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SECTION III.

L'air ne reçoit-il pas auffi fon reffort du feu?

L'AIR, ce corps fi fingulièrement élaftique, paraît recevoir fon reffort du feu par les mêmes raifons.

L'air de notre atmosphère eft un affemblage de vapeurs de toute espèce, qui lui laissent très-peu de matière propre.

Otez de cet air l'eau dans laquelle il nage, et dont la pefanteur fpécifique eft au moins 850 fois plus grande que celle de cet air; ôtez-en toutes les exhalaisons de la terre, que reftera-t-il à l'air pur pour fa pefanteur? Il eft impoffible d'affigner ce peu que l'air pur pèse par luimême; il reçoit donc certainement d'une autre matière cette grande pefanteur qui soutient 33 pieds d'eau, ou 29 pouces de mercure : cette force, qui furprit tant le fiècle passé, ne lui appartient pas en propre. (4)

Si cette pefanteur n'eft pas à lui, pourquoi fon reffort ne lui viendra-t-il pas auffi d'ailleurs?

Il est constant que la chaleur augmente beaucoup le reffort d'un air enfermé; on connaît les découvertes fines d'Amontons fur l'augmentation de puiffance qu'un air comprimé acquiert par la chaleur de l'eau bouillante.

(4) M. de Voltaire eft un des premiers qui aient annoncé que l'air, c'eft-à-dire, le fluide expanfible qui entoure la terre n'eft point un elément fimple, mais un compofé d'un grand nombre de fubftances dans l'état d'expanfibilité. On a prouvé depuis que cet air contenait non-feulement une grande quantité d'eau, et d'autres fubftances dans l'état de diffolution, mais qu'il était encore le résultat du mélange ou de la combinaifon d'un grand nombre de fubftances expanfibles à tous les degrés de température connus.

Voyez l'art. AIR, dans le Dictionnaire philofophique.

La chaleur étend l'air et augmente fenfiblement son élasticité dans l'inftant que cet air s'étend; ainfi l'air fe dilatant par le feu, caffe les vaiffeaux qui le renferment; ainfi échauffé dans une veffie il la fait crever; ainfi il fait monter le mercure et les liqueurs dans les tubes d'autant plus qu'il s'échauffe, &c.

Tant qu'il y aura du feu dans cet air comprimé, les corpufcules de l'air, écartés en tout fens, preffent en tout fens tout ce qu'elles rencontrent. Voilà l'augmentation de fon reffort.

L'air libre étant échauffé, fe diftend, s'écarte de tous côtés; et alors ce reffort qui agiffait par la dilatation s'épuise en proportion de ce que l'air s'eft dilaté; ce plein air libre, échauffé, n'eft plus fi élastique, parce qu'alors y a moins d'air dans le même espace.

il

De même, quand le métal pénétré de feu s'étend de tous côtés, alors il y a moins de métal dans le même espace; et quand il est fondu, il s'eft étendu autant qu'il eft poffible; alors fon reffort eft perdu autant qu'il eft poffible.

Ce métal refroidi redevient élastique; auffi l'air libre refroidi, revenu dans fon premier état, reprend son élafticité première; mais fi l'air eft plus refroidi encore, fi le froid le condense trop, alors fon reffort s'affaiblit ; n'eft-ce pas que l'air n'a plus alors la quantité de feu néceffaire pour faire jouer toutes fes parties, et pour le dégager de l'atmosphère engourdie qui le renferme ?

Si l'air était abfolument privé de feu, il ferait fans mouvement et fans action.

SECTION IV.

Suite de l'examen, comment le feu cause l'élasticité.

Tous les liquides, quoique d'une autre nature que l'air, ne doivent-ils pas auffi au feu leur plus ou moins d'élafticité? Le feu, qui fubfifte dans l'eau, retient les parties de l'eau dans une défunion continuelle. L'eau eft alors par rapport à la quantité de feu qu'elle contient, ce qu'eft un métal enflammé par rapport à la quantité de feu qui le pénètre. Ce métal en fusion perd son reffort. L'eau coulante eft auffi dans une efpèce de fufion et par conféquent fans élafticité; mais dès qu'elle contient moins de feu, dès qu'elle eft glacée, elle fait reffort comme le métal refroidi, parce qu'alors elle peut réagir comme le métal, contre l'action d'un moindre feu qu'elle contient : or, que la glace contienne du feu, on ne peut en douter puisqu'on peut rendre la glace 30 à 40 fois plus froide encore qu'au premier degré de congélation; et fi on pouvait trouver le dernier terme de la glace on trouverait celui de l'extrême dureté des corps.

