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Elle a fon équateur incliné à l'équateur de la terre ; mais cet équateur, tantôt plus, tantôt moins attiré, doit changer fon inclinaison.

Elle fuit la terre malgré toutes ces variétés ; elle l'accompagne dans fa course annuelle ; mais la terre dans cette course se trouve d'un million de lieues plus voifine du foleil en hiver qu'en été. Qu'arrive-t-il alors indépendamment de toutes ces autres variations? L'attraction de la terre agit plus pleinement fur la lune en été : alors la lune achève fon cours d'un mois un peu plus vite; mais en hiver, au contraire, la terre elle-même plus attirée par le foleil, et allant plus rapidement qu'en été, laiffe ralentir le cours de la lune : et les mois d'hiver de la lune font un peu plus longs que les mois d'été. Ce peu que nous. en difons fuffira pour donner une idée générale de ces. changemens.

Si quelqu'un fefait ici la difficulté que j'ai entendu propofer quelquefois, comment la lune, étant plus attirée par le foleil, ne tombe pas alors dans cet aftre? il n'a d'abord qu'à confidérer que la force de gravitation, qui dirige la lune autour de la terre, eft feulement diminuée ici par l'action du foleil.

De ces inégalités du cours de la lune, caufées par l'attraction, vous conclurez avec raifon que deux planètes quelconques, affez voifines, affez groffes pour agir l'une fur l'autre fenfiblement, ne pourront jamais tourner dans des cercles autour du foleil, ni même dans des ellipfes abfolument régulières. Ainfi les courbes que décrivent Jupiter et Saturne éprouvent, par exemple, des variations fenfibles, quand ces aftres font en conjonction, quand, étant le plus près l'un de l'autre qu'il eft poffible, et le

plus loin du foleil, leur action mutuelle augmente, et

celle du foleil fur eux diminue.

Cette gravitation, augmentée et affaiblie felon les diftances, affignait donc néceffairement une figure elliptique irrégulière au chemin de la plupart des planètes; ainfi la loi de la gravitation n'eft point l'effet du cours des aftres, mais l'orbite qu'ils décrivent eft l'effet de la gravitation. Si cette gravitation n'était pas comme elle eft en raison inverse des quarrés des distances, l'univers ne pourrait fubfifter dans l'ordre où il eft.

Si les fatellites de Jupiter et de Saturne font leur révolution dans des courbes qui font plus approchantes du cercle, c'est qu'étant très-proches des groffes planètes, qui font leur centre, et très-loin du foleil, l'action du foleil ne peut changer le cours de ces fatellites, comme elle change le cours de notre lune; il est donc prouvé que la gravitation, dont le nom feul semblait un fi étrange paradoxe, eft une loi néceffaire dans la conftitution du monde : tant ce qui eft peu vraisemblable eft vrai quelquefois.

Il n'y a pas à présent de bon physicien qui ne reconnaisse la règle de Kepler, et la néceffité d'admettre une gravitation telle que Newton l'a prouvée ; mais il y a encore des philofophes attachés à leurs tourbillons de matière fubtile, qui voudraient concilier ces tourbillons imaginaires avec ces vérités démontrées. Nous avons déjà vu combien ces tourbillons font inadmiffibles; mais cette gravitation même ne fournit-elle pas une nouvelle démonstration contre eux? car, fuppofé que ces tourbillons exiftaffent, ils ne pourraient tourner autour d'un centre que par les lois de la gravitation même; il faudrait donc recourir à cette gravitation, comme à la caufe de ces tourbillons; et non pas aux tourbillons prétendus, comme à la caufe de la gravitation.

