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le Caucase aient été portées où elles font, ni petit à petit, ni tout à coup, des côtes de la Cafrerie.

L'inspection feule de l'Océan sert autant que celle des montagnes à détruire ce fyftême. Le lit de l'Océan eft creusé; plus ce vafte baffin s'éloigne des côtes, plus il eft profond. Il n'y a pas un rocher en pleine mer, fi vous en exceptez quelques îles. Or, s'il avait été un temps où l'Océan eût été fur nos montagnes, fi les hommes et les animaux euffent alors vécu dans ce fond qui fert de base à la mer, euffent-ils pu fubfifter? De quelles montagnes alors auraient-ils reçu des rivières? Il eût fallu un globe d'une nature toute différente. Et comment ce globe eût-il tourné alors fur lui-même, ayant une moitié creufe et une autre moitié élevée, furchargée encore de tout l'Océan ? Comment cet Océan fe fût-il tenu fur les montagnes fans couler dans ce lit immense que la nature lui a creusé? Les philofophes qui font un monde, ne font guère qu'un monde ridicule.

Je fuppofe un moment, avec ceux qui admettent la période de deux millions d'années, que nous fommes parvenus au point où l'écliptique coincidera avec l'équateur ; le climat de l'Italie, de la France et de l'Allemagne fera changé ; mais il ne faut pas s'imaginer qu'alors, ni dans aucun temps, l'Océan pût changer de place; ce mouvement de la terre ne peut s'opposer aux lois de la pefanteur; en quelque fens que notre globe foit tourné, tout preffera également le centre. La mécanique univerfelle eft toujours la même.

Il n'y a donc aucun fyftême qui puiffe donner la moindre vraisemblance à cette idée si généralement répandue, que notre globe a changé de face, que l'Océan a été trèslong-temps fur la terre habitée, et que les hommes ont Phyfique, &c. B b

vécu autrefois où font aujourd'hui les marfouins et les baleines. Rien de ce qui végète et de ce qui eft animé n'a changé; toutes les espèces font demeurées invariablement les mêmes; il ferait bien étrange que la graine de millet confervât éternellement fa nature, et que le globe entier variât la fienne.

Ce qu'on dit de l'Océan, il faut le dire de la Méditerranée, et du grand lac qu'on appelle mer Cafpienne. Si ces lacs n'ont pas toujours été où ils font, il faut abfolument que la nature de ce globe ait été toute autre qu'elle n'est aujourd'hui.

Une foule d'auteurs a écrit qu'un tremblement de terre ayant englouti un jour les montagnes qui joignaient l'Afrique et l'Europe, l'Océan se fit un paffage entre Calpé et Abila, et alla former la Méditerranée, qui finit à cinq cents lieues de-là aux Palus-Méotides; c'est-àdire que cinq cents lieues de pays fe creusèrent tout d'un coup pour recevoir l'Océan. On remarque encore que la mer n'a point de fond vis-à-vis Gibraltar, et qu'ainfi l'aventure de la montagne eft encore plus merveilleuse.

Si on voulait bien seulement faire attention à tous les fleuves de l'Europe et de l'Afie qui tombent dans la Méditerranée, on verrait qu'il faut nécessairement qu'ils y forment un grand lac. Le Tanaïs, le Boryfthène, le Danube, le Pô, le Rhône, &c. ne pouvaient avoir d'embouchure dans l'Océan, à moins qu'on ne fe donnât encore le plaifir d'imaginer un temps où le Tanaïs et le Bory fthène venaient par les Pyrenées fe rendre en Biscaye.

Les philofophes disaient qu'il fallait bien cependant que la Méditerranée eût été produite par quelque accident. On demandait encore ce que devenaient les eaux de tant de fleuves reçus continuellement dans fon fein; que faire

des eaux de la mer Caspienne? On imaginait un vafte fouterrain formé dans le bouleversement qui donna naiffance à ces mers; on difait que ces mers communiquaient entre elles et avec l'Océan par ce gouffre fuppofé; on affurait même que les poiffons qu'on avait jetés dans la mer Cafpienne avec un anneau au museau, avaient été repêchés dans la Méditerranée. C'eft ainsi qu'on a traité long-temps l'hiftoire et la philofophie; mais depuis qu'on a fubftitué la véritable histoire à la fable, et la véritable physique aux systêmes, on ne doit plus croire de pareils contes. Il eft affez prouvé que l'évaporation seule fuffit à1 expliquer comment ces mers ne fe débordent pas : elles n'ont pas befoin de donner leurs eaux à l'Océan. Et il eft bien vraisemblable que la mer Méditerranée a été toujours à fa place, et que la conftitution fondamentale de cet univers n'a point changé.

