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CHAPITRE VII.

DE LA CAUSE QUI FAIT BRISER LES RAYONS DE LA LUMIERE EN PASSANT D'UNE SUBSTANCE DANS UNE AUTRE QUE CETTE CAUSE EST UNE LOI GENERALE DE LA NATURE, INCONNUE AVANT NEWTON; QUE L'INFLEXION DE LA LUMIERE EST ENCORE UN EFFET DE CETTE CAUSE, &c.

Ce que c'eft que réfraction. Proportion des réfractions trouvée par Snellius. Ce que c'est que finus de réfraction. Grande découverte de Newton. Lumière brifée avant d'entrer dans les corps. Examen de l'attraction. Il faut examiner l'attraction, avant que de fe révolter contre ce mot.. Impulfion et attraction également certaines et inconnues. En quoi l'attraction eft une qualité occulte. Preuves de l'attraction. Inflexion de la lumière auprès des corps qui l'attirent.

Nous avons déjà vu l'artifice presque incompré

henfible de la réflexion de la lumière que l'impulfion connue ne peut caufer. Celui de la réfraction, dont nous allons reprendre l'examen, n'eft pas moins furprenant.

Commençons par nous bien affermir dans une idée nette de la chofe qu'il faut expliquer. Souvenons-nous bien que quand la lumière tombe dans une fubftance plus rare, plus légère, comme l'air, dans une fubftance plus

pefante, plus denfe, comme l'eau, et qui femble lui devoir réfifter davantage, la lumière alors quitte fon chemin, et fe brife en s'approchant d'une perpendicule qu'on élèverait fur la furface de cette eau.

Pour avoir une idée bien nette de cette vérité, (figure 15) regardez ce rayon qui tombe de l'air dans ce cristal. Vous favez comme il se brise. Ce rayon A E fait un angle avec cette perpendiculaire B E, en tombant fur la furface de ce criftal. Ce même rayon, réfracté dans ce cristal, fait un autre angle avec cette même perpendiculaire qui règle fa réfraction. Il fallut mesurer cette incidence et ce brisement de la lumière. Il femble que ce foit une chose fort aisée; cependant le géomètre arabe Albazen, Vitellio, Kepler même y échouèrent. Snellius Villebrod eft le premier, au rapport d'Huyghens témoin oculaire, qui trouva cette proportion conftante dans laquelle la lumière fe rompt dans des milieux donnés. Il fe fervit des fécantes. Defcartes fe servit enfuite des finus; ce qui eft précisément la même proportion, le même théorême, fous d'autres noms. Cette proportion eft très-aifée à entendre de ceux qui font le plus étrangers dans la géométrie.

Plus la ligne A B, que vous voyez, eft grande, plus la ligne C D fera grande auffi. Cette ligne A B eft ce qu'on appelle finus d'incidence. Cette ligne C D eft le finus de réfraction. Ce n'eft pas ici le lieu d'expliquer en général ce que c'eft qu'un finus. Ceux qui ont étudié la géométrie le favent affez. Les autres pourraient être un peu embarraflés de la définition. Il fuffit de bien favoir que ces deux finus, de quelque grandeur qu'ils foient, font toujours en proportion dans un milieu donné. Or cette proportion eft différente,

quand la réfraction se fait dans un milieu différent. La lumière qui tombe obliquement de l'air dans du cristal, s'y brife de façon que le finus de réfraction C D eft au finus d'incidence A B, comme 2 à 3; ce qui ne veut dire autre chose finon que cette ligne A B eft un tiers plus grande dans l'air, en ce cas, que la ligne C D dans ce criftal. Dans l'eau cette proportion eft de 3 à 4. Ainsi il eft palpable que dans tous les cas, dans toutes les obliquités d'incidence poffibles, la force réfringente du criftal eft à celle de l'eau, comme 9 eft à 8; il s'agit non-feulement de favoir la cause de la réfraction, mais celle de toutes les réfractions différentes. C'eft-là que les philofophes ont tous fait des hypothèses, et se font trompés.

Enfin Newton feul a trouvé la véritable raison qu'on cherchait. Sa découverte mérite affurément l'attention de tous les fiècles. Car il ne s'agit pas ici feulement d'une propriété particulière à la lumière, quoique ce fût déjà beaucoup ; nous verrons que cette propriété appartient à tous les corps de la nature. Confidérez que les rayons de la lumière font en mouvement, que s'ils se détournent en changeant leur course, ce doit être par quelque loi primitive, et qu'il ne doit arriver à la lumière que ce qui arriverait à tous les corps de même petiteffe que la lumière, toutes chofes d'ailleurs. égales.

