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n'étoit pas Athenien: Et Ciceron. rapporte,que ce grand perfonnage de-. meura étonné de voir,qu'ayant vielli dans Athenes, poffedant fi parfaitement le langage Attique, & en ayant ac quis l'accent par une habitude de tant d'années, il ne s'eftoit pû donner ce que le fimple peuple avoit naturellement & fans nulle peine.Qne fi l'on ne laiffe pas de lire quelquefois dans

ce traité des Caracteres de certaines mœurs qu'on ne peut excufer, & qui nous paroiffent ridicules, il faut fe fouvenir qu'elles ont paru telles à Theophrafte,qui les a regardées comme des vices dont il a fait une peinture naïve qui fit honte aux Atheniens, & qui fervit à les corriger.

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Enfin dans l'efprit de contenter ceux qui reçoivent froidement tout ce qui appartient aux Etrangers & aux Anciens, & qui n'eftiment que leurs mœurs On les ajoûte à cet ouvrage : l'on a crû pouvoir fe difpenfer de fuivre le projet de ce Philofophe, foit parce qu'il est toujours pernicieux de Fourfuivre le travail d'autruy, ur: tout fi c'est d'un Ancien ou d'un Auteur d'une grande reputation; foit en

core parce que cette unique figure: qu'on appelle defcription où énumeration, employée avec tant de fuccez dans ces vingt-huit chapitres des Caracteres, pourroit en avoir un beaucoup moindre, fi elle étoit traitée. par un genie fort inferieur à celuy de Theophrafte.

Au contraire fe reflouvenant que parmi le grand nombre des traitez de ce Philofophe rapportez par Diogene Laerce, il s'en trouve un fous le titre: de proverbes, c'eft à dire de pieces détachées, comme des reflexions of des remarques; que le premier & le plus grand livre de morale qui ait été fait, porte ce mefme nom dans les * L'on endivines Ecritures; on s'eft trouvé ex- tend cette cité par de fi grands modeles à fuivre maniere felon fes forces une femblable manie- dont Salocoupée re* d'écrire des mœurs ; & l'on n'a- mon a époint efté détourné de fon entreprife crit fes par deux ouvrages de morale qui font Proverbes,

& nuile

ment les

dans les mains de tout le monde & d'où faute d'attention,ou par un efprit chofes qui de critique quelques uns pourroient font divi penfer que ces remarques font imi- nes & hors

tées.

de toute

comparai

L'un par l'engagement de fon Au- fon..

,

par

teur fait fervir la Metaphifique à la Religion, fait connoiftre l'ame, fes paffions, fes vices, traite les grands & les ferieux motifs pour conduire à la vertu & veut rendre l'homme Chrêtien. L'autre qui eft la produ, dion d'un efprit inftruit le commerce du monde, & dont la délicateffe étoit égale à la penetration, obfervant que l'amour propre eft dans l'homme la caufe de tous fes foibles, Pattaque fans relâche quelque part où il fe trouve, & cette unique pensée comme multipliée en mille autres, a toûjours par le choix des mots & par la varieté de l'expreffion, la grace de la nouveauté.

L'on ne fuit aucune de ces routes dás l'ouvrage qui eft joint à la traduction des Caracteres, il eft tout different des deux autres que je viens de toucher; moins fublime que le premier, & moins délicat que le fecond il ne tend qu'à rendre l'homme raifonnable mais par des voyes fimples & communes,& en l'examinant indiffereminent, fans beaucoup de methode, & felon. que les divers Chapitres y conduifent par les âges, les fexes & les condi

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tions, & par les vices, les foibles & le ridicule qui y font attachez.

fes

L'on s'eft plus appliqué aux vices dePefprit, aux replis du cœur, & à tour l'interieur de l'homme, que n'a fait Theophrafte, & l'on peut dire que. comme fes Caracteres par mille cho. . fes exterieures qu'ils font remarquer dans l'homme, par les actions paroles & fes démarches, apprennent quel eft fon fond, & font remonter jufques à la fource de fon deregle- . ment; tout au contraire les noveaux Caracteres déployant d'abord les pen- . fées,, les fentimens & les mouvemens des hommes, découvrent le principe de leur malice & de leurs foibleffes,, font que l'on prévoit aisément tout ce qu'ils font capables de dire ou de faire, & qu'on ne s'étonne plus de mille actions vicieufes ou frivoles dont leur vie eft toute remplie..

Il faut avouer que fur les titres de ces deux ouvrages l'embaras s'eft trouvé prefque égal;pour ceux qui partagent le dernier,s'ils ne plaifent point allez, l'on permet d'en fuppléer d'autres : Mais à l'égard des titres des Cara, Aeres eres de Theophrafte, la même liber

té n'eft pas accordée,parce qu'on n'eft point maitre du bien d'autruy, il a fallu fuivre l'efprit de l'auteur, & les traduire felon le fens le plus proche de la diction Grecque, & en mefme temps felon la plus exacte conformité avec leurs Chapitres, ce qui n'eft pas une chofe facile, parce que fouvent la fignification d'un terme Grec traduit en François mot pour mot n'eft plus la méme dans noftre langue; par exemple, ironie eft chez

nous une raillerie dans la converfation, ou une figure de Rethorique, & chez Theophrafte c'eft quelque chofe entre la fourberie & la diffimulation, qui n'eft pourtant ni l'un ni l'autre, mais precifément ce qui eft décrit dans le premier chapitre.

Et d'ailleurs les Grecs ont quelque fois deux ou trois termes affez differens pour exprimer des chofes qui le font auffi, & que nous ne fcaurions. gueres rendre que par un feul mot ; cette pauvreté embaraffe. En effet l'on remarque dans cette ouvrage Grec trois efpeces d'avarice, deux fortes d'importuns, des flatteurs de deux manieres, & autant de grands parleurs ;

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