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agiffent en effet en raifon doublée de leur viteffe; mais s'il eft démontré que les fluides n'agiffent ainsi que parce qu'en un temps donné, chaque particule n'agit qu'avec fa maffe multipliée par fa fimple vîteffe, reftera-t-il quelque doute fur l'évaluation des forces motrices?

La fomme totale des impreffions d'un corps quelconque eft égale à l'impreffion de chaque partie, répétée autant de fois qu'il y a de parties dans ce corps.

Soit conçu un fluide qui choque un plan uni, avec une vîteffe 10, et un fluide semblable, choquant un plan femblable avec une vîteffe 1; dans l'inftant I, 10 parties du premier fluide choqueront le plan avec la vîteffe 10. La force exercée par le fluide pendant ce temps, fera donc 10 X 10; mais dans le même temps une feule particule du fecond fluide choquera le plan avec la vîtesse 1; la force exercée par le fluide ne fera donc que 1 X I.

Les forces font donc comme les quarrés des vîteffes, quoique celle de chaque particule ne foit que comme la vîteffe; et fi on difait que chaque partie agit comme le quarré de sa vîteffe, chacune de fes parties agirait alors comme 100, et le fluide aurait une action totale comme 1000; ce qui ne ferait plus alors le quarré de la vîteffe, mais le cube: donc on ne trouve ici, comme par-tout ailleurs, que le produit de la vîteffe par la mafse.

les

17. Eft-il permis de redire encore ce qui a été dit, que corps qui fe choquent en raison réciproque des vîteffes et des maffes, agissent toujours en cette proportion, et non en celle du quarré; et le corps 1 choquant avec 10 de vîteffe le corps 10, qui n'a que la vîteffe 1, la preffion eft égale de part et d'autre, et qu'ainfi les forces font évidemment égales ?

18. L'expérience proposée par M. Jurin n'eft-elle pas

une preuve fans réplique, que 2 vîteffes en un temps ne donnent que 2 de force? On fait que c'eft un plan mobile à qui on donne la vîteffe 1, fur lequel on fait rouler, felon la même direction, une boule avec la même vîtesse. Ces deux viteffes en un même temps ne feront jamais d'effet que comme 2 et non comme 4.

19. Les défenfeurs des forces vives ont-ils bien réfuté cette expérience, en difant que le reffort qui donne la vîteffe 1 à la boule, étant appuyé lui-même sur ce plan mobile, fait reculer ce plan et dérange l'expérience? N'eftil pas aifé de remédier à ce petit déchet de mouvement que le plan mobile doit éprouver ? On n'a qu'à fixer le reffort à un appui inébranlable, et jeter avec ce reffort la boule fur le plan mobile. L'expérience peut fe faire, l'effet ne peut s'en contefter; la queftion n'eft-elle pas décidée de fait? (voyez fig. 53.)

20. N'eft-il pas encore évident que ces cas, tels que M. Herman les rapporte, et tous les cas poffibles où un mobile femble communiquer plus de force qu'il n'en a, font tous foumis à la diftinction du temps et à l'examen des forces du reffort? Par exemple, on dit qu'une boule fous-double ayant la vîteffe 2, communique en un temps une force comme 4 aux deux boules doubles, qu'elle frappe à la fois fous un angle de 60 degrés, puifque chacune des boules doubles recevra 1 de vîtesse; mais il faut obferver que dans ce cas les boules B et E n'auront parcouru que la moitié du rayon dans le fens de A B, tandis que le corps A, allant de A en D, aura parcouru le double de ce rayon; et quant à la vîteffe latérale qu'elles acquièrent, elle eft produite également dans le cas du choc des corps durs, où tout le monde convient de mefurer la force par le produit de la maffe par la vîteffe.

21. Ne paraît-il pas encore que dans le choc des corps à reffort, ce ferait fe faire illufion de croire que la force motrice foit le produit du quarré de la vîteffe, fur ce que les quarrés de cette vîteffe multipliés par les masses, sont toujours après le choc égaux à la maffe du corps choquant, multipliée par le quarré de fa viteffe? Cette augmentation de force qu'on trouve après le choc ne vient-elle pas évidemment de la propriété des corps à reffort? Et n'eft-ce pas cette propriété qui fait qu'une boule choquée par le moyen de 20 boules intermédiaires, toutes

en raifon fous-double, peut acquérir

20

20(12)
(1 + 22o) fois

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plus de force que fi elle était choquée par la première boule feulement? Or il est démontré que dans ce cas ce n'est pas cette première boule qui poffédait ce grand excédent de forces; n'eft il donc pas de la dernière évidence que c'eft au reffort qu'il faut attribuer cette prodigieufe augmentation?

