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& d'un bienfait fi important, fe renouvelloft de jour en jour, & pendant un fort longtems il n'étoit parlé d'autre chofe dans les repas & dans les entretiens. On disoit avec : des tranfports d'admiration, & dans une forte d'enthousiasme: "Qu'il étoit donc au monde » une nation, qui, à fes frais & à fes rifques, »entreprenoit des guerres pour la liberté : » des autres, & cela non pour des peuples. » voifins ou fitués dans le même continent,. » mais qui paffoit les mers, & alloit au loin. » pour empêcher qu'il n'y eût quelque part » que ce fût un Empire injufte, & pour » faire régner par-tout les loix, l'équité, la »juftice. Que par un feul mot & à la voix » d'un héraut, la liberté avoit été rendue à "toutes les villes de la Grece & de l'Afie. » Qu'il étoit d'une grande ame de former feulement un tel deffein: mais que de le met"tre à exécution, c'étoit l'effet d'un rare » bonheur & d'une vertu confommée.

Ils rappelloient tous les grands combats que la Grece avoit entrepris pour la liber-té. Après avoir foutenu tant de guerres,

difoient-ils, jamais fa valeur n'a reçu », une fi douce récompenfe, que lorfque des étrangers font venus combattre pour elle.. » C'eft alors que, fans avoir prefque verfé »une goutte de fang, & fans avoir perdu un " feul homme, elle a remporté le plus beau

tiffimam fint, Una voce præmi fuiffe: ad effectum adconis liberatas omnes Græ- ducere, virtutis & fortuneçiæ atque Afiæ urbes. Hoc ingentis. Liu, n. 39. fe concipere, audacis ani- kui kaq 21

» de tous les prix & le plus digne d'être difputé par des hommes. La valeur & la >>prudence font rares dans tous les tems: mais » de toutes les vertus la plus rare, c'eft la »juftice. Les Agéfilas, les Lyfandres, les Nicias, les Alcibiades, ont bien fu con>> duire des guerres, & gagner des batailles » par terre & par mer, mais c c'étoit pour eux pour leur patrie, non pour des inconnus » & des étrangers. Cette gloire étoit réfer»vée aux Romains.

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Voilà les réflexions que les Grecs far foient fur l'état préfent des affaires; & les effets répondirent promptement à la glorieufe -proclamation faite aux Jeux Ifthmiques. Car les Commiffaires fe partagerent pour aller faire exécuter leur Décret dans toutes les villes.

Quand Flamininus fut de retour à Argos, il fut fait Préfident des Jeux Néméens. Il s'acquitta parfaitement de cet ‹mploi, & n'oublia rien de tout ce qui pouvoit augmenter la célébrité & la magnificence de la fête; & il fit publier encore dans ces -Jeux, comme il avoit fair dans les autres, la liberté dès Grecs par la voix du héraut.

En vifitant toutes les villes, il y établiffoit de bonnes ordonnances, y réformoit la Juftice, rappelloit l'amitié & la concorde entre les citoyens, en appaifant les féditions & les querelles, & en faifant revenir, les bannis; mille fois plus content de pouvoir, par les voies de la perfuafion, porter les. Grecs à fe réconcilier les

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uns avec les autres, & à vivre bien ensem→→ ble, qu'il ne l'avoit été d'avoir vaincu les Macédoniens: de forte que la liberté même leur parut le moindre des bienfaits qu'ils avoient reçu de lui. A quoi en effet leur auroit-elle fervi, fi lajuftice & la concorde n'euffent été rétablies parmi eux? Quel modele pour un Gouverneur, pour un Intendant de Province!! & quel bonheur pour celles qui en trouvent de tels!

