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Mais ces meffieurs ne fongent pas que fuivant la Genèfe DIEU fépara auffi la lumière des ténèbres, et appela la lumière jour, et ténèbres la nuit, et compofa un jour du foir et du matin, &c. et tout cela avant que de créer le foleil. Il faudrait donc, au compte de ces phyficiens , que le foleil ne fît pas le jour, et que l'absence du foleil ne fît pas la nuit.

Ils ajoutent encore que DIEU fépara les eaux des eaux, et ils entendent par cette féparation la mer et les nuages. Mais, felon eux, il faudrait donc que les vapeurs qui forment les nuages ne fuffent pas, comme elles le font, élevées par le foleil. Car, felon la Genèfe, le foleil ne fut créé qu'après cette féparation des eaux inférieures et fupérieures; or, ils avouent que c'eft le foleil qui élève ces eauxfupérieures. Les voilà donc en contradiction. avec eux-mêmes. Nieront-ils le mouvement de la terre, parce que Jofué commanda au foleil de s'arrêter ? nieront-ils le développement des germes dans la terre, parce qu'il eft dit que le grain doit pourrir avant que de lever? Il faut donc qu'ils reconnaiffent, avec tous les gens de bon fens, que ce n'eft point des vérités de phyfique qu'il faut chercher dans la Bible, et que nous devons y apprendre à devenir meilleurs, et non pas à connaître la nature.

CHAPITRE

III.

LA PROPRIETÉ QUE LA LUMIERE A DE SE REFLECHIR N'ÉTAIT PAS VERITABLEMENT CONNUE; ELLE N'EST POINT REFLECHIE PAR LES PARTIES SOLIDES DES CORPS, COMME ON LE CROYAIT.

Aucun corps uni. Lumière non réfléchie par les parties folides. Expériences décifives. Comment et en quel fens la lumière rejaillit du vide même. Comment on en fait l'expérience. Conclufion de cette expérience. Plus les pores font petits, plus la lumière paffe. Mauvaifes objections contre ces vérités.

AYANT

YANT fu ce que c'eft que la lumière, d'où elle nous vient, comment et en quel temps elle arrive à nous, voyons fes propriétés et fes effets ignorés jufqu'à nos jours. Le premier de ses effets eft qu'elle semble rejaillir de la furface folide de tous les objets pour en apporter les images dans nos yeux.

Tous les hommes, tous les philofophes, et les Defcartes et les Mallebranche, et ceux qui fe font éloignés le plus des pensées vulgaires, ont également cru qu'en effet ce font les surfaces folides des corps qui nous renvoient les rayons. Plus une furface eft unie et folide, plus elle fait, dit-on, rejaillir de lumière; plus un corps a de pores larges et droits, plus il tranfmet de rayons à travers sa substance. Ainfi le miroir poli, dont le

fond

fond eft couvert d'une furface de vif-argent, nous renvoie tous les rayons; ainfi ce même miroir fans vif-argent, ayant des pores droits et larges et en grand nombre, laiffe paffer une grande partie des rayons. Plus un corps a de pores larges et droits, plus il est diaphane; tel eft, difait-on, le diamant, telle eft l'eau elle-même: voilà les idées généralement reçues, et que perfonne ne révoquait en doute. Cependant toutes ces idées font entièrement fauffes; tant ce qui eft vraisemblable eft souvent ce qui eft le plus éloigné de la vérité. Les philofophes fe font jetés en cela dans l'erreur, de la même manière que le vulgaire y eft tout porté, quand il penfe que le foleil n'eft pas plus grand qu'il le paraît aux yeux. Voici en quoi confiftait cette erreur des philofophes.

