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prit, pour le rendre plus prefent & plus attentif à ce qui va fuivre moins que d'ailleurs elles ne foient fenfibles, familieres, inftructives, accommodées au fimple peuple qu'il n'eft pas permis de negliger, le Lecteur peut les condamner, & l'Auteur les doit profcrire; voilà la regle: il y en a une autre, & que j'ay interêt que l'on veüille fuivre ; qui eft de ne pas perdre mon titre de veüe, & de penfer toûjours, & dans toute la lecture de cet ouvrage, que ce font les caracteres ou les mœurs de ce fiecle que je décris: aprés cette précaution fi neceffaire, & dont on penetre affez les confequences, je crois pouvoir protefter contre tout chagrin, toute plainte, toute maligne inter pretation, toute faulle application & toute cenfure; contre les froids plaifans & les Lecteurs mal intentionnez: il faut fçavoir lire, & enfuite fe taire, ou pouvoir rapporter ce qu'on a lû,& plus ny ny moins que ce qu'on a lû; & fi on le peut quelquefois, ce n'eft pas allez, il faut encore le vouloir faire; fans ces conditions qu'un auteur exact & fcrupuleux eft en droir

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d'exiger de certains efprits pour l'u nique recompenfe de fon travail, je doute qu'il doive continuer d'écrire, s'il préfere du moins fa propre fatisfaction à l'utilité de plufieurs & au zele de la verité. J'avoue d'ailleurs que j'ay balancé dés l'année derniere & avant la cinquième édition : entre l'impatience de donner à mon livre: plus de rondeur & plus de forme par de nouveaux caracteres, & la crainte de faire dire à quelques-uns,ne finiront-ils point ces Caracteres ne verrons - nous jamais. autre chofe de cet Ecrivain? Des gens fages me difoient d'une par, la matiere eft folide, utile, agreable, inépuifable, vivez long-temps, & traitez-la fans interruption pendant que vous vivray que pourriez-vous faire de mieux; il n'y a point d'année que les Folies des hommes ne puiffent vous fournir un volume ; d'autres avec beaucoup de raifon me faifoient redouter les caprices de la multitude & la legereté du public, de qui j'ay neanmoins de fi grands fujets d'eftre content, & ne manquoient pas de me fuggerer que perfonne pre que

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depuis trente années ne lifant plus que pour lire, il falloit aux hommes. pour les amufer, de nouveaux chapitres & un nouveau titre, que cette indolence avoit rempli les boutiques. & peuplé le monde depuis tout ce temps de livres froids & ennuyeux, d'un mauvais ftile & de nulle reffource, fans regles & fans la moindre jufteffe, contraires aux mœurs & aux bienfeances, écrits avec précipitation, & lûs de mefme, feulement par leur nouveauté ; & que fi je ne fçavois qu'augmenter un livre raifonna le, le mieux que je pouvois faire, eftoit de me repofer: je pris alors quelque chofe de ces deux avis fi oppofez, & je garday un temperament qui les rapprochoit ; je ne feignis point d'ajoûter quelques nouvelles remarques à celles qui avoient déja groffi du double la premiere édition de mon ouvrage : mais afin que le public ne fut point obligé de parcourir ce qui étoit ancien pour paffer à ce qu'il y avoit de nouveau & qu'il trouvât fous fes yeux ce qu'il avoit feulement envie de lire, je pri foin de luy defigner cette fecond

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augmentation par une marque particuliere je crus auffi qu'il ne feroit' pas inutile de luy diftinguer la premiere augmentaion par une autre marque* plus fimple, qui fervit à luy montrer le progrés de mes Caracterés, & à aider fon choix dans la lecture qu'il en voudroit faire : & comme il pouvoit craindre que ce progrés n'allât à l'infini, j'ajoûtois à toutes ces exactitudes une promeffe fincere de ne plus rien hazarder en ce genre. Que fi quelqu'un m'accufe d'avoir manqué à ma parole en inferant dans cette fixième édition un trespetit nombre de nouvelles remarques, que j'avoue ingenuëment n'avoir pas eu la force de fupprimer ? il verra du moins qu'en les confondant avec les anciennes par la fuppreffion entiere de ces differences, qui fe voient par apoftille, j'ay moins pensé à luy faire lire rien de nouveau, qu'à laiffer peut-être un ouvrage de mœurs, plus complet,plus fini & plus regulier à la pofterité. Ce ne font point au refte des maximes que j'aye voulu écrire;elles font comme des loix dans la morale, & j'a

vouë que je n'ay ny affez d'autorité ny affez de genie pour faire le Legiflateur: je fçay mefme que j'aurois peché contre l'ufage des maximes, qui veut qu'à la maniere des oracles elles foient courtes & concifes; quelques-unes de ces remarques le font, quelques autres font plus étenduës: on penfe les chofes d'une maniere differente, & on les explique par un tour auffi tout different; par une fentence, par un raisonnement, par une metaphore ou quelque autre figure, par un parallelle, par une fimple comparaifon, par un fait tout entier › par un feul trait. par une defcription, par une peinture; de là procede la longueur ou la briéveté de mes reflexions: ceux enfin qui font des maximes veulent eftre crûs: je confens au contraire que l'on dife de moy que je n'ay pàs quelquefois bien remarqué, pourvû que l'on remarque mieux,

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