Qu'une balle de plomb A (figure 16) foit poufféc obliquement de l'air dans l'eau, il arrivera d'abord le contraire de ce qui eft arrivé à ce rayon de lumière; car ce rayon délié paffe dans des pores, et cette balle, dont la fuperficie eft large, rencontre la fuperficie de l'eau qui lui résifte. Cette balle s'éloigne donc d'abord

de la perpendiculaire B; à la vérité, le mouvement oblique qu'on lui avait imprimé diminue peu à peu, et la forte pefanteur l'entraînant toujours également, elle finit par se rapprocher de la direction perpendiculaire. Elle retarde, comme on fait, fa chute dans l'eau, parce que l'eau lui réfifte; mais un rayon de lumière y augmente au contraire fa célérité, parce que l'eau ne réfifte pas aux rayons qui la pénètrent.

Il y a donc une force, telle qu'elle foit, qui agit entre les corps et la lumière.

Que cette attraction, que cette tendance exifte, nous n'en pouvons douter ; car nous avons vu la lumière, attirée par le verre, y rentrer fans toucher à rien; or cette force agit néceffairement en ligne droite, c'est-àdire, dans la ligne tirée de chaque molécule à chaque point du corps qui exerce cette force; car, puifqu'elle exifte, elle est dans toutes les parties du corps qui l'exerce. Les parties de la fuperficie d'un autre corps quelconque, éprouvent donc ce pouvoir avant qu'il pénètre l'intérieur de la fubftance du corps attirant, avant qu'il parvienne au point où il eft dirigé. (figure 17) Ainfi, dès que ce rayon eft arrivé près de la fuperficie du cristal, ou de l'eau, il prend déjà un peu en cette manière le chemin de la perpendiculaire.

Il se brise déjà un peu en C avant que d'entrer : plus il entre, plus il fe brife; parce que plus il approche, plus il eft attiré. Il y a encore une raifon importante pour laquelle le rayon s'infléchit néceffairement par une courbure infenfible, avant que de pénétrer en ligne droite dans le criftal. C'est parce qu'il n'y a point d'angle rigoureux dans la nature, qu'un mouvement continu ne peut changer de direction qu'en passant

par

par tous les degrés poffibles de changement; il ne peut donc de la ligne droite paffer tout d'un coup en une aute ligne droite, fans tracer une petite courbe qui joigne ces deux lignes enfemble. Ainfi les principes de continuité établis par Leibnitz et l'attraction de Newton se réuniffent dans ce phénomène. Ce rayon ne tombe donc pas tout à fait perpendiculai ement, et ne fuit pas fa première ligne droite oblique en traverfant cette eau ou ce verre; mais il fuit une ligne courbe, qui defcend d'autant plus vite que l'attraction de cette eau ou de ce crifial eft plus forte. Donc loin que l'eau rompe les rayons de lumière en leur réfiftant, comme on le croyait, elle les rompt en effet parce qu'elle ne résiste pas, et au contraire, parce qu'elle les attire. Il faut donc dire que les rayons fe brifent ve.s la perpendiculaire, non pas quand ils paffent d'un milieu plus réfiftant, mais quand ils paffent d'un milieu moins attirant dans un milieu plus attirant. Observez qu'il ne faut jamais entendre par ce mot attirant que le point vers lequel fe dirige une force reconnue, une propriété inconteftable de la matière, laquelle propriété eft très-sensible entre la lumière et les corps. Que l'on confidère que depuis l'an 1672, que Newton fit voir cette attraction, aucun philofophe n'a pu imaginer une raison plaufible de ce brisement de la lumière.

Les uns vous disent: Le c.istal réfracte les rayons de lumière, parce qu'il leur réfifte; mais s'il leur résiste, pourquoi ces rayons y entrent-ils plus facilement et avec plus de viteffe? Les autres imaginent une matière dans le cristal, qui ouvre de tous côtés des chemins plus faciles; mais fi ces chemins font fi faciles de tous. côtés, pourquoi la lumière n'y entre-t-elle pas fans se Phyfique, &c.

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