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détourner? Ceux-ci inventent des atmosphères, ceux-là des tourbillons; tous leurs fyftêmes croulent par quelque endroit ; il faut donc, je crois, s'en tenir aux découvertes de Newton, à cette attraction vifible dont ni lui, ni aucun philofophe, n'ont pu trouver la

raifon.

Vous favez que beaucoup de gens, autant attachés à la philofophie, ou plutôt au nom de Descartes, qu'ils l'étaient auparavant au nom d'Ariftote, fe font foulevés contre l'attraction. Les uns n'ont pas voulu l'étudier ; les autres l'ont méprisée, et l'ont infultée, après l'avoir à peine examinée; mais je prie le lecteur de faire les trois réflexions fuivantes.

I.

Qu'entendons-nous par attraction? rien autre chofe qu'une force par laquelle un corps s'approche d'un autre, fans que l'on voie, fans que l'on connaiffe aucune autre force qui le pouffe.

2. Cette propriété de la matière eft établie par les meilleurs philofophes en Angleterre, en Allemagne, en Hollande, et même dans plusieurs univerfités d'Italie, où des lois un peu rigoureufes ferment quelquefois l'accès à la vérité. Le confentement de tant de favans hommes n'eft-il pas une raifon puiffante pour examiner au moins fi cette force existe ou non?

3. L'on devrait fonger que l'on ne connaît pas plus la caufe de l'impulfion que de l'attraction. On n'a pas même plus d'idée de l'une de ces forces que de l'autre ; car il n'y a perfonne qui puiffe concevoir pourquoi un corps a le pouvoir d'en remuer un autre de fa place. Nous ne concevons pas non plus, il eft vrai, comment un corps en attire un autre, ni comment

les parties de la matière gravitent mutuellement, comme il fera prouvé. Aufsi ne dit-on pas que Newton se foit vanté de connaître la raifon de cette attraction. Il a prouvé fimplement qu'elle exifte ; il a vu dans la matière des phénomènes conftans une propriété univerfelle. Si un homme trouvait un nouveau métal dans la terre, ce métal exifterait-il moins, parce que l'on ne connaîtrait pas les premiers principes dont il ferait formé ?

On dit fouvent que l'attraction eft une qualité occulte. Si l'on entend par ce mot un principe réel dont on ne peut rendre raison, tout l'univers eft dans ce cas. Nous ne favons ni comment il y a du mouvement, ni comment il fe communique, ni comment les corps font élaftiques, ni comment nous pensons, ni comment nous vivons, ni comment ni pourquoi quelque chofe exifte; tout eft qualité occulte. Si l'on entend par ce mot une expreffion de l'ancienne école, un mot fans idée, que l'on confidère feulement que c'eft par les plus fublimes et les plus exactes démonftrations mathématiques que Newton a fait voir aux hommes ce principe qu'on s'efforce de traiter de chimère.

Nous avons vu que les rayons réfléchis d'un miroir ne fauraient venir à nous de fa furface. Nous avons expérimenté que les rayons tranfmis dans du verre à un certain angle, reviennent au lieu de paffer dans l'air; et s'il y a du vide derrière ce verre, les rayons qui étaient transmis auparavant reviennent de ce vide à nous. Certainement il n'y a point là d'impulfion connue. Il faut de toute néceffité admettre un autre pouvoir; il faut bien auffi avouer qu'il y a dans la réfraction quelque chofe qu'on n'entendait pas jufqu'à préfent.

Or quelle fera cette puiffance qui rompra ce rayon de lumière dans ce baffin d'eau? Il eft démontré (comme nous le dirons au chapitre suivant) que ce qu'on avait cru jusqu'à préfent un fimple rayon de lumière, est un faifceau de plufieurs rayons qui fe réfractent tous différemment. Si de ces traits de lumière contenus dans ce rayon, l'un fe réfracte, par exemple, à quatre mefures de la perpendiculaire, l'autre fe rompra à trois mefures. Il est démontré que les plus réfrangibles, c'està-dire, par exemple, ceux qui, en fe brisant au fortir d'un verre, et en prenant dans l'air une nouvelle direction, s'approchent moins de la perpendiculaire à ce verre, font auffi ceux qui se réfléchiffent le plus aifément, le plus vîte. Il y a donc déjà bien de l'apparence que ce fera la même loi qui fera réfléchir la lumière, et qui la fera réfracter.