Je fais bien qu'il fe trouvera toujours des gens fur l'efprit defquels un brochet pétrifié fur le Mont-Cénis, et un turbot trouvé dans le pays de Heffe, auront plus de pouvoir que tous les raisonnemens de la faine phyfique: ils fe plairont toujours à imaginer que la cime des montagnes a été autrefois le lit d'une rivière, ou de l'Océan, quoique la chofe paraiffe incompatible; et d'autres penseront, en voyant de prétendues coquilles de Syrie en Allemagne, que la mer de Syrie eft venue à Francfort. Le goût du merveilleux enfante les systêmes; mais la nature paraît se plaire dans l'uniformité et dans la conftance, autant que notre imagination aime les grands changemens; et, comme dit le grand Newton, Natura eft fibi confona. L'Ecriture nous dit qu'il y a eu un déluge; mais il n'en est resté (ce semble) d'autre monument fur la terre que la mémoire d'un prodige terrible qui nous avertit en vain d'être justes. Bb 2

DIGRESSION

Sur la manière dont notre globe a pu être inondé.

QUAND je dis que le déluge univerfel, qui éleva les,

eaux quinze coudées au-deffus des plus hautes montagnes, eft un miracle inexécutable par les lois de la nature que nous connaissons, je ne dis rien que de très-véritable. Ceux qui ont voulu trouver des raisons phyfiques de ce prodige fingulier, n'ont pas été plus heureux que ceux qui voudraient expliquer, par les lois de la mécanique, comment quatre mille perfonnes furent nourries avec cinq pains et trois poiffons. La phyfique n'a rien de commun avec les miracles; la religion ordonne de les croire, et la raifon défend de les expliquer.

Quelques-uns ont imaginé que les nuages feuls peuvent fuffire à inonder la terre; mais ces nuages ne font que les eaux de la mer même élevées continuellement de fa furface, et atténuées et purifiées. Plus l'air en eft chargé, plus les eaux de notre globe en ont perdu. Ainfi la même quantité d'eau fubfifte toujours. Si les nuages fe fondent également fur tout le globe, il n'y a pas un pouce de terre inondé; s'ils font amoncelés par le vent dans un climat, et qu'ils retombent fur une lieue quarrée de terrain aux dépens des autres terres qui reftent fans pluie, il n'y a que cette lieue quarrée de submergée.

D'autres ont fait fortir tout l'Océan de fon lit, et l'ont envoyé couvrir toute la terre. On compte aujourd'hui que la mer, en prenant ensemble les fonds qu'on a fondés et ceux qui font inacceffibles à la fonde, peut avoir environ

mille pieds de profondeur. Elle n'a que cinquante pieds ́en beaucoup d'endroits, et fur les côtes bien moins. En supposant par-tout fa profondeur de mille pieds, on ne s'éloigne pas beaucoup de la vérité.

Or les montagnes vers Quito s'élèvent au-deffus du niveau de la mer de plus de dix mille pieds. Il aurait donc fallu dix océans l'un fur l'autre, élevés fur la moitié aqueufe du globe, et dix autres océans fur l'autre moitié; et, comme la fphère aurait alors plus de circonférence, il faudrait encore quatre océans pour en couvrir la surface agrandie: ainfi il faudrait néceffairement vingt-quatre océans au moins pour inonder le fommet des montagnes de Quito; et, quand il n'en faudrait que quatre, comme le prétend le docteur Burnet, un phyficien ferait encore bien embarraffé avec ces quatre océans. Qui croirait que Burnet imagine de les faire bouillir pour en augmenter le volume? Mais l'eau en bouillant ne fe gonfle jamais un quart seulement au-delà de fon volume ordinaire. A quoi eft-on réduit, quand 'on veut approfondir ce qu'il ne faut que refpecter!

RELATION

Touchant un maure blanc, amené d'Afrique à Paris, en 1744.

J'AI

AI vu il n'y a pas long-temps à Paris un petit animal blanc comme du lait, avec un mufle taillé comme celui des Lapons, ayant comme les nègres de la laine frifée fur la tête, mais une laine beaucoup plus fine, et qui eft de la blancheur la plus éclatante; fes cils et fes fourcils font de cette même laine, mais

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