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LE

DE LA CHAIRE.

E difcours Chrétien eft devenu un spectacle; cette tristesse Evangelique qui en eft l'ame ne s'y remarque plus; elle eft fuppleée par les avantages de la mine, par les infexions de la voix, par la regularité du gefte, par le choix des mots, & par les longues énumerations: on n'écoute plus ferieufement la parole fainte; c'eft une forte d'amufement entre mille autres, c'est un jeu où il l'émulation & des parieurs.

Y

a de

L'Eloquence profane eft tranf pofée,pour ainfi dire, du Barreau où LE MAISTRE, PUCELLE,& FOUR CROY l'ont fait regner, où elle n'eft plus d'usage, à la Chaire où elle ne doit pas eftre.

L'on fait affaut d'Eloquence jufques au pied de l'Autel, & en la prefence des Mysteres, celui qui écou te s'établit Juge de celuy qui prêche, pour condamner ou pour applaudir; & n'eft pas plus converti par le difcours qu'il favorife,qué par celuy au

quel il eft contraire. L'Orateur plaît aux uns, déplaît aux autres, & convient avec tous en une chofe, que comme il ne cherche point à les rendre meilleurs, ils ne pensent pas auf

fi à le devenir.

Un apprentif eft docile, il écoute fon Maître, il profite de fes leçons, & il devient Maitre : l'homme indocile critique le difcours du Predicateur, comme le livre du Philofophe; & il ne devient ny Chrétien, ny raifonnable.

n? le tour new 'g Jufqu'à ce qu'il revienne un homme,qui avec un style nourri des faintes Ecritures, explique au peuple la parole divine uniment & familierement, les Orateurs & les Declamateurs feront fuivis,

Les citations profanes, les froides allufions, le mauvais pathetique, les antithefes, les figures outrées ont fini; les portraits finiront, & feront place à une fimple explication de l'Evangile jointe aux mouvemens qui infpirent la conversion.

Il y a moins d'un fiecle qu'un livre François étoit un certain nombre de pages Latines, où l'on décou

vroit quelques lignes ou quelques mots en nôtre langue. Les paffages, les traits & les citations n'en étoient pas demeuré là; Ovide & Catulle achevoient de decider des mariages & des teftainens, & venoient avec les Pandectes au fecours de la veuve & des pupilles : le facré & le profane ne fe quittoient point, ils s'étoient glif fez enfemble jufques dans la chaire; S. Cyrille, Horace, S. Cyprien, Lucrece parloient alternativement, les Poëtes étoient de l'avis de faint Auguftin & de tous les Peres; on parloit Latin & long-temps devant des femmes & des Marguilliers, on a on a parlé Grec: il falloit fçavoir prodigieufement pour prêcher fi mal. Autre temps,autre ufage, le texte eft encore Latin, tout le difcours eft François & d'un beau François, l'Evangile mesme n'eft pas cité : il faut fçavoir aujourd'huy tres-peu de chofe pour bien prêcher.

le p.souanin

C'est avoir de l'efprit que de plaibouin & re au peuple dans un Sermon par un au p. ftyle fleuri une morale enjoüée, des de la i've figures reïterées, des traits brillans & de vives descriptions; mais ce n'est

point en avoir affez. Un meilleur efprit neglige ces ornemens étrangers, indignes de fervir à l'Evangile;il préche fimplement, fortement, chrériennement.

P L'Orateur fait de fi belles images de certains defordres, y fait entrer des circonftances fi delicates, met tant d'efprit, de tour & de raffinement dans celuy qui peche; que fi je n'ay pas de pente à vouloir reffembler à ses portraits, j'ay befoin du moins que quelque Apoftre avec un ftyle plus Chrétien, me dégoûte des vices dont l'on m'avoit fait une peinture fi agreable.

Un beau Sermon eft un discours oratoire qui eft dans toutes fes regles, purgé de tous fes défauts, conforme aux preceptes de l'Eloquence humaine, & paré de tous les ornemens de la Rhetorique; ceux qui entendent finement n'en perdent pas le moindre trait, ni une feule pensée; ils fuivent fans peine l'Orateur dans toutes les énumerations où il fe promene, comme dans toutes les élevations où il fe jette: ce n'eft une énigme que pour le peuple.

Le

on les Mœurs de ce fiecle.

$53.

Le folide & l'admirable difcours que celuy qu'on vient d'entendre ! les points de religion les plus effentiels, comme les plus preffans motifs de converfion y ont efté traitez; quel grand effet n'a-t'il pas dû faire fur l'efprit & dans l'ame de tous les Auditeurs? les voilà rendus, ils en font émus, & touchez au point de refoudre dans leur cœur fur ce Sermon de Theodore, qu'il eft encore plus beau que le dernier qu'il a prêché.

La morale douce relâchée tom be avec celuy qui la prêche; elle n'a rien qui réveille & qui pique la curiofité d'un homme du monde, qui craint moins qu'on ne penfe une do&rine fevere , & qui l'aime mefme dans celuy qui fait fon devoit en l'annonçant il femble donc qu'il y ait dans l'Eglife comme deux états qui doivent la partager; celuy de dire la verité dans toute fon étenduë fans égards, fans déguisement; celuy de l'écouter avidement, avec goût, avec admiration, avec éloges, & de n'en faire cependant ni pis ni mieux.

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L'on peut faire ce reproche à l'heroïque vertu des grands hommes,

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l'abbé Boileau

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