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pense, ni Français, ni Anglais; celui qui nous inftruit eft notre compatriote.

La réfrangibilité et la réflexion dépendent évidem ment de la même caufe. Cette réfrangibilité que nous venons de voir, étant attachée à la réfraction, doit avoir fa fource dans le même principe. La même cause doit préfider au jeu de tous ces refforts : c'eft-là l'ordre de la nature. Tous les végétaux fe nourriffent par les mêmes lois; tous les animaux ont les mêmes principes de vie. Quelque chofe qui arrive aux corps en mouvement, les lois du mouvement font invariables. Nous avons déjà vu que la réflexion, la réfraction, l'inflexion de la lumière font les effets d'un pouvoir qui n'est point l'impulfion (au moins connue :) ce même pouvoir fe fait fentir dans la réfrangibilité ; ces rayons, qui s'écartent à des diftances différentes, nous avertissent que le milieu dans lequel ils paffent agit sur eux inégalement. Un faisceau de rayons eft attiré dans le verre ; mais ce faisceau de rayons eft compofé de substances différentes. Ces maffes font donc inégalement attirées ; fi cela eft, elles doivent donc fe réfléchir de ce prifme dans le même ordre qu'elles s'y font réfractées; le rayon le plus réflexible doit être le plus réfrangible.

Ce prisme a envoyé fur ce papier ces fept couleurs : tournez ce prifme fur lui-même dans le fens ABC, (figure 22) vous aurez bientôt cet angle, felon lequel toute lumière fe réfléchira de dedans ce prifme audehors, au lieu de paffer fur ce papier. Si tôt que vous commencez à approcher de cet angle, voilà tout d'un coup le rayon violet qui fe détache de ce papier, et que vous voyez se porter au plafond de la chambre. Après le violet vient le pourpre, le bleu; enfin le rouge

quitte le dernier ce papier, où il eft peint, pour venir à fon tour se réfléchir fur le plafond; donc tout rayon est plus réflexible à mesure qu'il est plus réfrangible; donc la même cause opère la réflexion et la réfrangibilité.

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Or la partie folide du verre ne fait ni cette réfrangibilité ni cette réflexion; et encore une fois, ces proque dans priétés ont leur naiffance dans une autre cause l'impulfion connue fur la terre. Il n'y a rien à dire contre ces expériences; il faut s'y foumettre, quelque rebelle que l'on foit à l'évidence. (16)

en

(16) Un faisceau lumineux, quelque petit qu'il foit, eft composé d'une infinité de rayons différemment réfrangibles. Sans cela, employant un prifme dont l'angle ferait plus grand, on aurait fept cercles féparés, et non une image continue dont les côtés font fenfiblement des lignes droites.

Il est vrai que ce spectre continu femble n'offrir que fept couleurs diftinctes; le paffage d'une couleur à l'autre n'eft nuancé que fur un très - petit espace, tandis que la couleur paraît pure fur une plus grande étendue du spectre. On pourrait donc foupçonner que la fenfation de la couleur dépend d'une propriété des rayons, differente de leur degré de réfrangibilité. Newton paraît avoir cru qu'il n'y avait réellement que fept rayons; il femble fouvent raifonner dans cette fuppofition; fes premiers difciples l'ont entendu dans ce fens : cependant comme il avait fenti dans cette opinion des difficultés infurmontables, il ne s'eft jamais expliqué fur cet objet d'une manière précise.

Plufieurs auteurs n'ont admis que quatre couleurs ; ils fupprimaient les trois couleurs intermédiaires, pourpre, verd et orangé, comme produites par le mélange des deux couleurs voifines; ils étaient confirmés dans leur opinion par des expériences où on ne voit réellement que quatre couleurs; mais cette opinion eft peu fondée : le bleu et le jaune font, à la vérité, du verd, mais fi vous regardez fur un carton à travers un prifme, le verd formé par l'union des rayons jaunes et bleus, les deux couleurs se séparent; mais fi vous regardez fur ce même carton, à travers un prifme, l'image éclairée par les rayons verds d'un autre prifme, vous alongerez l'image, mais elle reftera verte.

Le prisme ne donne quatre couleurs feulement que lorfque la lumière eft faible, ou trop peu étendue par le prifme; et fi elle était encore plus faible, fi l'image était moins étendue, on ne verrait qu'un spectre d'un blanc fale ou rougeâtre. C'est ainfi que la lumière d'une étoile paraît à travers

un prisme. Si vous armez le prisme d'une forte lunette, alors le spectre de l'étoile vous montrera diftinctement jufqu'à quatre couleurs, rouge, jaune, bleu, et violet ; avec une lunette plus faible, le jaune et le blanc difparaiffent, et l'on voit du verd à la place. On doit à M. l'abbé Rachon ces expériences fur la lumière des étoiles, qui prouvent que cette lumière eft de même nature que celle du foleil, que celle des corps terreftres embrafės.

