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violet. Mais tout se fait dans ce grand arc d'une manière oppofée à ce qui fe paffe dans le petit ; pourquoi cela ? c'est que votre œil, qui reçoit les rayons efficaces du petit arc venus du foleil dans la partie fupérieure des gouttes, reçoit au contraire les rayons du grand arc venus par la partie baffe des gouttes.

Vous apercevez que les gouttes d'eau du petit arc reçoivent les rayons du foleil par la partie supérieure, par le haut de chaque goutte; (figure 25) les gouttes du grand arc-en-ciel au contraire reçoivent les rayons qui parviennent par leur partie baffe. Rien ne vous fera, je crois, plus facile que de concevoir comment les rayons se réfléchiffent deux fois dans les gouttes de ce grand arc-en-ciel, et comment ces rayons, deux fois réfractés et deux fois réfléchis, vous donnent une iris dans un ordre oppofé à la première, et plus affaiblie de couleur. Vous venez de voir que les rayons entrent ainfi dans la petite partie baffe des gouttes d'eau de cette iris

extérieure.

Une maffe de rayons se présente à la furface de la goutte en G; (figure 26) là une partie de ces rayons fe réfracte en dedans, et une autre s'éparpille en dehors; voilà déjà une perte de rayons pour l'œil. La partie réfractée parvient en H; une moitié de cette partie s'échappe dans l'air en fortant de la goutte, et eft encore perdue pour vous. Le peu qui s'eft confervé dans la goutte s'en va en K; là une partie s'échappe encore : troisième diminution. Ce qui en eft refté en K s'en va en M, et à cette émergence en M une partie s'éparpille encore: quatrième diminution; et ce qui en refte parvient enfin dans la ligne MN. Voilà donc dans cette goutte autant de réfractions que dans les gouttes du

deux

petit arc; mais il y a, comme vous voyez, réflexions au lieu d'une dans ce grand arc. Il fe perd donc le double de la lumière dans ce grand arc, où la lumière se réfléchit deux fois ; et il s'en perd la moitié moins dans le petit arc intérieur où les gouttes n'éprouvent qu'une réflexion. Il eft donc clair que l'arc-en-ciel extérieur doit toujours être environ de moitié plus faible en couleur que le petit arc intérieur. Il eft auffi démontré, par ce double chemin que font les rayons, qu'ils doivent parvenir à vos yeux dans un fens oppofé à celui du premier arc, car votre œil eft placé en O. (figure 27 ) Dans cette place O, il reçoit les rayons les moins réfrangibles de la première bande extérieure du petit arc, et il doit recevoir les plus réfrangibles de la première bande extérieure de ce fecond arc; ces plus réfrangibles font les violets. Voici donc les deux arcsen-ciel ici dans leur ordre, en ne mettant que trois couleurs pour éviter la confufion.

Il ne refte plus qu'à voir pourquoi ces couleurs font toujours aperçues fous une figure circulaire. Confidérez cette ligne OZ, qui passe par votre ceil et par le foleil. Soient conçues fe mouvoir ces deux boules toujours à égale distance de votre œil; de même l'angle compris entre les lignes menées au foleil et à votre œi! foit invariable, elles décriront des bafes de cônes (figure 28) dont la pointe fera toujours dans votre œil. Concevez que le rayon de cette goutte d'eau R, venant à votre œil O, tourne autour de cette ligne OZ, comme autour d'un axe, fefant toujours, par exemple, un angle ZOR de quarante-deux degrés deux minutes; il eft clair que cette goutte décrira un cercle qui vous paraîtra rouge. Que cette autre goutte V foit conçue tourner de même,

fesant toujours un autre angle VOZ, de quarante degrés dix fept minutes, elle formera un cercle violet: toutes les gouttes qui feront dans ce plan formeront donc un cercle violet, et les gouttes qui font dans le plan de la goutte R feront un cercle rouge. Vous verrez donc cette iris comme un cercle; mais vous ne voyez pas tout un cercle, parce que la terre le coupe; vous ne voyez qu'un arc, une portion de cercle.

