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CHAPITRE IV.

QUE LA GRAVITATION ET L'ATTRACTION DIRIGENT TOUTES LES PLANETES DANS LEUR COURS.

Comment on doit entendre la théorie de la pefanteur chez Defcartes. Ce que c'efl que la force centrifuge, et la force centripete. Cette démonftration prouve que le foleil eft le centre de l'univers, et non la terre. C'est pour les raifons précédentes que nous avons plus d'été que d'hiver.

PRESQUE

RESQUE toute la théorie de la pefanteur chez Defcartes eft fondée fur cette loi de la nature, que tout corps qui fe meut en ligne courbe, tend à s'éloigner du centre de fon mouvement par une ligne droite qui toucherait la courbe en un point. Telle eft la fronde qui s'échappe de la main, &c. Tous les corps, en tournant avec la terre, font ainfi un effort pour s'éloigner du centre; mais la matière fubtile, fefant un bien plus grand effort, repouffe, difait-on, tous les autres corps.

Il est aifé de voir que ce n'était point à la matière fubtile à faire ce plus grand effort, et à s'éloigner du centre du tourbillon prétendu plutôt que les autres corps; au contraire c'était fa nature (fuppofé qu'elle exiftât) d'aller au centre de fon mouvement, et de laiffer aller à la circonférence tous les corps qui auraient eu plus de maffe. C'eft en effet ce qui arrive fur une table qui tourne en rond, lorfque dans un tube pratiqué

dans cette table, on a mêlé plufieurs poudres et plufieurs liqueurs de pefanteurs spécifiques différentes; tout ce qui a plus de maffe s'éloigne du centre, tout ce qui a moins de maffe s'en approche. Telle eft la loi de la nature; et lorfque Defcartes a fait circuler à la circonférence fa prétendue matière fubtile, il a commencé par violer cette loi des forces centrifuges qu'il pofait pour fon premier principe. Il a eu beau imaginer que DIEU avait créé des dés tournans les uns fur les autres, que la raclure de ces dés qui fefait fa matière fubtile, s'échappant de tous les côtés, acquérait par-là plus de vîteffe; que le centre d'un tourbillon s'encroûtait, &c. il s'en fallait bien que ces imaginations rectifiaffent cette

erreur.

Sans perdre plus de temps à combattre ces êtres de raifon, fuivons les lois de la mécanique qui opère dans la nature. Un corps qui fe meut circulairement prend à chaque point de la courbe qu'il décrit, une direction. qui l'éloignerait du cercle, en lui fefant fuivre une ligne droite.

Cela eft vrai: mais il faut prendre garde que ce corps ne s'éloignerait ainfi du centre que par cet autre grand principe; que tout corps étant indifférent de lui-même au repos et au mouvement, et ayant cette inertie qui eft un attribut de la matière, fuit néceffairement la ligne dans laquelle il eft mu. Or tout corps qui tourne autour d'un centre, fuit à chaque inftant une ligne droite infiniment petite, qui deviendrait une droite infiniment longue, s'il ne rencontrait point d'obstacle. Le résultat de ce principe, réduit à fa jufte valeur, n'est donc autre chofe, finon qu'un corps qui fuit une ligne droite fuivra toujours une ligne droite; donc il faut

une autre force pour lui faire décrire une courbe; donc cette autre force par laquelle il décrit la courbe, le ferait tomber au centre à chaque inftant, en cas que ce mouvement de projectile en ligne droite cefsât. A la vérité (figure 32) de moment en moment ce corps irait en A, en B, en C, s'il s'échappait.

Mais auffi de moment en moment il retomberait de A, de B, de C, au centre; parce que fon mouvement eft compofé de deux fortes de mouvemens, du mouvement de projectile en ligne droite, et du mouvement imprimé auffi en ligne droite par la force centripète, force par laquelle il irait au centre. Ainfi de cela même que le corps décrirait ces tangentes, A, B, C, il eft démontré qu'il y a un pouvoir qui le retire de ces tangentes à l'inftant même qu'il les commence. Il faut donc abfolument confidérer tout corps fe mouvant dans une courbe, comme mu par deux puiffances, dont l'une eft celle qui lui ferait parcourir des tangentes, et qu'on nomme la force centrifuge, ou plutôt la force d'inertie, d'inactivité, par laquelle un corps fuit toujours une droite s'il n'en eft empêché; et l'autre force qui retire le corps vers le centre, laquelle on nomme la force centripète, et qui eft la véritable force.