Si étant forcé enfin d'abandonner ces tourbillons imaginaires, on se réduit à dire que cette gravitation, cette attraction dépend de quelqu'autre cause inconnue, de quelqu'autre propriété fecrète de la matière, cela peut être, fans doute ; mais cette autre propriété fera elle-même l'effet d'une autre propriété, ou bien fera une cause primordiale, un principe établi par l'auteur de la nature; or, pourquoi l'attraction de la matière ne fera-t-elle pas elle-même ce premier principe? Newton, à la fin de fon optique, dit que peut-être cette attraction eft l'effet d'un efprit extrêmement élaftique et rare, répandu dans la nature; mais alors d'où viendrait cette élasticité ? ne fera-t-elle pas auffi difficile à comprendre que la gravitation, l'attraction, la force centripète ? Cette force m'est démontrée; cet efprit élastique eft à peine foupçonné; ́je m'en tiens là, et je ne puis admettre un principe dont je n'ai pas la moindre preuve, pour expliquer une chose vraie et incompréhensible, dont toute la nature me démontre l'existence. (21)

(21) On appelle perturbations d'une planète les changemens que l'attraction des corps céleftes cause dans l'orbite que cette planète aurait décrite, fi elle n'avait été attirée que par le foleil ou la planète principale. Newton ne put donner une méthode fuffifamment exacte de calculer ces perturbations. Cette méthode n'a été trouvée qu'environ foixante ans après la publication du livre des principes par trois grands géomètres du continent, MM. d'Alembert, Euler, et Clairault.

CHAPITRE

VII.

NOUVELLES PREUVES ET NOUVEAUX EFFETS DE LA GRAVITATION QUE CE POUVOIR EST DANS CHAQUE PARTIE DE LA MATIERE: DECOUVERTES DEPENDANTES DE CE PRINCIPE.

Remarque générale et importante fur le principe de l'attraction. La gravitation, l'attraction eft dans toutes les parties de la matière également. Calcul hardi et admirable de Newton.

RECUEILLONS de toutes ces notions, que la force centripète, l'attraction, la gravitation eft le principe indubitable et du cours des planètes, et de la chute de tous les corps, et de cette pesanteur que nous éprouvons dans les corps. Cette force centripète fait graviter le foleil vers le centre des planètes comme les planètes gravitent vers le foleil, et attire la terre vers la lune comme la lune vers la terre. Une des lois primitives du mouvement eft encore une nouvelle démonftration de cette vérité : cette loi eft que la réaction eft égale à l'action; ainsi le foleil gravite fur les planètes, les planètes gravitent fur lui; et nous verrons, au commencement du chapitre fuivant, de quelle manière cette grande loi s'exécute dans notre univers. Or, cette gravitation agiffant néceffairement en raison directe de la maffe, et le foleil étant environ quatre cents foixante-quatre fois plus gros que toutes les planètes mifes ensemble, ( fans compter les fatellites de Jupiter, l'anneau et les lunes de Saturne) il faut que

le foleil foit leur centre de gravitation; ainfi il faut qu'elles tournent toutes autour du foleil.

Remarquons toujours foigneusement que quand nous difons que le pouvoir de la gravitation agit en raifon directe des maffes, nous entendons toujours que ce pouvoir de la gravitation agit d'autant plus fur un corps que ce corps a plus de parties; et nous l'avons démontré en fefant voir qu'un brin de paille defcend auffi vîte dans la machine purgée d'air qu'une livre d'or. Nous avons dit, (en fefant abstraction de la petite réfiflance de l'air) qu'une balle de plomb, par exemple, tombe de quinze pieds fur la terre en une feconde; nous avons démontré que cette même balle tomberait de quinze pieds en une minute, fi elle était à foixante rayons de la terre comme eft la lune; donc le pouvoir de la terre fur la lune eft au pouvoir qu'elle aurait sur une balle de plomb transportée à l'élévation de la lune, comme le corps folide de la lune serait avec le corps folide de cette petite balle. C'eft en cette proportion que le foleil agit fur toutes les planètes; il attire Jupiter et Saturne, et les fatellites de Jupiter et de Saturne, en raison directe de la matière folide qui eft dans les fatellites de Jupiter et de Saturne, et de celle qui eft dans Saturne et dans Jupiter.

De-là il découle une vérité inconteftable, que cette gravitation n'eft pas feulement dans la maffe totale de chaque planète, mais dans chaque partie de cette masse, et qu'ainfi il n'y a pas un atome de matière dans l'univers qui ne foit revêtu de cette propriété.

Nous choifirons ici la manière la plus fimple dont Newton a démontré que cette gravitation eft également dans chaque atome. Si toutes les parties d'un globe n'avaient pas également cette propriété, s'il y en avait de plus faibles et de

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