqueur. Mais ce qui en faifoit le plus bel ornement, étoient les citoyens Romains délivrés d'efclavage, qui fuivoient le char la tête rafée en figne de la liberté qui venoit de leur être rendue..

S. V.

Tout fe prépare à la guerre entre Antiochus & les Romains. Mutuelles Ambassades & entrevues de part & d'autre qui ne terminent rien. Les Romains envoient des troupes contre Nabis, qui avoit rompu le Traité. Phi lopémen remporte contre lui une victoire. Les Etoliens appellent Antiochus. Nabis eft tué. Enfin Antiochus passe en Grece.

Du côté d'Antiochus & des Romains, AN,M.3811. tout fe préparoit à une guerre prochaine. Av. J.C.193. Liv. lib 34 Il étoit venu à Rome des Ambaffadeurs au . $7.63. nom de toute la Grece, d'une grande parue de l'Afie Mineure, & de plufieurs Rois. Ils eurent une favorable audience dans le Sénat mais comme l'affaire d'Antiochus étoit d'une longue difcuffion, elle fut renvoyée à Quintius & aux Commiffaires qui

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