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il ne fe change en aucune autre fubftance, et aucune n'eft changée en lui.

Il est donc à croire que l'air pur, dégagé de tout le chaos de l'atmosphère, l'eau pure, la terre fimple ne fe changeant en aucun autre corps, font les élémens primitifs de toute matière, au moins connue.

Les élémens que la chimie a découverts ne paraissent être autre chose que ces quatre élémens; car tout soufre, tout fel, toute huile, toute tête morte contient toujours quelqu'un des quatre élémens, ou les quatre ensemble; et à l'égard de ce qu'on a nommé l'efprit ou le mercure, ou ce n'eft rien, ou c'eft du feu.

Ainfi il femble qu'après toutes les recherches de la philofophie moderne, on peut revenir à ces quatre élémens que l'antiquité avait admis fans les trop connaître, et ce ne ferait pas la feule idée ancienne que les travaux du dernier fiècle auraient juftifiée en l'approfondiffant.

Il paraît en effet qu'il eft néceffaire que la matière, telle qu'elle eft, foit compofée d'élémens inaltérables : tout le mouvement imaginable n'en ferait jamais que la même fubftance mue différemment on ne voit pas comment un morceau de bois, par exemple, divisé et atténué, ferait jamais autre chofe que du bois en pouffière.

Ne fuit-il pas de tout ce qui a été dit, que le feu est une substance inaltérable dans la conftitution préfente des chofes ; qu'il n'eft jamais ni détruit ni augmenté par aucune autre fubftance; que par conféquent il y a toujours dans la nature la même quantité de feu ; qu'ainfi lorfqu'un corps eft plus échauffé, il faut qu'il y en ait quelque autre qui fe refroidiffe; que par conféquent le

la fubftance

du feu ?

feu, dardé à tout moment du foleil fur les planètes, doit augmenter la fubftance de ces globes, et diminuer celle du foleil, qui doit avoir des reffources d'ailleurs pour renouveler fa fubftance? &c.

Sans chercher à préfent à tirer plus de conféquences, et nous repofant fur cette idée, que le feu eft une fubftance élémentaire, à quoi le reconnaîtrons-nous? quels effets établiffent fon caractère diftinctif?

Sera-ce la diffolution des corps? mais l'eau diffout à la longue jufqu'aux métaux. Sera-ce la dilatation? mais l'air dilate vifiblement tous les corps minces et élastiques dans lefquels on le comprime. L'eau dilate les corps, le bois fec; et le feu, au contraire, les refferre.

Quel eft le Le feu, en général, eft le feul être qui éclaire et qui caractère de brûle: ces deux effets ne s'accompagnent pas toujours; le feu du soleil répercuté sur la lune, renvoyé vers nous, et réuni au foyer d'un verre ardent, jette une grande lumière; il éclaire beaucoup; mais il ne peut rien échauffer, encore moins brûler, parce qu'il y a trop peu de rayons. Le feu, au contraire, dans une barre de fer, non encore ardente, échauffe, brûle, et ne peut éclairer nos yeux, parce que le feu n'a pu encore s'échapper affez de la furface du fer, pour venir en rayons divergens former fur nos yeux des cônes de lumière dont le fommet doit être dans chaque point de cette barre.

C'est donc, en général, de la quantité de sa maffe et de la quantité de fon mouvement que dépendent fa chaleur et fa lumière; mais il eft le feul être connu qui puiffe éclairer et échauffer : voilà fimplement sa définition.

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Si le feu eft un corps qui ait toutes les propriétés générales

de la matière.

LE
E feu a-t-il les autres propriétés primordiales de la
matière? 11 eft mobile, puifqu'il vient à nos yeux en fi
peu de temps: il eft divifible et plus divifible par nous
que les autres corps, puifqu'on fépare le moindre de fes
traits en fept faisceaux de rayons différens.

Il eft étendu par conféquent : mais a-t-il la pesanteur et la pénétrabilité de la matière? eft-il en effet un corps tel que les autres corps? Plufieurs philofophes très-refpectables en ont douté.

un corps?

Newton, page 207 de fes Principes, Scolie de la propo- Le feu eft-il fition 96, dit qu'il n'examine pas fi les rayons du foleil font un corps ou non; qu'il détermine feulement des trajectoires des corps femblables aux trajectoires des rayons du foleil.