La plupart de ces vérités ne purent encore être aperçues ni par Antonio de Dominis, ni par Defcartes: ils ne pouvaient favoir pourquoi ces différens angles donnaient différentes couleurs ; mais c'était beaucoup d'avoir trouvé l'art. Les fineffes de l'art font rarement dues aux premiers inventeurs. Ne pouvant donc deviner que les couleurs dépendaient de la réfrangibilité des rayons, que chaque rayon contenait en foi une couleur primitive, que la différente attraction de ces rayons fefait leur réfrangibilité, et opérait ces écartemens, qui font les différens angles, Defcartes s'abandonna à son esprit d'invention pour expliquer les couleurs de l'arcen-ciel. Il y employa le tournoiement imaginaire de fes globules et cette tendance au tournoiement; preuve de génie, mais preuve d'erreur. C'est ainfi que pour expliquer la fyftole et la diaftole du cœur, il imagina un mouvement et une conformation dans ce vifcère, dont tous les anatomiftes ont reconnu la faufseté. Defcartes aurait été le plus grand philofophe de la terre s'il eût moins inventé.

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NOUVELLES DÉCOUVERTES SUR LA CAUSE DES COULEURS, QUI CONFIRMENT LA DOCTRINE PRÉCÉDENTE. DEMONSTRATION, QUE LES COULEURS SONT OCCASIONNÉES PAR L'ÉPAISSEUR DES PARTIES QUI COMPOSENT LES CORPS, SANS QUE LA LUMIÈRE SOIT RÉFLÉCHIE DE CES PARTIES.

Connaiffance plus approfondie de la formation des couleurs. Grandes vérités tirées d'une expérience commune. Expériences de Newton. Les couleurs dépendent de l'épaiffeur des parties des corps, fans que ces parties réfléchiffent elles-mêmes la lumière. Tous les corps font tranfparens. Preuve que les couleurs dépendent des épaiffeurs, fans que les parties folides renvoient en effet la lumière.

PA R tout ce qui a été dit jusqu'à préfent; il résulte

donc que toutes les couleurs nous viennent du mélange des fept couleurs primordiales que l'arc-en-ciel et le prisme nous font voir diftinctement. (voyez note 16)

Les corps les plus propres à réfléchir des rayons rouges, et dont les parties abforbent ou laiffent passer les autres rayons, feront rouges, et ainsi du reste. Cela ne veut pas dire que les parties de ces corps réfléchiffent en effet les rayons rouges, mais qu'il y a un pouvoir, une force jufqu'ici inconnue, qui réfléchit

ces rayons d'auprès des furfaces et du fein des pores des corps.

Les couleurs font donc dans les rayons du foleil, et réjailliffent à nous d'auprès des furfaces et des pores, et du vide. Cherchons à présent en quoi confifte le pouvoir apparent des corps de nous réfléchir ces couleurs; ce qui fait que l'écarlate paraît rouge, que les prés font verds, qu'un ciel pur eft bleu; car dire que cela vient de la différence de leurs parties, c'est dire une chofe vague qui n'apprend rien du tout.

Un divertissement d'enfant, qui femble n'avoir rien en foi que de méprisable, donna à M. Newton la première idée de ces nouvelles vérités que nous allons expliquer. Tout doit être pour un philosophe un fujet de méditation, et rien n'eft petit à fes yeux. Il s'aperçut que dans ces bouteilles de favon que font les enfans, les couleurs changent de moment en moment, en comptant du haut de la boule, à mesure que l'épaiffeur de cette boule diminue, jufqu'à ce qu'enfin la pefanteur de l'eau et du favon, qui tombe toujours au fond, rompe l'équilibre de cette fphère légère et la faffe évanouir. Il en présuma que les couleurs pourraient bien dépendre de l'épaiffeur des parties qui compofent les furfaces des corps, et pour s'en affurer il fit les expériences suivantes.

Que deux cristaux fe touchent en un point: il n'importe qu'ils foient tous deux convexes, il fuffit que le premier le foit, et qu'il foit pofé fur l'autre. Qu'on mette de l'eau entre ces deux verres pour rendre plus fenfible l'expérience qui se fait auffi dans l'air : qu'on preffe un peu ces verres l'un contre l'autre, une petite tache noire transparente paraît au point du contact des deux verres : de ce point entouré d'un peu d'eau fe forment des

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