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celui de l'administrateur et du général : — c'est une grande pensée. Une seule distinction honorifique ne suffit pas; en imaginer une autre qui l'égale sans l'amoindrir. - On instituerait une croix du mérite à deux degrés: l'un, le second degré, sous forme de médaille; l'autre, le premier degré, sous forme de croix. La médaille serait donnée par le Gouvernement en nombre illimité aux artistes et aux industriels de tous les pays, soit directement, soit sur le rapport motivé des inspecteurs des beaux-arts, des agents diplomatiques et des consuls. La croix serait également distribuée par le Gouvernement, mais seulement jusqu'au nombre de deux cents. Ensuite, chaque extinction serait annoncée par la voie des journaux, et chaque porteur de la médaille déposerait à sa mairie, et en pays étranger, chez l'agent français, un bulletin portant le nom de son candidat à la croix du mérite. L'espace de temps reconnu nécessaire pour parcourir les plus grandes distances étant écoulé on proclamerait le résultat de ce concours universel. La croix du mérite ainsi obtenue par l'acclamation de plusieurs milliers de votants, représentant sur l'étendue du monde entier les juges compétents en matière d'art, serait certes la plus enviée des récompenses, et la seule qu'une femme pût honorablement accepter. Le ruban qui brille sur l'uniforme du soldat comme le signe de l'honneur serait trop souvent sur la robe de la femme la tache de son déshonneur; mais une faveur qu'on obtient de dix mille personnes dispersées dans le monde entier ne saurait effrayer la susceptibilité la plus ombrageuse, et honorerait aussi bien Rosa Bonheur qu'Horace Vernet. Si le caractère populaire de cette distinction en est le principal mérite, on cherchera dans ce même élément tout ce qui peut servir de stimulant pour nos artistes, tout ce qui peut rendre l'enthousiasme à nos populations et la vie à nos départements. Ovations faites aux grands artistes. Récompenses

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votées par souscription.—Statues érigées par les villes aux artistes célèbres qui y sont nés. L'État associera son concours moral aux manifestations publiques d'un sentiment généreux. C'est relever les arts et les artistes que de les prendre au sérieux jusque dans les jeux de leur imagination, jusque dans l'enfantillage de leurs enthousiasmes. On leur inspire une haute idée de leur mission, on leur donne l'ambition de bien faire en s'intéressant ou en paraissant s'intéresser à leurs projets, à leurs travaux. Mais où ils ont le plus besoin d'assistance, c'est dans leur vie privée. Comme tous les autres hommes, les artistes ont l'esprit et les tendances morales de leurs relations. L'instruction développée, les principes d'honneur et de moralité, les bonnes manières, sont le vrai cortège du talent. Ils font de la vie le miroir de l'art, ils mettent au même niveau la dignité du talent et la dignité de l'homme. - Dans les arts, comme dans les lettres, la vulgarité de la pensée produit la vulgarité du style L'art est si chaste qu'il trabit lui-même ses intentions à première vue. Comme la jeune fille qui rougit sans le vouloir, l'art accuse ses mauvaises tendances en dépit de tout ce qu'il fait pour les dissimuler. Élevez vos pensées, maintenez votre cœur dans les hautes régions, comprenez toutes les passions nobles; autrement l'âne montrera les oreilles sous