Non-feulement la réfraction eft différente dans les différens milieux, mais la différence de la réfrangibilité des différens rayons n'eft point proportionnelle dans ces milieux à la réfraction. Il en résulte que l'on peut, en combinant différens milieux, former des prifmes où les rayons fe réfractent sans se séparer, et détruire les couleurs dans les lunettes en employant des lentilles composées de plusieurs verres de différente nature. Cette idée que l'on doit à M. Euler a produit les lunettes acromatiques que plufieurs artistes habiles ont portées à un très-grand degré de perfection. M. l'abbé Rochon a trouvé, en appliquant les lunettes aux prifmes, des moyens de mesurer avec une grande précision le rapport de la force réfractive des différens milieux, avec leur force difperfive, precifion néceffaire pour la théorie des lunettes et pour leur conftruction.

Il y a des fubftances qui ont une double réfraction, en forte que les objets qu'on regarde à travers un prisme formé de ces substances paraissent doubles. Tel eft le cristal de roche, le criftal d'lflande; et ces fubftances ont vraisemblablement cette propriété, parce qu'elles font compofées de lames hétérogènes placées les unes fur les autres ; du moins on produit le même phénomène avec des verres artificiels ainsi disposes. Cette double réfraction a été employée avec beaucoup de fuccès par M. l'abbé Rochon, à la mesure des petits angles. L'inftrument qu'il a inventé pour cet objet eft très ingénieux, et donne ces mefures avec la plus grande précifion. Il peut fervir auffi à mefurer des diftances fans avoir befoin d'employer des bases d'une grande étendue.

CHAPITRE

I X.

DE L'ARC-EN-CIEL; QUE CE METEORE EST UNE SUITE NÉCESSAIRE DES LOIS DE LA REFRANGIBILITÉ.

Mécanisme de l'arc-en-ciel inconnu à toute l'antiquité. Ignorance d'Albert le grand. L'archevêque Antonio de Dominis eft le premier qui ait expliqué l'arc-en-ciel. Son expérience, imitée par Defcartes. La réfrangibilité, unique raifon de l'arc-en-ciel. Explication de ce phénomène. Les deux arcs-en-ciel. Ce phénomène vu toujours en demi-cercle.

L'ARC-en

en-ciel, ou l'Iris, eft une fuite néceffaire des propriétés de la lumière, que nous venons d'observer.

Nous n'avons rien dans les écrits des Grecs, ni des Romains, ni des Arabes, qui puiffe faire penfer qu'ils connuffent les raisons de ce phénomène. Lucrèce n'en dit rien; et par toutes les abfurdités qu'il débite au nom d'Epicure fur la lumière et fur la vifion, il paraît que fon fiècle, fi poli d'ailleurs, était plongé dans une profonde ignorance en fait de physique. On favait qu'il faut qu'une nuée épaiffe, fe réfolvant en pluie, foit exposée aux rayons du foleil, et que nos yeux fe trouvent entre l'aftre et la nuée, pour voir ce qu'on appelait l'Iris : mille trahit varios adverfo fole colores; mais voilà tout ce qu'on favait perfonne n'imaginait ni pourquoi une nuée

donne des couleurs, ni comment la nature et l'ordre des couleurs font déterminés, ni pourquoi il y a deux arcs-en-ciel l'un fur l'autre, ni pourquoi on voit toujours ces phénomènes fous la figure d'un demi-cercle.

Albert, qu'on a furnommé le grand, parce qu'il vivait dans un fiècle où les hommes étaient bien petits, imagina que les couleurs de l'arc-en-ciel venaient d'une rofée qui est entre nous et la nuée, et que ces couleurs reçues fur la nuée, nous étaient envoyées par elle. Vous remarquerez encore que cet Albert le grand croyait, avec toute l'école, que la lumière était un accident.

Enfin le célèbre Antonio de Dominis, archevêque de Spalatro en Dalmatie, chaffé de son évêché par l'inquifition, écrivit vers l'an 1590 fon petit traité De radiis lucis et de Iride, qui ne fut imprimé à Venise que vingt ans après. (17) Il fut le premier qui fit voir que les

(17) Antonio de Dominis fut une des plus illuftres victimes de l'inquifition romaine. Il renonça à fon archevêché et fe retira vers 1603 en Angleterre, où il publia l'hiftoire du concile de Trente de Fra - Paolo, fon ami. Il s'occupa du projet de réconcilier les communions chrétiennes, projet qui fut celui d'un grand nombre d'efprits fages et amis de la paix, dans un fiècle où les principes de la tolérance étaient inconnus. On trouva moyen de l'engager en 1612 à retourner en Italie, en lui promettant qu'on fe contenterait de la rétractation de quelques propofitions foi - difant hérétiques, qu'on l'accufait d'avoir foutenues. Mais peu de temps après cette rétractation, on lui fuppofa d'autres crimes. Il fut mis au château Saint-Ange où il mourut en 1625, âgé de 64 ans. Les inquifiteurs curent la barbarie de le faire deterrer et de brûler fon cadavre. Outre fon ouvrage fur l'optique, il avait fait un livre intitule de Republica chriftiana qui fut brûle avec lui. Ce livre fut condamné par la forbonne, parce qu'il contenait des principes de tolérance et des maximes favorables a l'independance des princes feculiers. Fra-Paolo, plus fage que l'archevêque de Spalatro, refta toute la vie à Venise où il n'avait du moins a craindre que les aflaffins. Peu de temps après, l'illuftre Galilee, l'honneur de l'Italie, fut forcé de demander pardon d'avoir découvert de nouvelles preuves du mouvement de la

rayons

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