Enfin, fi nous trouvons encore quelque nouvelle propriété de la lumière qui paraiffe devoir fon origine à la force de l'attraction, ne devons-nous pas conclure que tant d'effets appartiennent à la même caufe? Voici cette nouvelle propriété qui fut découverte par le père Grimaldi, jéfuite, vers l'an 1660, et fur laquelle Newton a pouffé l'examen jusqu'au point de mesurer l'ombre d'un cheveu à des diftances différentes. Cette propriété eft l'inflexion de la lumière. Non-feulement les rayons fe brifent en paffant dans le milieu dont la maffe les attire, mais d'autres rayons, qui paffent dans l'air auprès des bords de ce corps attirant, s'approchent fenfiblement de ce corps, et fe détournent vifiblement de leur chemin.

Mettez (figure 18) dans un endroit obfcur cette lame d'acier ou de verre aminci, qui finit en pointe :

expofez-la auprès d'un petit trou par lequel la lumière paffe; que cette lumière vienne rafer la pointe de ce métal; vous verrez les rayons fe courber auprès en telle manière que le rayon qui s'approchera le plus de cette pointe fe courbera davantage, et celui qui en fera le plus éloigné fe courbera moins à proportion. N'eft-il pas de la plus grande vraisemblance que le même pouvoir qui brise ces rayons, quand ils font dans ce milieu, les force à fe détourner, quand ils font près de ce milicu? Voilà donc la réfraction, la transparence, la réflexion affujetties à de nouvelles lois. Voilà une inflexion de la lumière, qui dépend évidemment de l'attraction. C'eft un nouvel univers qui fe préfente aux yeux de ceux qui veulent voir.

Nous montrerons bientôt qu'il y a une attraction évidente entre le foleil et les planètes, une tendance mutuelle de tous les corps les uns vers les autres. Mais nous avertiffons encore ici d'avance que cette attraction, qui fait graviter les planètes fur notre foleil, n'agit point du tout dans les mêmes rapports que l'attraction des petits corps qui fe touchent. Ce font même probablement des attractions de genre abfolument différent. Ce font de nouvelles et différentes propriétés de la lumière et des corps, que Newton a découvertes. Il ne s'agit pas ici de leur cause, mais fimplement de leurs effets ignorés jusqu'à nos jours. Qu'on ne croie point que la lumière eft infléchie vers le criftal et dans le cristal, fuivant le même rapport, par exemple, que Mars eft attiré par le foleil. (15)

(15) Jufqu'ici l'on n'a pu rien découvrir fur les lois de l'attraction à de très-petites diftances. C'est dans l'examen des phénomènes de la criftallifation que l'on pourra trouver un jour ces lois; mais jufqu'ici

CHAPITRE VIII.

SUITE DES MERVEILLES DE LA REFRACTION DE LA LUMIERE. QU'UN SEUL RAYON DE LA LUMIERE CONTIENT EN SOI TOUTES LES COULEURS POSSIBLES. CE QUE C'EST QUE LA REFRANGIBILITÉ. DÉCOUVERTES NOUVElles.

Imagination de Defcartes fur les couleurs. Erreur de Mallebranche. Expérience et démonflration de Newton. Anatomie de la lumière. Couleurs dans les rayons primitifs. Vaines objections contre ces découvertes. Critiques encore plus vaines. Expérience importante.

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vous demandez aux philofophes ce qui produit les couleurs, Descartes vous répondra que les globules de fes élémens font déterminés à tournoyer fur eux-mêmes, outre leur tendance au mouvement en ligne droite, et que ce font les différens tournoiemens qui font les différentes couleurs. Mais fes élémens, fes globules, fon tournoiement, ont-ils même befoin de la pierre de touche de l'expérience, pour que le faux s'en faffe fentir? Une foule de démonftrations anéantit ces chimères.

ces phénomènes n'ont pas même été suffisamment observés pour qu'on puiffe connaître la manière dont s'exécute cette opération. M. l'abbé Haui vient de donner fur la formation des criftaux plusieurs mémoires qui ont répandu un grand jour fur cette matière importante. Cependant on eft peut-être encore bien éloigné d'en favoir affez pour pouvoir y appliquer le calcul, et connaître les lois de la force attractive qui préside à la criftallifation.

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