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de fe défendre, afin qu'elle prît fes mefures; & que réciproquement l'armée de fécours pourroit communiquer fes deffeins à la ville affiégée, fur-tout en fe fervant de Junette d'approche.

§. VII.

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Célebre victoire remportée près de Mantinée fur Machanidas Tyran de Sparte par Philopémen. Eftime qu'on faifoit de ce Général. Nabis fuccede a Machanidas; traits de fon avarice & de fa cruauté. Paix enérale conclue entre Philippe & les Romains, dans laquelle furent compris tous les Alliés de part & d'autre.

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LES Romains, uniquement occupés de la guerre contre Annibal, à laquelle ils avoient réfolu de mettre fin, prirent peu de part à celle des Grecs, & les laifferent en repos pendant les deux années qui vont suivre.

Dans la premiere, Philopémen fut nom- AN.M.3798. mé Capitaine-Général des Achéens. Re- Av. J.C.206. vêtu de cette premiere charge de la Répu- Polyb. L. 11. blique, il affembla fes Alliés avant que de2. 629-631. fonger à se mettre en campagne, les exhorta fortement à feconder fon zele par leur courage & leur bonne volonté, & à foutenir dignement fa réputation & la feur. 11 infifta beaucoup fur le foin qu'on devoit prendre, non plus de la beauté & de la magnificence des habits, ce qui ne conarvient qu'à des femmes & encore à des

femmes d'un mérite médiocre; mais de la propreté & de l'éclat des armes, ce qui fied bien à des hommes occupés de leur propre gloire, & du bien de la patrie.

Son difcours fut écouté avec un applaudiffement général, de maniere qu'au fortir de l'affemblée on montroit au doigt ceux que l'on voyoit vêtus magnifiquement : tant une exhortation faite à propos par un homme refpe&table, a de force, non-feulement pour détourner les hommes du mal, mais encore pour les porter au bien, furtout quand fa vie répond à fes paroles: car alors on ne peut prefque pas ne se point rendre à fes confeils. C'étoit là le caractere de Philopémen. Simple dans fes habits, frugal dans fes repas, il s'occupoit pey du foin de fon corps. Dans les converfations il fouffroit avec patience la mauvaise humeur des autres, & même leurs paroles méprifantes pour lui il évitoit de faire la moindre peine à qui que ce fût. Il fe fit une étude particuliere toute fa vie de ne parler A que vrai. Auffi fes moindres paroles étoient tai toujours écoutées avec refpe&t, & l'on n'hégo-fitoit point à y ajouter foi. Et il n'avoit pas befoin de beaucoup de paroles pour perfuader fa conduite étant un modele de tout ce que l'on devoit faire.

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L'affemblée congédiée tous retournerent dans leurs villes, pleins d'admiration pour tout ce qu'ils avoient entendu dire a Philopémen, & perfuadés que tant qu'il feroit à la tête des affaires, il n'arriveroit

rien de fâcheux à la République. Il partit auffi-tôt lui-même pour vifiter les villes, & pour donner ordre à tout. Il affembla le peuple dans chaque lieu, lui marqua ce qu'il étoit à propos qu'il fit, & leva des troupes. Après avoir paffé prés de huis mois aux préparatifs de la guerre, il fe mic en campagne, & affembla fes troupes à Mantinée.

Plut, in

Machanidas, Tyran de Lacédémone", Polyb. 1. 10. épioit avec une puiffante armée l'occafion. 631-637. daffujettir tout le Péloponnefe. Dès qu'on Philop. pag. eut nouvelles qu'il étoit arrivé fur les ter-361. res de Mantinée, Philopémen fongea à lui' livrer bataille.

Le Tyran de Sparte fe mit en marche' dès le matin à la tête de l'infanterie pesamment armée, & plaça à droit & à gauche fur la même ligne un peu plus avancée L'infanterie légere compofée des étrangers; & derriere eux les chariots chargés de catapultés & de traits, pour les foutenir. Il paroît par la fuite qu'il avoit devant lui un foffe qui traversoit une partie de la plaine, mais qui étoit débordé aux deux bouts par fes troupes.

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En même tems Philopémen fit fortir de la ville fon armée partagée en trois corps. Le premier, compofé de la cavalerie Achéenne, fe mit à la droite. Le fecond qui étoit de l'infanterie péfamment armée prit le centre, s'avançant vis-à-vis du foffé. Le troifieme, compofé des Illyriens, des cuiraffiers des étrangers des ar

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més à la légere & de quelques chevaux * Tarentins, occupa la gauche, ayant Philopémen à fa tête.

L'heure du combat étant proche & les ennemis en préfence, ce Général voltigeant dans les intervalles de l'infanterie, encouragea fes gens en peu de paroles, mais très-fortes. La plupart même ne furent pas entendues. Car fes foldats l'aimoient tant, & avoient tant de confiance en lui, qu'ils fe portoient d'eux-mêmes à combattre avec un empreffement & une ardeur incroyable. Eux-mêmes, avec une efpece de tranfport, animoient leur Général, & le preffoient de les mener à la charge. Tout ce qu'il tâchoit de leur faire entendre, étoit que le tems étoit venu où leurs ennemis alloient être réduits à une honteufe fervitude & eux remis dans une liberté glorieuse & à jamais mémorable.

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Machanidas marcha avec fon infanterie. en une efpece de colonne, comme s'il eûr voulu d'abord commencer l'action par l'attaque de la droite. Mais quand il fe fut approché à une diftance convenable il fit faire tout d'un coup à fon infanterie un demi tour pour s'allonger fur fa droite & pour faire un front égal à la gauche des Achéens & fit avancer pour la couvrir tous les chariots chargés de catapultes. Philopémen vit bien que fon but étoit de

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Les cavaliers Tarentins avoient chacun deux chevaux. Liv. lib. 35. n. 28.

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jetter le défordre dans fon infanterie l'accablant de traits & de pierres. Il ne lui en donna pas le loifir, mais fit commencer. vigoureusement le combat par la cavalerie des Tarentins dans un terrain qui fer trouvoit fort propre à la faire agir. Machanidas fut obligé de faire la même chofe, & de mettre auffi aux mains fes Tarentins. Le premier choc fut violent. Les armés à la légere étant venus peu après pour les foutenir, en un moment on vit tous les étrangers engagés de part & d'autre. Et comme dans cette mêlée on fe battoit d'homme à homme, le combat fut fort long-tems douteux. Enfin les étrangers de la part du Tyran eurent l'avantage; leur nombre, & la dextérité qu'une longue expérience leur avoit acquife, l'emporterent. Les Illyriens & les cuiraffiers qui foutenoient les étrangers de Philopémen ne purent réfifter à un choc fi rude. Ils furent tous entiérement rompus, & s'enfuirent en hâte vers la ville de Mantinée, éloignée d'un grand quart de lieue.

Tour paroiffoit perdu du côté de Philopémen. On vit alors fenfiblement, dit Polybe, la vérité d'une maxime qui ne peut être raisonnablement conteftée : Que la plupart des événemens militaires ne font heureux ou malheureux qu'à proportion de l'habileté ou de l'ignorance des Généraux. Philopémen, loin d'être ébranlé par le mauvais fuccès de ce premier choc, & de perdre tête, ne fut attentif qu'à profiter des.

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