De l'établissement de cette force centripète, il réfulte d'abord cette démonftration, que tout mobile qui fe meut dans un cercle, ou dans une ellipfe, ou dans une courbe quelconque, fe meut autour d'un centre auquel il tend. Il fuit encore que ce mobile, quelques portions de courbe qu'il parcoure, décrira dans fes plus grands arcs et dans fes plus petits arcs, des aires égales en temps égaux. Si, par exemple, un mobile en une minute borde l'efpace ACB (figure 33) qui contiendra

cent milles d'aire, il doit border en deux minutes un autre efpace BCD de deux cents milles.

Cette loi inviolablement obfervée par toutes les planètes, et inconnue à toute l'antiquité, fut découverte, il y a près de cent cinquante ans, par Kepler, qui a mérité le nom de législateur en aftronomie, malgré feș erreurs philofophiques. Il ne pouvait favoir encore la raison de cette règle à laquelle les corps céleftes font affujettis. L'extrême fagacité de Kepler trouva l'effet dont le génie de Newton a trouvé la cause.

Je vais donner la fubftance de la démonftration de Newton: elle fera aifément comprise par tout lecteur attentif; car les hommes ont une géométrie naturelle dans l'efprit, qui leur fait faifir les rapports, quand ils ne font pas trop compliqués.

Que le corps A (figure 34) foit mu en B en un efpace de temps très-petit; au bout d'un pareil espace, un mouvement également continué (car il n'y a icị nulle accélération) le ferait venir en C; mais en B, il trouve une force qui le pouffe dans la ligne B HS; il ne fuit donc ni ce chemin BHS, ni ce chemin ABC; tirez ce parallelogramme CDHB, alors le mobile étant mu par la force BC, et par la force BH, s'en va felon la diagonale BD; or cette ligne BD, et cette ligne BA, conçues infiniment petites, font les naiffances d'une courbe, &c. donc ce corps fe doit mouvoir dans une courbe.

Il doit border des efpaces égaux en temps égaux; car l'efpace du triangle SBA, eft égal à l'efpace du triangle SBD, puisque le triangle SBA eft égal au triangle SBC, ces triangles ayant le fommet commun S, et les bafes égales AB, BC, et que le triangle SBC

eft égal au triangle SBD, ces triangles ayant la base commune BS, et leurs fommets DC fur une même ligne CD parallèle à la bafe BS; donc ces aires font égales; donc tout corps qui a reçu un mouvement de projection, et qui eft attiré par un centre fixe, décrit des aires proportionnelles au temps ; et réciproquement tout corps qui parcourt des aires égales en temps égaux dans une courbe, peut être regardé comme attiré par une force vers le centre de ces aires; donc les planètes tendent vers le foleil, et non autour de la terre, puifqu'en prenant la terre pour centre, leurs aires font inégales par rapport aux temps: et qu'en prenant le foleil pour centre, ces aires fe trouvent toujours proportionnelles aux temps; fi vous en exceptez les petits dérangemens caufés par la gravitation même des planètes. Enfin, Newton a prouvé que fi la courbe décrite autour du centre dans cette hypothèse est une ellipfe, la force attractive eft en raifon inverse du quarré des diftances.

Pour bien entendre encore ce que c'eft que ces aires proportionnelles aux temps, et pour voir d'un coup d'œil l'avantage que vous tirez de cette connaiffance, regardez la terre emportée dans fon ellipfe autour du foleil S fon centre. (figure 35) Quand elle va de B en D, elle balaye un auffi grand efpace que quand elle parcourt ce grand arc HK : le fecteur HSK regagne en largeur ce que le fecteur BSD a en longueur. Pour faire l'aire de ces fecteurs égale en temps égaux, il faut que le corps vers HK aille plus vite que vers BD. Ainfi la terre, et toute planète, se meut plus vîte dans fon périhélie, qui eft la courbe la plus voifine du foleil S, que dans fon aphélie, qui eft la courbe la plus éloignée de ce même foyer S.

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