la peau du lion, la lasciveté percera sous la grâce, l'obscène sous la passion. L'histoire des peintres est remplie de ces exemples d'un art qui s'épure quand la conduite se limpidifie, d'une pensée qui s'élève quand le corps se redresse, du génie qui s'éveille quand les instincts et les passions d'en has sommeillent.-État social des artistes en Grèce.—Socrate, Platon, Aristote, parcouraient les ateliers et jetaient dans l'âme des artistes les idées, les conseils, les critiques, selon que l'œuvre les comportait. Ces artistes vivaient dans la palestre et sur les places publiques, en familiarité avec la classe la plus distinguée. A l'époque de la Renaissance ils furent traités avec des prévenances au moins égales. Raphaël a dû l'élégance de ses types à une noblesse native assistée d'une noblesse de relations sociales; Titien, Velasquez, Rubens, transmirent aux personnages de leurs tableaux une distinction qu'ils avaient adoptée eux-mêmes, qu'ils s'étaient incorporée en vivant avec les princes, les seigneurs et la haute société. Si j'ai placé au début de la carrière et dans l'École des cours de littérature et d'histoire, on ne s'étonnera pas que je réserve aux artistes, pendant leur carrière active, les heureux effets du contact avec les hommes d'élite dans tous les genres. Des allocations seront données comme frais de représentation aux secrétaires perpétuels de l'École et de l'Académie des beaux-arts à Paris, aux directeurs du musée du Louvre, du musée de Cluny, des conservatoires de musique et des arts et métiers, des archives générales, de nos grandes bibliothèques, du muséum d'histoire naturelle, du théâtre Français et de l'Opéra. Les hauts fonctionnaires qui dirigent ces établissements ou ces institutions appelleraient autour d'eux les artistes de talent dans ces heures du soir où ils ont besoin de repos et de distraction, et ils les mettraient en rapport avec les hommes remarquables dans les lettres et les sciences, avec les hommes les mieux placés dans la haute société, avec les fonctionnaires de tous rangs et le monde officiel; les acteurs et les actrices, les chanteurs et les cantatrices en renom, eux-mêmes invités, viendraient dans ces soirées réciter les plus beaux passages de nos auteurs, chanter les plus délicieux morceaux de leur répertoire; de temps à autre, un voyageur y ferait le récit de ses aventures; un poëte, la confidence de ses inspirations; un esprit ingénieux, la description de ses inventions. Les artistes étrangers se rencontreraient avec les nôtres, tous ensemble avec les artistes amateurs, gens du monde, dont les conseils ont du bon et qui servent d'intermédiaire avec les riches amateurs. PREmière et seconDE ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS. Cet accueil fait à l'artiste dans le monde pendant la partie brillante et populaire de sa carrière nous conduit aux deux refuges offerts à sa vieillesse : dans l'un il trouve la gloire, dans l'autre une douce sociabilité et un abri. La quatrième classe de l'Institut ou première Académie des beaux-arts. depuis la Révolution. Son influence modifiée. — Ses lacunes. Elle se compose de 40 membres titulaires et de 10 membres libres. Ces chiffres ne répondent pas à l'extension que les arts ont prise dans la vie civile, à l'importance qu'ils ont acquise dans la vie publique, à l'augmentation de nombre

Son histoire

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au lieu de 14. Motifs de cette augmentation.

des artistes, au fractionnement des différents genres. L'Académie des sciences compte 63 membres titulaires et 10 membres libres; l'Académie des beauxarts a le droit de prendre plus d'extension encore. Répartition des 60 membres de l'Académie des beaux-arts. 1" section. Peinture. 20 membres 2 section. Sculpture. 12 membres au lieu de 8.- Motifs. 3 section. Architecture. 14 membres au lieu de 8. 4o section. Musique. 8 membres au lieu de 6. - Les deux nouveaux membres choisis parmi les grands facteurs d'instruments et parmi les musiciens érudits et archéologues. — Motifs.— Académiciens amateurs. 20 membres libres au lieu de 10. Motifs. Deux secrétaires perpétuels l'un représentant l'art vivant et militant; l'autre, les traditions et l'érudition; l'un comprenant dans ses attributions l'enseignement des arts et la direction de l'École, l'autre ayant sous sa direction les travaux d'érudition.

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Motifs.

