Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE X.

DE LA FORCE ACTIVE, QUI MET TOUT EN MOUVEMENT DANS L'UNIVERS.

S'il y a toujours même quantité de forces dans le monde. Examen de la force. Manière de calculer la force. Conclufion des deux partis.

JE. fuppofe d'abord que l'on convient que la matière

ne peut avoir le mouvement par elle-même ; il faut donc qu'elle le reçoive d'ailleurs ; mais elle ne peut le recevoir d'une autre matière, car ce ferait une contradiction; il faut donc qu'une caufe immatérielle produise le mouvement. DIEU eft cette cause immatérielle : et on doit ici bien prendre garde que cet axiome vulgaire, qu'il ne faut point recourir à DIE U en philofophie, n'est bon que dans les chofes que l'on doit expliquer par les caufes prochaines phyfiques. Par exemple, je veux expliquer pourquoi un poids de quatre livres eft contrepefé par un poids d'une livre; fi je dis que DIEU l'a ainsi réglé, je suis un ignorant; mais je fatisfais à la question, fi je dis que c'eft parce que le poids d'une livre eft quatre fois autant éloigné du point d'appui que le poids de quatre livres. Il n'en eft pas de même des premiers principes des chofes ; c'eft alors que ne pas recourir à DIEU, eft d'un ignorant; car ou il n'y a point de DIEU, ou il n'y a de premiers principes que dans DIEU.

C'est lui qui a imprimé aux planètes la force avec laquelle elles vont d'Occident en Orient ; c'eft lui qui fait mouvoir ces planètes, et le foleil fur leurs axes. Il a imprimé une loi à tous les corps, par laquelle ils tendent tous également à leur centre. Enfin il a formé des animaux auxquels il a donné une force active, avec laquelle ils font naître du mouvement.

La grande queftion eft de savoir fi cette force donnée de DIEU pour commencer le mouvement eft toujours la même dans la nature.

Defcartes, fans faire mention de la force, avançait fans preuve qu'il y a toujours quantité égale de mouvement; mais les premiers géomètres, qui trouvèrent les lois du choc des corps, trouvèrent que cette opinion était une erreur.

[ocr errors]

Bernouilli, difciple de Leibnitz en métaphyfique, trouva que, fi la quantité de mouvement n'était pas toujours la même, la fomme des forces eft une quantité constante; mais pour cela il fallait changer la manière ordinaire. d'eftimer cette force : au lieu donc que Merfenne, Defcartes, Newton, Mariotte, Varignon, &c. ont toujours, après Archimède, mefuré le mouvement d'un corps en multipliant fa maffe par fa vîteffe; les Leibnitz, les Bernouilli, les Herman, les Poleni, les s'Gravefende, les Wolf, &c. ont multiplié la masse par le quarré de la vîteffe.

Cette difpute, qui est le scandale de la géométrie, a partagé l'Europe; mais enfin il me femble qu'on reconnaît que c'eft au fond une dispute de mots. Il est impoffible que ces grands philofophes, quoique diamétralement oppofés, fe trompent dans leurs calculs. Ils font également juftes; les effets mécaniques répondent

également à l'une et à l'autre manière de compter. Il y a donc indubitablement un fens dans lequel ils ont tous raison. Or ce point où ils ont raison eft celui qui doit les réunir; et le voici, comme le docteur Clarke l'a indiqué le premier, quoiqu'un peu durement.

Si vous considérez le temps dans lequel un mobile agit contre des obftacles qui retardent fon mouvement, la force qu'il aura écartée avant d'arriver au point de repos fera comme le quarré de fa vîtesse par sa masse. Pourquoi ? parce que le temps pendant lequel il aura agi fera proportionnel à cette vîteffe initiale. Mais cette durée de l'action du corps eft l'effet de fa force, elle doit donc entrer dans la mefure de cette force. En ce cas les leibnitziens n'ont pas tort. Mais auffi les cartéfiens et les newtoniens réunis ont grande raifon, quand ils confidèrent la chofe dans un autre fens; car ils difent En temps égal un corps de quatre livres, avec un degré de vîteffe, agit précisément comme un poids d'une livre avec quatre degrés de vîteffe. Il ne faut pas confidérer ce qui arrive à des mobiles dans des temps inégaux, mais dans des temps égaux; et voilà la fource du mal-entendu. Donc la nouvelle manière d'envisager les forces eft vraie en un fens, et fauffe en un autre; donc elle ne fert qu'à compliquer, qu'à embrouiller une idée fimple; donc il faut s'en tenir à l'ancienne règle. Newton n'adopta point cette nouvelle mefure des forces propofée par Leibnitz. Quant au principe de la confervation des forces vives, il vivait encore quand Bernouilli le fit connaître ; mais il ne reftait plus rien de lui que ce qu'il avait de commun avec les autres hommes. Il ne put donc avoir une opinion fur cet objet.

Voilà ce qu'a penfe Newton fur la plupart des questions qui tiennent à la métaphyfique. C'est à vous à juger entre lui et Leibnitz.

Je vais paffer à fes découvertes en physique. (8)

(8) Le principe de la confervation des forces vives a lieu en général dans la nature, toutes les fois qu'on fuppofera que les changemens fe feront par degrés infenfibles, c'eft-à-dire, tant que la loi de continuité y eft obfervée. Il en eft de même du principe de la conservation d'action. Celui de la moindre action eft vrai auffi en général, dans ce fens que le mouvement eft déterminé par les mêmes équations générales qu'on aurait trouvées, en fuppofant que l'action eft un minimum; mais cela ne fuffit pas pour que l'action foit réellement un minimum ; elle peut être un maximum, ou n'être ni l'un ni l'autre, quoique ces équations aient lieu. L'accord de ces équations avec la nature prouve feulement que, dans les changemens infiniment petits qui ont lieu dans un temps infiniment petit, la quantité d'action reste la même.

Au refte, ce ferait en vain qu'on croirait voir des caufes finales dans ces différentes lois; elles ne font, comme l'a démontré M. d'Alembert, que la conféquence néceffaire des principes effentiels et mathématiques du mouvement. La découverte de ces principes, qu'il a étendus aux corps folides, flexibles et fluides, en trouvant en même temps le nouveau calcul qui était néceffaire pour y appliquer l'analyse mathématique, doit être regardée comme le plus grand effort que l'efprit humain ait fait dans ce fiècle.

SECONDE PARTIE.

CHAPITRE PREMIE R.

PREMIERES RECHERCHES SUR LA LUMIERE, ET COMMENT ELLE VIENT A NOUS. ERREURS DE DESCARTES A CE SUJET.

Définition fingulière par les péripatéticiens. L'efprit Systématique a égaré Descartes. Son fflême. Faux. Du mouvement progreffif de la lumière. Erreur du Spectacle de la nature. Démonftration du mouvement de la lumière, par Roemer. Expérience de Roëmer conteflée et combattue mal à propos. Preuves de la découverte de Roëmer par les découvertes de Bradley. Hiftoire de ces découvertes. Explication et conclufion,

LES Grecs, et enfuite tous les peuples barbares qui ont appris d'eux à raifonner et à fe tromper, ont dit de fiècle en fiècle : La lumière eft un accident, et cet "accident eft l'acte du transparent, en tant que tranf"parent; les couleurs font ce qui meut les corps "transparens. Les corps lumineux et colorés ont des "qualités femblables à celles qu'ils excitent en nous, " par la grande raifon que rien ne donne ce qu'il n'a " pas. Enfin la lumière et les couleurs font un mélange " du chaud, du froid, du fec et de l'humide; car

« PreviousContinue »