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autres, qu'ils euffent des raisons claires,& de ces argumens qui emportent conviction.

Je voudrois voir un homme,fobre, moderé, chafte, équitable prononcer qu'il n'y a point de Dieu; il parleroit du moins fans intereft, mais cet hom me ne fe trouve point.

J'aurois une extrême curiofité de voir celuy qui feroit perfuadé que Dieu n'eft point; il me diroit du moins la raifon invincible qui a sçû le convaincre.

¶ L'impoffibilité où je fuis de prou-ver que Dieu n'eft pas, me découvre fon existence.

Dieu condamne & punit ceux qui l'offenfent, feul Juge en fa propre caufe, ce qui repugne s'il n'eft luy-mefme la Justice & la Verité, c'est à dire s'il n'eft Dieu.

Je fens qu'il y a un Dieu, & je ne fens pas qu'il n'y en ait point, cela me fuffit, tout le raifonnement du monde m'eft inutile; je conclus Dieu existe cette conclufion eft dans ma nature; j'en ay reçû les principes trop aifément dans mon enfance, & je les ay confervez depuis trop

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naturellement dans un âge plus avancé, pour les foupçonner de fauffeté : inais il y a des efprits qui fe défont de ces principes; c'eft une grande queftion s'il s'en trouve de tels; & quand il feroit ainfi, cela prouve feulement,qu'il y a des monftres.

L'atheifine n'eft point:les Grands qui en font le plus foupçonnez, font trop pareffeux pour décider en leur efprit que Dieu n'eft pas; leur indolence va jufqu'à les rendre froids & indifferens fur cet article fi capital, comme fur la nature de leur ame, & fur les confequences d'une vraie Re-ligion : ils ne nient ces chofes, ni ne les accordent ; ils n'y penfent point.

Les hommes font-ils affez bons affez fideles, affez équitables, pour meriter toute noftre confiance, & ne pas faire defirer du moins que Dieu exiftât, à qui nous puffions appeller de leurs jugemens & avoir recours quand nous en fommes perfecutez ou trahis.

Si c'eft le grand & le fublime de la religion qui éblouit, ou qui confond les efprits forts, ils ne font plus

des efprits forts, mais de foibles genies & de petits efprits; & c'eft au contraire ce qu'il y a d'humble & de fimple qui les rebutte, ils font à la verité des efprits forts, & plus forts que tant de grands Hommes fi éclairez, fi élevez, & neanmoins fi fideles, que les LEONS, les BASILES, les JERÔMES, les AUGUSTINS.

Un Pere de l'Eglife, un Docteur de l'Eglife, quels noms quelle trifteffe dans leurs écrits! quelle fechereffe, quelle froide devotion, & peuteftre, quelle fcholaftique ! difent ceux qui ne les ont jamais lûs: mais plûtost quel étonnement pour tous ceux qui fe font fait une idée des Peres fiéloignée de la verité ! s'ils voyoient dans leurs ouvrages plus de tour & de délicateffe, plus de politelle & d'efprit, plus de richeffe d'expreffion & plus de force de raisonnement, des traits plus vifs & des graces plus naturelles, que l'on n'en remarque dans la plûpart des livres de ce temps, qui font. lûs avec goût, qui donnent du nom & de la vanité à lenrs Auteurs. Quel plaifir d'aimer la Religion, & de la voir crûë foûtenue, expliquée par

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de fi beaux genies & par de fi folides efprits; fur tout lorfque l'on vient à connoiftre,que pour l'étendue de connoiffance, pour la profondeur & la penetration , pour les principes de la pure Philofophie, pour leur application & leur développement, pour la jufteffe des conclufions, pour la dignité du difcours, pour la beauté de la morale & des fentimens, il n'y a rien par exemple, que l'on puiffe comparer à S. AUGUSTIN, que PL ATON, & que CICERON.

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Toute Mufique n'est pas propre à louer Dieu, & a eftre entenduë dans le fanctuaire; toute Philofophie ne parle pas dignement de Dieu de de fa puillance, des principes de fes operations, & de fes mifteres plus cette Philofophie eft fubtile, & ideale, plus elle eft vaine & inutile pour expliquer des chofes, qui ne demandent des hommes qu'un fens droit pour eftre connues jufques à un certain point, & qui au delà font inexplicables vouloir rendre raison de Dieu, de fes perfections, & fi j'ofe ainfi parler,de fes actions, c'eft aller plus loin que les anciens Philofo

phes, que les Apoftres, que les premiers Docteurs, mais ce n'eft pas rencontrer fi jufte; c'eft creufer longtemps & profondément, fans trouver les fources de la verité : dés qu'on a abandonné les termes de bonté, de mifericorde, de juftice & de toutepuiffance, qui donnent de Dieu de fi hautes & de fi aimables idées, quelque grand effort d'imagination qu'on puifle faire, il faut recevoir les expreffions feches, fteriles, vuides de fens, admettre les penfées creufes, écartées des notions communes, ou tout au plus les fubtiles & les ingenieuses; & à mefure que l'on acquiert d'ouverture dans une nouvelle Metaphyfique, perdre un peu de fa Religion.

Jufques où les hommes ne fe portent-ils point par l'intereft de la Religion, dont ils font fi peu perfuadez, & qu'ils pratiquent fi mal.

Cette mefme Religion que les hommes défendent avec chaleur & avec zele contre ceux qui en ont une toute contraire ils l'alteront euxmefmes dans leur efprit par des fentimens particuliers, ils y ajoutent, &

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