Or, puifqu'il eft conftant par l'expérience que les rayons du foleil réunis font le feu le plus pur et le plus violent, douter s'ils font un corps, c'eft douter fi le feu eft un corps.

D'autres phyficiens, dont la raifon s'eft éclairée par Le feu eft-il quarante ans d'études et d'expériences, après avoir cher- pefant? ché fi le feu a quelque poids, ne lui en ont jamais trouvé. Le célèbre Boerhaave dit dans fa chimie qu'ayant pesé huit livres de fer froid, puis tout ardent, puis refroidi encore, il a toujours trouvé fon même poids de huit livres.

Cette épreuve femble réclamer contre d'autres épreuves faites par des mains non moins habiles et non moins

exercées. On fait que cent livres de plomb produifent, après la calcination, jusqu'à cent dix livres de minium.

On fait que quatre onces d'antimoine, expofées près du foyer du verre ardent du Palais royal, après avoir été calciné au feu élémentaire, ont pesé auffi près d'un dixième plus qu'auparavant, quoique cet antimoine eût perdu beaucoup de fa fubftance dans l'exhalaifon de fa fumée, &c.

Il ne s'agit à préfent que de savoir si cette augmentation de poids dans cette expérience peut prouver la pesanteur du feu, et fi l'égalité de poids, dans l'expérience de M. Boerhaave, peut prouver que le feu ne pèse point.

Qu'il me foit permis de rapporter ici ce que je viens de faire pour m'éclairer fur cette difficulté.

Le respect que l'on doit au corps qui jugera ce faible effai, eft un garant de l'exactitude avec laquelle j'ai tâché de m'inftruire, et de la fidélité avec laquelle je rapporte ce que j'ai vu, dont d'ailleurs j'ai dix témoins oculaires.

J'ai été exprès à une forge de fer, et là, ayant fait réformer toutes les balances, et en ayant fait apporter d'autres, toutes les balances de fer ayant des chaînes de fer au lieu de cordes, j'ai fait peser depuis une livre jufqu'à deux mille livres de métal ardent et refroidi, et n'ayant jamais trouvé la moindre différence dans le poids, voici comme je raifonnais. Ces maffes enormes de fer ardent avaient acquis par leur dilatation une plus grande furface; elles devaient donc avoir alors moins de pefanteur spécifique. Je puis donc, de cela même qu'elles pèfent également chaudes que froides, conclure que le feu qui les pénétrait leur donnait précisément autant de poids que leur dilatation leur en fefait perdre, et que par conféquent le feu eft réellement pefant.

Mais, difais-je, toutes les calcinations après lefquelles

les matières ont augmenté de poids, n'ont-elles pas auffi dilaté ces matières ? il leur arrive donc la même chofe qu'à mon fer ardent. Cependant ces matières pèsent brûlantes et calcinées un dixième de plus qu'avant d'avoir été expofées au feu; et deux milliers de fer ardent et froid confervent toujours leur même poids. Se peut-il que dans quatre onces de poudre d'antimoine expofées quelques minutes au feu du foleil, ou calcinées quelques heures au fourneau de réverbère, il foit entré incomparablement plus de matière ignée que dans ces maffes pénétrées pendant vingt-quatre heures du feu le plus violent?

Je fongeai donc à pefer quelque chofe de beaucoup plus chaud encore que le fer embrafé; je fufpendis près d'un fourneau où l'on fait la fonte, trois marmites de fer très-épaiffes, à trois balances bien exactes; je fis puifer de la fonte en fufion; je fis porter cent livres de ce feu liquide dans une marmite, trente-cinq livres dans une autre, vingt-cinq livres dans la troisième. Il se trouva, au bout de fix heures, que les cent livres avaient acquis quatre livres étant refroidies, les vingt-cinq livres à peuprès une livre, et les trente-cinq livres environ une livre une once et demie.

Je m'étais fervi dans cette expérience de la fonte blanche, dont il eft parlé dans l'Art de forger le fer, livre qui devait procurer au public plus d'avantages que la jaloufie des ouvriers ne l'a fouffert.

Je répétai plufieurs fois cette expérience, et je trouvai toujours à peu-près la même augmentation de poids dans la fonte blanche refroidie.

Mais la fonte grife, qui est toujours moins cuite, moins métallique que l'autre, me donna toujours un même poids, foit froide, foit ardente.

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