On rapporte que le Philofophe Xénocrate ayant été délivré un jour à Athenes par l'orateur Lycurgue des mains des Fermiers, qui le traînoient en prifon pour lui faire payer une fomme que les Etrangers de-voient au Tréfor public, & ayant rencontré bientôt après les fils de fon libérateur, il leur dit: Je paie avec ufure à votre pere. le plaifir qu'il m'a fait, car je fuis caufe: qu'il eft loué de tout le monde. Mais la reConnoiffance que les Grecs témoignerent à Flamininus & aux Romains, n'aboutit pas feulement à les faire louer: elle fervit encore infiniment à augmenter leur puiffance en portant tout le monde à fe confier en eux, & à s'abandonner à leur bonne foi. Car on ne fe contentoit pas de recevoir les Généraux qu'ils leur envoyoient, on les demandoit avec empreffement, on les appelloit, & on fe remettoit avec joie entre leurs mains. Et non-feulement les peuples & les villes, mais les Princes & les Rois mêmes, qui fe plaignoient de l'injus❤ tice des Rois voifins, avoient recours à

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eux, & fe mettoient comme fous leur fauvegarde, de forte qu'en peu de tems, par un effet de la protection divine (c'eft l'expreffion de Plutarque) toute la terre fut soumife à leur domination.

Cornélius, l'un des Commiffaires qui. s'étoient répandus de côté & d'autre, fe rendit à l'affemblé des Grecs qui fe tenoit à *Therme, ville de l'Etolie. Il y fit un long; difcours pour exhorter les Etoliens à demeurer fermes dans le parti qu'ils avoient pris, & à ne fe départie jamais du Traité ďal- liance qu'ils avoient fait avec les Romains. . Quelques-uns des principaux d'Etolie fe plaignirent, mais d'un ton modefte, que les Romains, depuis la victoire, ne paroiffoient pas auffi bien difpofés pour leur nation, qu'ils l'avoient été auparavant. D'autres lui reprocherent, en termes durs & injurieux, que fans les Etoliens, non-feulement les Romains n'auroient point vaincu Philippe, mais que même ils n'auroient pas pu mettre le pied dans la Grece. Cornélius, pour ne point donner lieu à des difputes & à des altercations qui ont toujours un mauvais effet, fe contenta fagement de les renvoyerau Sénat, en leur promettant qu'on leur rendroit bonne juftice. C'eft le parti qu'ils prirent. Ainfi finit la guerre contre Philippe..

Tite-Live dit que ce μixar σúvodov. Il s'agit fut aux Thermopyles. On d'une assemblée des Etoliens donte s'il a bien rendu ici | dans la ville de Therme, què Bolybe: ÉπI THY TWv dep- eft en Etoliç.

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§. IV.

Sur les plaintes & les foupçons formés con-tre Antiochus,les Romains lui envoient une Ambaffade; elle n'aboutit qu'a difpofer les chofes de part & d'autre à une rupture ouverte. Confpiration de Scopas Etolien contre Ptolémée; iloftmis à mort avec fes complices. Annibal fe retire chez Antiochus. Guerre de Flamininus contre Nabis. Il l'affiege dans Sparte, l'oblige à demander la paix, & la bui accorde. Il entre à Rome entriomphe.

LA guerre de Macédoine avoit fini fostà propos pour les Romains, qui fans cela auroient eu fur les bras en même tems deux : puiffans ennemis, Philippe & Antiochus: . car il étoit évident que bientôt on feroit obligé de déclarer la guerre au Roi de Syrie, qui avançoit tous les jours fes conquêtes de plus en plus, & fe préparoit fans doute à paffer en Europe.

AR.M.3808. Après s'être mis en repos du côté de la Cé-Av.J.C.196. lé-Syrie & de la Palestine par l'alliance qu'il

Liv. lib. 17.

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38-41. avoit conclue avec le Roi d'Egypte, & s'être : Polyb. I. 17. rendu maître de plufieurs villes de l'Afie P.769-770. Mineure, & entr'autres d'Ephefe, il prit les Appian. de bellis Syr. p.mefures les plus propres pour venir à bout 86-28, de fes deffeins, & pour fe remettre en poffeffion de tout ce qu'il prétendoit avoir 'appar- tenu autrefois à fes ancêtres.

Smyrne, Lampfaque, & les autres villes Grecques d'Afie qui jouiffoient alors de leur

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