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Inftruire de fes Myfteres.

trer dans la chambre d'une femme qui eft en couche : & lors qu'il luy arrive d'avoir pendant fon fommeil quelque vifion, il va trouver les interpretes des fonges, les devins, & les Augures, pour fçavoir d'eux à quel Dieu ou à quelle Deeffe il doit facrifier: il eft fort exact à visiter fur la fin de chaque mois les Prêtres d'Orphée pour fe faire initier dans fes myfteres; il y mene fa femme, ou fi elle s'en excufe par d'autres foins,il y fait conduire fes enfans par une nourrice: lors qu'il marche par la ville, il ne manque gueres de fe laver toute la tête avec l'eau des fontaines qui font dans les places : quelquefois il a recours à des Prêtreffes qui le purifient d'ume autre maniere, en liant & étendant autour de fon corps un petit chien, ou de la *Effece d'oi- *fquille. Enfin s'il voit un homme frappé os marins. d'épilepfic, faifi d'horreur,il crache dans fon propre fein comme pour rejetter le malheur de cette rencontre.

DE L'ESPRIT CHAGRIN.

'Efprit chagrin fait que l'on n'eft jamais content de perfonne, & que l'on fait aux auttes mille plaintes fans fondement. Si quelqu'un fait un feftin, & qu'il fe fouvienne d'envoyer un plat à un homme de cette humeur, il ne reçoit de

C'a été la contume des Juifs & d'autres peuples Orientaux, des G;ecs & des Romains.

luy pour tout remerciement que le reproche d'avoir été oublié; je n'étois pas digne,dit cet efprit querelleux,de boire de só vin, ni de manger à fa table: tout luy eft fufpect jufques aux careffes que luy fait fa maîtreffe; je doute fort,luy dit-il, que vous foyez fincere, & que toutes ces demonftrations d'amitié partent du cœur. Aprés une grande fechereffe venant à pleuvoir, comme il ne peut fe plaindre de la pluye, il s'en prend au Ciel de ce qu'elle n'a pas commencé plûtôt:fi le hazard luy fait voir une bourfe dans fon chemin, il s'incline,il y a des gens, ajoute-t-il, qui ont du bonheur, pour moy je n'ay jamais eu celuy de trouver un trefor: une autre fois ayant envie d'un efclave, il prie jnftamment celuy à qui il appartient d'y mettre le prix;& dés que celuy-cy vaincu parfes importunitez le luy a vendu, il fe repent de l'avoir acheté; ne fuis-je pas trompé, demande-t-il, & exigeroit-on fi peu d'une chofe qui feroit fans defauts ? à ceux qui luy font les complimens ordinaires fur la naissance d'un fils, & fur l'augmentation de fa famille, ajoûtez, leur dit-il, pour ne rien oublier, fur ce que mon bien est diminüé de la moitié.Un homme chagiin aprés avoir eu de fes Juges ce qu'il demandoit, & l'avoir emporté tout d'une voix fur fon adversaire, fe plaint encore de celuy qui a crit ou parlé pour luy de ce qu'il n'a pas touché les meilleurs moyens de fa cause ou lorf

que

fes amis ont fait enfemble une certaine fomme pour le fecourir dans un befoin preffant, fi quelqu'un l'en felicite,il & le convie à mieux efperer de la fortune, comment, luy répond-il, puis je être fenfible à la moindre joye, quand je penfe que je dois rendre cet argent à chacun de ceux qui me l'ont prêté, & n'être pas. encore quitte envers eux de la reconnoiffance de leur bienfait ?

DE LA DEFIANCE.

'Esprit de défiance nous fait croireque tout le monde eft capable de nous tromper. Un homme défiant, par exem-. ple, s'il envoye au marché l'un de fes domeftiques pour y acheter des provisions, il le fait fuivre par un autre qui doit luy rapporter fidellement combien elles ont coûté; fi quelquefois il porte de l'argent fur foy dans un voyage, il calcule à * six cens chaque ftade * qu'il fait, pour voir s'il a fon compte une autrefois étant couché avec fa femme il luy demande fi elle a remarqué que fon coffre fort fût bien fermé, fi fa caffette eft toûjours fcellée, & fi on a eu foin de bien fermer la porte du vestibule; & bien qu'elle affure que tout est en bon état,l'inquietude le prend, il fe leve du lit, va en chemife & les pieds nuds avec la lampe qui brûle dans fa chábre, vifiter luy-même tous les endroits

as.

*

de fa maison, & ce n'eft qu'avec beaucoup de peine qu'il s'endort aprés cette recherche. Il mene avec luy des témoins quand il va demander fes arrerages, afin qu'il ne prenne pas un jour envie à fes debiteurs de luy denier fa dette: ce n'eft point chez le foulon qui paffe pour le meilleur ouvrier, qu'il envoye teindre fa robe, mais chez celuy qui confent de ne point la recevoir fans donner caution. Si quelqu'un fe hazarde de luy emprunter quelques vafest, il les luy refufe fouvent, ou s'il les D'or 00 accorde, il ne les laiffe pas enlever qu'ils d'argent. ne foient pefez,il fait fuivre celuy qui les Ce qui fe lit emporte,& envoye dés le lendemain prier entre les deux qu'on les luy renvoye *. A-t-il un efclave pas dans le qu'il affectionne & qui l'accompagne dans Grec, où le la ville,il le fait marcher devant luy, de peur que s'il le perdoit de vue il ne luy il eft fupplé échapât & ne prit la fuite: à un homme par quelques. qui emportant de chez luy quelque chofe que ce foit,luy diroit ; eftimez cela, & mettez-le fur mon compte, il répondroit qu'il faut le laiffer où on l'a pris, & qu'il a d'autres affaires › que celle de courir aprés fon argent.

D'UN VILAIN HOM ME.

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E caractere fuppofe toûjours dans un homme une extrême mal propreté,& une negligence pour fa perfonue qui paf Le dans l'excez,& qui bleffe ceux qui s'en

étoiles, n'eft

fens eft inter

rompu, mais

interpretes.

apperçoivent. Vous le verrez quelquefois tout couvert de lepre, avec des ongles longs & mal propres, ne pas laiffer de fe méler parmi le monde, & croire en étre quitte pour dire que c'est une maladie de famille, & que fon pere & fon ayeul y étoient fujets:il a aux jainbes des ulceres; on luy voit aux mains des poireaux & d'autres faletez qu'il neglige de faire guerir;ou s'il péfe à y remedier,c'eft lorfque le mal aigri par le temps, eft devenu incurable:il eft heriffé de poil fous les aiffelles & par tout le corps,comme une bête fauve; il a les dents noires, rongées & telles que fon abord ne fe peut fouffrir. Ce n'eft pas tout, il crache ou il fe mouche en mangeant, il parle la bouche pleine, fait en bûvant des chofes contre la bienfeance, ne fe fert jamais au bain que d'une huile fent mauvais, & ne paroît guequi res dans une affemblée publique qu'avec une vieille robe & toute tachée. S'il eft obligé d'accompagner fa mere chez les Devins, il n'ouvre la bouche que pour dire des chofes de mauvaise augure † : Une autrefois dans le Temple & en faiCeremonies fant des libations *, il luy échapera des cù l'on répandoit du vin mains une coupe ou quelque autre vase Ou du lait & il rira enfuite de cette avanture, comdans les facrifices. me s'il avoit fait quelque chofe de mer

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Les Anciens avoient un grand égard pour les paroles qui étoient proferées, même par hazard par ceux qui venoient confulter les Devins & les Augures, prier ou facrifier dans les Temples.

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