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Donc, de quelque côté qu'on fe tourne, foit que l'on confulte l'expérience, foit qu'on calcule, on trouve toujours que la valeur des forces motrices eft la masse multipliée par la vîteffe.

SECONDE PARTIE.

1.

De la nature de la force.

MAINTENANT, s'il eft bien prouvé que ce qu'on appelle force motrice eft le produit de la fimple vîteffe par la maffe, fera-t-il moins aifé de parvenir à connaître ce que c'eft que cette force?

2. D'abord, fi elle eft la même dans un corps qui n'eft pas en mouvement, comme dans le bras d'une balance en repos, et dans un corps qui eft en mouvement; n'eft-il pas clair qu'elle eft toujours de même nature, et qu'il n'y a point deux espèces de force, l'une morte et l'autre vive, dont l'une diffère infiniment de l'autre? A moins qu'on ne dife auffi qu'un liquide eft infiniment plus liquide quand il coule, que quand il ne coule pas.

3. Si la force n'eft autre chose que le produit d'une maffe par fa vîteffe, ce n'eft donc précisément que le corps lui-même, agiffant, ou prêt à agir avec cette vîtesse. La force n'eft donc pas un être à part, un principe interne, une fubftance qui anime les corps, et diftinguée des corps, comme quelques philofophes l'ont prétendu.

4. Cette force qui n'eft rien, finon l'action des corps en mouvement, n'eft donc pas primitivement dans des êtres fimples qu'on nomme monades, lesquelles ces philofophes difent être fans étendue, et conftituer cependant la matière étendue; et quand même ces êtres exifteraient, il ne paraît pas plus qu'ils puiffent avoir une force motrice, qu'il ne femble que des zéros puiffent former un nombre.

5. Si cette force n'est qu'une propriété, elle est sujette à variations, comme tous les modes de la matière ; et fi elle eft en même raifon que la quantité du mouvement, n'eft-il pas clair que fa quantité s'altère fi le mouvement augmente ou diminue.

6. Or il eft de fait que la quantité de mouvement augmente toutes les fois qu'un petit corps à reffort en choque un plus grand en repos. Par exemple, le mobile élaftique A, qui a 20 de maffe et 11 de vîteffe, choque B en repos, dont la maffe eft 200; A réjaillit avec une quantité de mouvement de 180, et B marche avec 400.

Ainfi A qui n'avait que 20 de maffe et 11 de vîteffe, ou 220 de force, a produit 580. D'un autre côté il se perd, comme on en convient, beaucoup de mouvement dans le choc des corps inélaftiques; donc la force augmente et diminue.

7. Les philofophes qui ont dit que la permanence de la quantité des forces eft une beauté néceffaire dans la nature, ont-ils plus de raifon que s'ils difaient que la même quantité d'espèces, d'individus, de figures, &c. eft une beauté néceffaire ?

8. S'il eft inconteftable que le choc d'un petit corps. contre un plus grand, produise une force beaucoup plus grande que celle que ce petit corps poffédait, ne fuit-il pas évidemment que les corps ne communiquent point de force proprement dite? car dans l'exemple ci-dessus, où 20 de maffe avec 11 de vîteffe ont produit 580 de force, le corps B qui a 200 de maffe acquiert une force de 400, qui n'eft que le résultat de la maffe 200 par la vîteffe 2. Or certainement il n'a pas reçu de lui fa maffe, il n'a reçu que fa vîteffe, laquelle n'est qu'un des compofans, un des inftrumens de la force; donc les corps ne communiquent point la force.

9. Mais la maffe et le mouvement fuffifent-ils pour opérer cette force? ne faut-il pas évidemment l'inertie, fans laquelle la matière ne réfifterait pas, et fans laquelle il n'y aurait nulle action? l'inertie, le mouvement et la masse suffisent-ils ? ne faut-il pas un principe qui tienne tous les corps de la nature en mouvement, et leur communique ainsi inceffamment une force agissante ou prête d'agir? et ce principe n'eft-il pas la gravitation, foit que la gravitation ait elle-même une cause physique, soit qu'elle n'en ait point?

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