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quoit des moyens sûrs pour l'exécuters
Quelques jours après, Alexis l'alla trou-
ver, & lui demanda, s'il avoit reçu quel-
que lettre de Molon. Epigene, furpris d'une
telle demande, marqua fon étonnement,
& en même tems fon indignation. L'au-
tre répondit qu'il avoit ordre de fouiller
dans fes papiers. On y trouva en effet la
prétendue lettre, & fans autre examen ni
autre formalité Epigene fut mis à mort.
Le Roi, fur la fimple infpection de la
lettre crut le crime bien avéré & bien
prouvé. La Cour n'en jugea pas de mê-
me mais la crainte tenoit toutes les lan- --
gues liées & muettes. Que les Princes font
malheureux, & qu'ils font à plaindre !

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Quoique la faifon fût déja fort avancée, Antiochus paffa l'Euphrate, raffembla toutes fes troupes, & pour être plus à portée, & entrer de bonne heure en campagne au printems, il les mit en quartier d'hyver dans le voifinage en attendant la belle faifon.

AN.M.3784 Des qu'elle fut venue, il les fit marcher Av.J.C. 220. du côté du Tigre, paffa ce fleuve, força Molon d'en venir à une action, & remporta fur lui une victoire fi complete que le rebelle voyant tout perdu, fe tua lui-même de défefpoir. Son frere Alexandre étoit alors en Perfe, où Néolas, un autre de leurs freres, qui s'étoit échappé de cette bataille lui en apporta la trifte nouvelle. Se voyant fans reffource, ils tuerent premiérement leur mere, puis leurs

femmes, & leurs enfans, & enfin fe tuerent eux-mêmes, pour ne pas tomber entre les mains du Vainqueur. Voilà la fin qu'eut cette rebellion, qui caufa la ruine entiere de tous. ceux qui y avoient eu part. Digne récompenfe de quiconque ofe prendre les armes contre fon Prince!

Après cette victoire, les débris de l'armée vaincue fe foumirent au Roi, qui fe contenta de leur faire une forte réprimande, & leur pardonna leur faute. Il les envoya dans la Médie fous le commandement de ceux qu'il avoit chargés du foin des affaires de cette province; & retournant de là à Séleucie fur le Tigre, il y paffa quel que tems à donner les ordres néceffaires pour rétablir fon autorité dans les provinces où s'étoit fait la révolte, & ramener tout l'ancien ordre.

à

Tout cela s'étant exécuté par les per-. fonnes qu'il jugea propres à le faire, il marcha contre les Atropatiens, qui occupoient le pays fitué à l'occident de la Médie, & qu'on appelle à préfent la Géorgie. Leur Roi, nommé Artabazane, étoit un vieillard fort caffé, qui fut fi effrayé de l'approche d'Antiochus avec une armée vidorieufe, qu'il envoya faire fa foumission, & fit la paix aux conditions qu'on jugea à propos de lui imposer.

On reçut dans ce tems-là la nouvelle qu'il étoit né un fils au Roi: ce qui fut un grand fujet de joie pour toute la Cour & pour toute l'armée. Hermias, dès ce

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moment, fongea aux moyens de fe défaire du Roi, dans l'efpérance qu'après fa mort il ne manqueroit pas d'être nommé. tuteur du jeune Prince & que fous fon rom il exerceroit un empire abfolu. Il étoit devenu odieux à tout le monde par fa hauteur & fon infolence. Les peuples gémiffoient fous un gouvernement que l'avarice & la cruauté du premier Miniftre leur rendoient infupportable. Leurs plaintes n'arrivoient point jufqu'au trône, dont toutes les avenues leur étoient fermées. Perfonne n'ofoit faire connoître au Roi l'oppreffion des peuples. On favoit qu'il craignoit de voir la vérité, & qu'il abandonnoit à la cruauté d'Hermias tous ceux qui entreprenoient de parler contre lui. Il avoit ignoré. jufques là les injuftices & les violences. qu'Hermias exerçoit fous fon nom. Il commença enfin à ouvrir les yeux : mais il craignoit lui-même ce Miniftre, dont il s'étoit rendu dépendant, & qui avoit pris fur lui une autorité abfolue en profitant du caractere indolent de ce Prince, qui d'abord étoit bien aife de fe décharger fur lui du foin & de l'embarras de toutes les affaires.

,

Apollophane fon médecin en qui il avoit grande confiance, & qui par fa place avoit un libre accès auprès de lui, prit fon tems pour lui repréfenter le mécontentement général des peuples, & le danger où il étoit lui-même de la part d'un tel Miniftre. It l'avertit de prendre gardé.

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fa perfonne, de peur qu'il ne lui arrivât comme à fon frere en Phrygie d'être la victime de l'ambition de ceux en qui it avoit le plus de confiance. Qu'il étoit vifible qu'Hermias formoit quelque deffein & qu'il n'y avoit point de tems à perdre, fi on vouloit le prévenir. Voilà les fervices réels qu'un Officier attaché à la perfonne d'un Prince, & véritablement affectionné , peut & doit lui rendre. Voilà l'ufage qu'il doit faire de l'accès libre que fon Maître lui donne, & de la confiance dont il l'honore.

Antiochus étoit environné de Courtifans qu'il avoit comblés de bienfaits, dont aucun n'ofoit hazarder fa fortune en lui difant la vérité. On a bien raifon de dire, qu'une des graces les plus fignalées que Dieu puiffe accorder aux Rois, eft de les délivrer de la langue des flatteurs, & du filence des gens de bien.

Le Roi, comme je l'ai déja dit, avoit commencé à former des foupçons fur fon Miniftre ; mais il ne s'en étoit ouvert à perfonne , parce qu'il ne favoit à qui fe fier. Il fut bien aife que fon Médecin lui eût donné cet avis ; & il prit des mesures avec lui pour fe défaire d'un Miniftre fi généralement haï, & fi dangereux. Il s'écarta un peu de l'armée, fous prétexte de fa fanté, & il emmena Hermias pour lui tenir compagnie ; & dans une promenade où le Roi l'avoit attiré affez loin de tous ceux qu'il croyoit difpofés à prendre fon

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parti, il le fit affaffiner par fa fuite. Cette mort caufa une joie univerfelle. dans tout Empire. Cet homme cruel & hautain avoit gouverné tout avec dureté & violence. Il n'avoit jamais pu fouffrir qu'on ouvṛît d'avis contraire au fien, ou qu'on apportât d'oppo fition à fes deffeins, fans perdre ceux qui avoient eu le courage de le faire. Auffi s'étoit-il fait univerfellement hair. Cette haine parut fur-tout à Apamée. Car dès qu'on y eut la nouvelle de fa mort, toute la ville en furie courut lapider fa femme & fes enfans.

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Antiochus, après avoir rétabli fi heureufement fes affaires dans l'Orient, &avoir rempli les gouvernemens des provin ces de perfonnes de mérite, & en quis il avoit le plus de confiance, ramena encore fon armée en Syrie, & l'y mit en quartier d'hyver. Il paffa le refte de l'année à Antioche à tenir de fréquens Confeils avec fes Miniftres fur les opérations de la campagne fuivante.

Ce Prince avoit encore deux entreprifes bien dangereufes à exécuter, pour rétablir entiérement la fûreté & la gloire de l'Em-pire de Syrie la premiere contre Ptolémée pour recouvrer la Célé-Syrie & l'autre contre Achéus qui venoit d'ufurper l'AfieMineure.

Prolémée Evergete s'étant emparé de toute la Célé-Syrie au commencement du regne de Séleucus Callinicus, comme il a été dit ci-devant, le Roi d'Egypte étoit

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