Ceux qui pour expliquer l'élafticité ont employé la matière fubtile, de l'exiftence de laquelle on n'a de preuve que le befoin qu'on croit en avoir; ceux-là, dis-je, ont toujours eu dans leur fyftême quelque contradiction à dévorer.

S'ils difent, par exemple, qu'une lame d'acier courbée fait reffort parce que cette matière fubtile, qu'on fuppofe être par-tout, fait un effort violent pour repaffer par les pores de cet acier que fa courbure vient de rétrécir, ils

s'aperçoivent auffitôt que la loi des fluides les contredit: car tout fluide libre preffe également par-tout, et de plus fi la matière fubtile eft fuppofée faire tourner notre globe d'Occident en Orient, comment caufera-t-elle un reffort dans un fens contraire?

S'ils difent que la matière fubtile, rempliffant tous les pores des corps et tout l'univers, eft compofée de petits tourbillons logés dans les corps; que les parties de ces tourbillons, tendant toujours à s'échapper par la tangente, font la caufe du reffort, que de difficultés et de contradictions encore! Ces petits tourbillons font-ils compofés d'autres tourbillons? il le faut bien puifqu'ils ont des parties. La dernière de ces particules fera-t-elle un tourbillon? en quelle direction fe mouvront-ils ? eft-ce en un feul fens? eft-ce en tout fens ? Qu'on fonge bien qu'ils rempliffent l'univers, et qu'on voie ce qui en réfulterait. Il faudrait que tout fuivît cette direction de leur mouvement. Sont-ils durs ? font-ils mous? S'ils font durs, comment laifferont-ils venir à nous un rayon de lumière? s'ils font mous, comment ne fe confondront-ils pas tous enfemble? De quelque côté qu'on fe tourne, on eft environné d'obfcurités.

Je demande fimplement fi dans les incertitudes où nous laiffe la physique, il ne vaut pas mieux s'en tenir aux fubftances dont au moins on connaît l'existence et quelques propriétés, que de rechercher des êtres dont il faut deviner l'existence. Nous fommes tous des étrangers fur la terre que nous habitons; ne devons-nous pas plutôt examiner ce qui nous entoure, que de faire la carte des pays inconnus? Nous voyons du feu fortir des corps où il était enveloppé; nous voyons qu'il eft dans tous les corps connus, qu'il imprime évidemment des vibrations

à leurs parties, que quand ces vibrations font finies par la dissolution du corps, tout reffort ceffe; nous fentons que l'air devient plus élaftique quand il s'échauffe, et moins quand il est très-froid; pourquoi donc chercher ailleurs que dans cet élément du feu, l'élafticité qu'il donne fi fenfiblement ? Par-là on ne fe chargerait du fardeau d'aucune hypothèse; et certainement on n'avancerait pas moins dans la connaiffance de la nature. (5)

SECTION V.

N'eft-il pas la caufe de l'électricité?

S'IL eft vraisemblable que le feu est la cause de l'élasti

cité, il ne l'eft pas moins que l'électricité foit auffi un de fes effets.

La marche de l'efprit humain doit être, ce femble, de fe contenter d'attribuer les mêmes effets aux mêmes causes, jufqu'à ce que l'expérience découvre une cause

(5) Il n'eft point prouvé que la caufe de l'élafticité des refforts foit la même que celle de la force par laquelle les corps dans l'état d'expanfion tendent à occuper un plus grand espace. Il femble que la première force peut être l'effet de celle qui produit la cohésion. Les molécules d'un corps ont pris un certain ordre en vertu de cette force; vous changez cet ordre en preffant le corps ou en le pliant; fi vous cellez d'agir, les molécules dérangées de cet état qui était relativement à cette force l'état d'équilibre, tendront à s'y reftituer. Quant à la force des substances expanfibles, elle paraît inexplicable par la force d'attraction, par la tendance à l'équilibre d'un système de molécules qui s'attirent; peut-être `a-t-elle pour caufe quelque propriété de feu encore inconnue. Du moins, comme la chaleur augmente cette force, et que le froid la diminue, comme le feu met dans l'état d'expanfibilité des fubftances liquides ou folides, on ne peut nier qu'il n'agiffe comme cause ou comme moyen dans les phénomènes que préfente la force expansive.

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