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Alors le dictionnaire des beaux-arts ne restera plus un mythe et d'autres ouvrages sur les arts émaneront de la compagnie qui a été instituée pour les produire et qui est composée des meilleurs éléments pour leur donner l'autorité. La chapelle du collège Mazarin rendue au culte. Une nouvelle salle des séances dix fois plus grande. La séance de la distribution des prix se tiendra en face des ouvrages qui les ont remportés. La première Académie des beaux-arts est l'asile glorieux des grands talents. SECONDE ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS. J'ai montré comment l'ancienne Académie royale de peinture et de sculpture s'était formée d'un compromis avec l'ancienne maîtrise, et conservait de la vieille institution des métiers un élément libéral et un excellent esprit de camaraderie. Après sa destruction par le haineux David, après un interrègne, la nouvelle Académie des beaux-arts a été composée en changeant radicalement le vieux règlement et en faussant le bon esprit de la confrérie. Les 40 académiciens sont désormais sans lien et en hostilité permanente avec le corps entier des artistes. La réputation des talents les moins contestés en souffre, leur influence y perd, leur enseignement est lui-même mis en suspicion. C'est que l'Académie des beaux-arts est trop isolée. Au lieu d'être le sommet d'une suite de degrés, c'est une forteresse que l'on regarde avec révolte et qu'on attaque pour en forcer l'entrée. Faisous-en un noble asile et qu'on y accède, comme à l'Acropole d'Athènes, par un escalier large, majestueux, facile. Trouver un moyen de renouer le lien de camaraderie et de rétablir l'harmonie des bons sentiments. - Les médecins et chirurgiens ont leur classe à l'Institut et leur académie particulière; les artistes useront du même droit. — Création d'une seconde Académie des beaux-arts. - - Composition, but et moyens d'action. - Cette seconde académie serait en même temps une réunion sociale et une association fraternelle.— Les membres de l'Institut y entreraient de droit et se partageraient la moitié des places du conseil d'administration, qui serait l'équivalent du corps des officiers de l'ancienne académie; l'autre moitié élue par les sociétaires. J'entrevois déjà dans ce rapprochement et dans les contacts fréquents qu'il produira une influence utile. Les femmes artistes, les amatcurs et

les artistes engagés dans l'industrie pourront être nommés membres de cette seconde académie, en fournissant, comme les autres membres, deux patrons garants de leur talent, et une œuvre d'art qui restera la propriété de l'Académie et formera son musée. La bibliothèque. L'amphithéâtre

Les vastes salons pour les
Cette seconde académie

pas

des études. Les salles des cours et lectures. réunions. La galerie des tableaux et statues. sera en outre une association charitable. Tout concourt à embellir la jeunesse de l'artiste, tout conspire contre sa vieillesse : au début de la vie, les rêves de l'ambition, l'amour de l'art et les distractions de l'étude; dans l'âge mûr, la fièvre de la production, les succès de l'amour-propre, la gloire même, qu'elle se traduise par des couronnes ou par des croix, par le murmure des journaux et de la foule ou par les attentions flatteuses du grand monde. Arrivent la vieillesse, la débilité, l'impuissance, les infirmités, et toutes ces charmantes illusions s'envolent comme autant d'oiseaux de sage qui partent à l'approche de la mauvaise saison; tout fuit, et l'artiste reste au milieu du silence et de l'abandon, sans famille, sans amis, en face d'une réputation contestée par les nouveaux venus et d'une misère incoutestable, seul résultat de cette vie de poétique insouciance, de noble prodigalité, d'entraînements séduisants. Quand l'artiste est jeune, s'il dévie, vous le remettez dans la bonne voie; quand son talent est mûr, vous lui donnez les occasions de l'exercer; mais que faire pour l'homine de génie, dont les œuvres ornent les musées publics et les palais du chef de l'État, sont couverts d'or dans les ventes, et font la fortune de ceux qui les possèdent, tandis que lui-même meurt de faim dans la misère et dans l'oubli? Je lui donne de l'argent, répondra la routine. Est-ce assez? Est-ce tout? Et cet argent, comment le lui donnez-vous? Il faut que l'homme, fier de ses succès, consente à venir vingt fois attendre dans l'antichambre d'un chef de bureau une audience qui se résume par un arrogant : Nous verrons. Ce n'est ni digne de l'artiste ni digne de la France. Je ne veux rien ôter à la dotation des invalides, aux pensions militaires de la Légion d'honneur; mais je demande que tous ceux qui combattent pour l'honneur de la France aient part à ses sacrifices comme à sa reconnaissance. Je vous demande une dotation de 200,000 francs, et de ne pas vous immiscer dans sa répartition. Un gouvernement, un ministre, des bureaux, sont de mauvais conducteurs de cette chaleur du cœur qui est la charité; ils n'ont ni sa délicatesse ni ses hardiesses. Laissez faire les associations fraternelles, et la seconde académie des beaux-arts sera la meilleure de ces associations et la mieux placée pour faire le bien. Avec ce budget de charité et les legs généreux qui viendront le grossir, avec les cotisations personnelles, la seconde académie des beauxarts donnera des secours, payera des pensions, escomptera aux artistes les billets du commerce, fera des prêts sans intérêt, manière noble de donner à des gens que le malheur empêchera de rendre, et plus encore elle sera pour la nombreuse classe des artistes sa chambre, son syndicat, son conseil de prud'hommes, et aussi son conseil de famille, portant à tous la