Il n'y a aucun corps dont nous puiffions unir véritablement la furface: cependant beaucoup de furfaces nous paraiffent unies et d'un poli parfait. Pourquoi voyons-nous uni et égal ce qui ne l'eft pas ? La fuperficie la plus égale n'eft, par rapport aux petits corps qui compofent la lumière, qu'un amas de montagnes, de cavités, d'intervalles, de même que la pointe de l'éguille la plus fine eft hériffée en effet d'éminences et d'afpérités que le microscope découvre. Tous les faisceaux des rayons de lumière qui tomberaient fur ces inégalités fe réfléchiraient selon qu'ils y feraient tombés; donc étant inégalement tombés, ils ne fe réfléchiraient jamais régulièrement; donc on ne pourrait jamais fe voir dans une glace. De plus, le verre a probablement mille fois plus de pores que de matière, cependant chaque point de la furface renvoie des rayons; donc ils ne font point renvoyés par le verre.

Phyfique, &c.

G

La lumière qui nous apporte notre image de deffus un miroir ne vient donc point certainement des parties folides de la fuperficie de ce miroir; elle ne vient point non plus des parties folides de mercure et d'étain étendues derrière cette glace. Ces parties ne font pas plus planes, pas plus unies que la glace même. Les parties folides de l'étain et du mercure font incomparablement plus grandes, plus larges que les parties folides conftituantes de la lumière; donc fi les petites particules de lumière tombent fur ces groffes parties de mercure, elles s'éparpilleront de tous côtés comme des grains de plomb tombant fur des plâtras. Quel pouvoir inconnu fait donc rejaillir vers nous la lumière régulièrement? Il paraît déjà que ce ne font pas les corps qui nous la renvoient ainfi. Ce qui femblait le plus connu, le plus inconteftable chez les hommes, devient un mystère plus grand que ne l'était autrefois la pesanteur de l'air. Examinons ce problême de la nature, notre étonnement redoublera. On ne peut s'inftruire ici qu'avec furprise.

Expofez dans une chambre obscure ce prisme AB (figure 2) aux rayons du foleil, de façon que les traits de lumière parvenus à fa fuperficie B, faffent un angle de plus de quarante degrés avec la perpendicule P. La plupart de ces rayons alors ne pénètrent plus dans l'air au-delà de B; ils rentrent tous dans ce criftal à l'inftant même qu'ils en fortent; ils reviennent comme vous voyez, en fefant une courbure infenfible.

Certainement ce n'eft pas la furface folide de l'air qui les a repouffés dans ce verre; plufieurs de ces rayons entraient dans l'air auparavant, quand ils tombaient moins obliquement; pourquoi donc à une obliquité

de quarante degrés dix-neuf minutes, la plus grande partie de ces rayons n'y paffe-t-elle plus? Trouvent-ils à ce degré plus de réfiftance, plus de matière dans cet air, qu'ils n'en trouvent dans ce criftal qu'ils avaient pénétré ? Trouvent-ils plus de parties folides dans l'air à quarante degrés et un tiers qu'à quarante ? l'air est à peu-près deux mille quatre cents fois plus rare, moins pefant, moins folide que le criftal; donc ces rayons devaient paffer dans l'air avec deux mille quatre cents fois plus de facilité qu'ils n'ont pénétré l'épaiffeur du criftal. Cependant malgré cette prodigieufe apparence de facilité, ils font repouffés; ils le font donc par une force qui eft ici deux mille quatre cents fois plus puiffante que l'air; ils ne font donc point repouffés par l'air ; les rayons, encore une fois, ne font donc point réfléchis à nos yeux par les parties folides des corps. La lumière rejaillit fi peu de deffus les parties folides des corps, que c'eft en effet du vide qu'elle rejaillit quelquefois ce fait mérite une grande attention.

Vous venez de voir que la lumière, tombant à un angle de quarante degrés dix-neuf minutes fur du cristal, rejaillit prefque toute entière de deffus l'air qu'elle rencontre à la furface ultérieure de ce criftal; que fi la lumière y tombe à un angle moindre d'une feule minute, il en paffe encore moins hors de cette surface dans l'air.

Newton a affuré que fi l'on trouvait le fecret d'ôter l'air de deffous ce morceau de criftal, alors il ne pafferait plus de rayons, et que toute la lumière fe réfléchirait. J'en ai fait l'expérience; je fis enchâffer un excellent prifme dans le milieu d'une platine de cuivre ; j'appliquai cette platine au haut d'un récipient ouvert,

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