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On connaît donc quel eft le centre du mouvement d'une planète, et quelle figure elle décrit dans fon orbite, par les aires qu'elle parcourt; on connaît que toute planète, lorfqu'elle eft plus éloignée du centre de fon mouvement, gravite moins vers ce centre. Ainfi la terre étant plus près du foleil d'un trentième et plus, c'eft-à-dire, de douze cents mille lieues, pendant notre hiver que pendant notre été, eft plus attirée auffi en hiver; ainfi elle va plus vîte alors par la raison de sa courbe; ainfi nous avons huit jours et demi d'été plus que d'hiver, et le foleil paraît dans les fignes feptentrionaux huit jours et demi de plus que dans les méridionaux. Puis, donc que toute planète fuit, par rapport au soleil, foyer de fon orbite, cette loi de gravitation que la lune éprouve par rapport à la terre, et à laquelle tous les corps font foumis en tombant fur la terre, il eft démontré que cette gravitation, cette attraction, agit fur tous les corps que nous connaiffons.

Mais une autre puiffante démonftration de cette vérité eft la loi que fuivent refpectivement toutes les planètes dans leurs cours et dans leurs diftances; c'eft ce qu'il faut bien examiner.

CHAPITRE V.

DEMONSTRATION DES LOIS DE LA GRAVITATION TIRÉE DES REGLES DE KEPLER; QU'UNE DE CES LOIS DE KEPLER DEMONTRE LE MOUVEMENT DE LA TERRE.

Grande règle de Kepler. Fauffes raifons de cette loi admirable. Raifon véritable de cette loi, trouvée par Newton. Récapitulation des preuves de la gravitation. Ces découvertes de Kepler et de Newton fervent à démontrer que c'est la terre qui tourne autour du foleil. Demonftration du mouvement de la terre tirée des mêmes lois.

KEPLER trouva encore cette admirable règle, dont

je vais donner un exemple avant que de donner la définition, pour rendre la chose plus fenfible et plus aifée.

Jupiter a quatre fatellites qui tournent autour de lui: le plus proche est éloigné de deux diamètres de Jupiter et cinq fixièmes, et il fait fon tour en quarante-deux. heures; le dernier tourne autour de Jupiter en quatre cents deux heures ; je veux favoir à quelle distance ce dernier fatellite eft du centre de Jupiter. Pour y parvenir je fais cette règle. Comme le quarré de quarantedeux heures, révolution du premier fatellite, eft au quarré de quatre cents deux heures, révolution du dernier; ainfi le cube de deux diamètres et cinq fixièmes eft à un quatrième terme. Ce quatrième

terme étant trouvé, j'en extrais la racine cube ; cette racine cube fe trouve douze et deux tiers; ainsi je dis que le quatrième fatellite eft éloigné du centre de Jupiter de douze diamètres de Jupiter et deux tiers. Je fais la même règle pour toutes les planètes qui tournent autour du foleil. Je dis : Vénus tourne en deux cents vingt-quatre jours, et la terre en trois cents foixante-cinq; la terre eft à trente millions de lieues du soleil, à combien de lieues fera Vénus? Je dis comme le quarré de l'année de la terre eft au quarré de l'année de Vénus, ainfi le cube de la diftance. moyenne de la terre eft à un quatrième terme, dont la racine cubique fera d'environ vingt et un millions fept cents mille lieues, qui font la diftance moyenne de Vénus au foleil; j'en dis autant de la terre et de Saturne, &c.

- Cette loi eft donc que le quarré d'une révolution d'une planète eft toujours au quarré des révolutions des autres planètes, comme le cube de fa diftance eft au cube des diftances des autres au centre commun.