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sollicitude d'une mère vigilante. PUBLICITÉ. Pour couronnement à cette réorganisation des beaux-arts, la plus large publicité. — Un organe spécial.

Une bonne protection des arts double son influence quand elle fait connaître les principes qui la dirigent. On ne négligera aucune occasion de les exposer dans des instructions adressées à tous les agents, dans les solennités, les concours et les distributions de prix. On publiera en détail les commandes faites aux artistes, en expliquant le but de la décoration, en motivant le choix de l'artiste, et aussitôt que ces travaux seront exécutés, on publiera un rapport raisonné sur chacun d'eux, accompagné de gravures et de photographies, signalant les œuvres supérieures en même temps que celles qui accuseront la négligence des artistes. Il faut que le public soit mis dans cette confidence pour comprendre les faveurs accordées aux uns, l'exclusion qui frappera les autres. Quand cette organisation fonctionnera tout entière, quand les voiles, remplies de ce souffle protecteur et vivifiant, auront poussé le navire en pleine mer, et qu'il pourra, sans autre pilote, tendre aux régions bienheureuses qu'on voit poindre à l'horizon, il sera temps alors de supprimer cette direction spéciale des beaux-arts et de rattacher ce rouage, désormais peu compliqué, au ministère de l'instruction publique, qui deviendra le ministère de l'intelligence. En effet, l'éducation publique comprendra tout ensemble la formation de la morale, de l'esprit et du goût: la morale par la religion, l'esprit par les lettres et par les sciences, le goût par les arts. Comprendre l'Évangile, Virgile ou Newton et Raphael, devenir une des gloires de la France par l'éloquence de la chaire, par les découvertes de la science, par les chefs-d'œuvre des lettres et des arts, c'est puiser à la même source, c'est se ranger sous une même bannière.

MAINTIEN DU GOût public par l'éloignement de tout ce qui
OFFENSE LE BON GOÛT.

Les symptômes d'un abaissement du goût public se manifestent de toutes parts et frappent les yeux les moins clairvoyants; il est évident, pour tout esprit réfléchi, que la génération actuelle s'entretient dans le mauvais goût,” parce que l'État et l'édilité des grandes villes ne s'occupent pas assez d'écarter de ses yeux ce qui blesse le bon goût.—La foule ainsi pervertie est le plus pitoyable des juges, tandis que la foule, préparée par la vue des chefsd'œuvre de l'art et par un commerce familier avec le beau, devient un juge bienveillant, parce qu'il est enthousiaste, et sévère, parce qu'il a le droit d'être exigeant. On ne peut tout d'un coup détruire le laid et le mauvais, mais il suffit de placer sous les yeux du public le beau à côté du laid, le bon en regard du mauvais, pour épurer son goût.—Les orgues de Barbarie, les temples des pâtissiers, les fleurs en coquille et les paysages en bouchons pervertissent le goût, quand la bonne musique ne se fait entendre nulle part, quand il ne s'élève pas de monuments de l'art le plus pur, quand le luxe des fleurs et les beautés de la campagne ne sont pas à la

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