Kepler, qui trouva cette proportion, était bien loin d'en trouver la raison. Moins bon philofophe qu'aftronome admirable, il dit, au quatrième livre de fon épitome, que le foleil a une ame, non pas une ame intelligente, animum, mais une ame végétante, agiffante, animam: qu'en tournant fur lui-même il attire à foi les planètes; mais que les planètes ne tombent pas dans le foleil, parce qu'elles font une révolution fur leur axe. En fefant cette révolution, dit-il, elles présentent au foleil tantôt un côté ami, tantôt un côté ennemi : le côté ami eft attiré, et le côté ennemi

eft repouffé; ce qui produit le cours annuel des planètes dans les ellipfes.

Il faut avouer, pour l'humiliation de la philosophie, que c'eft de ce raifonnement fi peu philofophique, qu'il avait conclu que le foleil devait tourner fur fon axe; l'erreur le conduifit par hafard à la vérité ; il devina la rotation du soleil fur lui-même plus de quinze ans avant que les yeux de Galilée la reconnuffent à l'aide des télescopes.

Kepler ajoute dans fon même épitome, page 495, que la maffe du foleil, la maffe de tout l'éther, et la maffe des fphères des étoiles fixes, font parfaitement égales; et que ce font les trois fymboles de la TrèsSainte Trinité.

Le lecteur qui, en lifant ces élémens, aura vu de fi grandes rêveries, à côté de fi fublimes vérités, dans un auffi grand homme que Kepler, ne doit point en être furpris; on peut être un génie en fait de calcul et d'obfervations, et fe fervir mal quelquefois de fa raifon pour le refte; il y a tels efprits qui ont befoin de s'appuyer fur la géométrie, et qui tombent quand ils veulent marcher feuls. Il n'eft donc pas étonnant que Kepler, en découvrant ces lois de l'aftronomie, n'ait pas connu la raifon de ces lois. (20)

(20) On n'avait aucune idée, du temps de Kepler, des méthodes de calculer le mouvement dans les lignes courbes. Il fuppofa que les planètes décrivaient des ellipfes autour du foleil parce qu'étant attirées par cet aftre elles avaient un mouvement de progreffion. Il l'appela mouvement animal, parce qu'il ne favait pas qu'un corps qui ne rencontre point d'obftacle continue de fe mouvoir indefiniment en ligne droite; il croyait que dans ce cas il fallait de temps en temps une force nouvelle, et il fuppofait cette force réfidente dans les planètes mêmes. Cette feconde hypothèse n'est pas ridicule comme celle des côtes amis et ennemis.

Cette raison eft que la force centripète eft précifément en proportion inverse du quarré de la distance du centre du mouvement vers lequel cette force est dirigée en effet, fi la loi de la gravitation eft telle, il en résulte que tout corps qui approche trois fois plus du centre de fon mouvement, gravite neuf fois davantage; que s'il s'éloigne trois fois plus, il gravitera neuf fois moins; et que s'il s'éloigne cent fois plus, il gravitera dix mille fois moins. Un corps fe mouvant circulairement autour d'un centre, pèse donc en raison inverse du quarré de fa distance actuelle au centre, comme auffi en raifon directe de fa maffe; or il est démontré que c'eft la gravitation qui le fait tourner autour de ce centre, puifque, fans cette gravitation, il s'en éloignerait en décrivant une tangente. Cette gravitation agira donc plus fortement fur un mobile qui tournera plus vîte autour de ce centre; et plus ce mobile fera éloigné, plus il tournera lentement, car alors il pèfera bien moins, et le rapport entre la vîteffe moyenne de ces corps ou le temps de leurs révolutions périodiques, fera tel que les quarrés de ces temps feront toujours proportionnels au cube des diftances moyennes.

Voilà donc cette loi de gravitation, en raison du quarré des diftances, démontrée :

1o. Par la vîteffe avec laquelle la lune décrit fon orbite, comparée à son éloignement de la terre fon centre:

2o. Par le chemin de chaque planète autour du foleil dans une ellipse :

3o. Par la comparaison des diftances et des révolutions de toutes les planètes autour de leur centre commun.

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