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la poffede. Que fert en effet au bien des peuples, & à la douceur de leurs jours, que le Prince place les bornes de fon empire au delà des terres de fes ennemis, qu'il faffe de leurs Souverainetez des Provinces de fon Royaume; qu'il leur foit également fuperieur par les fieges & par les batailles, & qu'ils ne foient devant luy en feureté ny dans les plaines, ny dans les plus forts baftions: que les nations s'appellent les unes les autres, fe liguent ensemble pour fe défendre & pour l'arréter: qu'elles fe liguent en vain, qu'il marche toûjours, & qu'il triomphe toûjours : que leurs dernieres efperances foient tombées par le raffermiffement d'une fanté qui donnera au Monarque le plaifir de voir les Princes fes petit-fils foûtenir ou accroître fes deftinées,fe mettre en campagne, s'emparer de redoutables fortereffes, & conquerir de nouveaux Etats; commander de vieux & experimentez Capitaines, moins par leur rang de conseigar leur naiffance, que par leur genie & leur fageffe, fuivre les traces auguftes de leur victorieux pere, imiter

&

fa bonté, fa docilité, fon équité, fa vigilance, fon intrepidité; que me ferviroit en un mot, comme à tout le peuple, que le Prince fût heureux & comblé de gloire par luy-même & par les fiens; que ma patrie fût puiffante & formidable, fi trifte & inquiet, j'y vivois dans l'oppreffion ou dans l'indigence; fi à couvert des courses de l'ennemi, je me trouvois expofé dans les places ou dans les rues d'une ville au fer d'un affaffin, & que je craigniffe moins dans l'horreur de la nuit d'eftre pillé ou malfacré dans d'épaiffes forefts, que dans fes carrefours; fi la feureté, l'ordre & la propreté ne rendoient pas le fejour des villes fi délicieux, & n'y avoient pas amené avec l'abondance, la douceur de la focieté ; fi foible & feul de mon parti j'avois à fouffrir dans ma metairie du voifinage d'un Grand, & fi l'on avoit moins pourvû à me faire juftice de fes entreprises; fi je n'avois pas fous ma main autant de maîtres & d'excellens maîtres pour élever mes enfans dans les fciences ou dans les arts qui feront un jour leur établitlement; fi par la facilité du

commerce il m'étoit moins ordinaire de m'habiller de bonnes étoffes > & de me nourrir de viandes faines, & de les acheter peu: fi enfin par les foins du Prince je n'étois pas aufi content de ma fortune qu'il doit luy-même par fes vertus l'eftre de la

fienne?

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Il y a peu de regles generales & de mefures certaines pour bien gouverner; l'on fuit le temps & les conjonctures, & cela roule fur la prudence & fur les veuës de ceux qui regnent; auffi le chef-d'œuvre de l'efprit, c'eft le parfait gouvernement; & ce ne feroit peut eftre pas une chofe poffible, files peuples par l'habitude où ils font de la dépendance & de la foûmiffion ne faifoient la moitié de l'ouvrage.

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Sous un tres-grand Roi ceux qui tiennent les premieres places n'ont que des devoirs faciles, & que l'on remplit fans nulle peine tout coule de fource ; l'autorité & le genie du Prince leur applaniffent les chemins, leur épargnent les difficultez, & font tout profperer au delà de leur attente, ils ont le merite de fubalP iij

ternes.

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le Roy

kmeome

?

pour

! Si c'eft trop de fe trouver chargé d'une feule famille, fi c'eft affez d'avoir à répondre de foy feul, quel poids, quel accablement que celuy de tout un Royaume ! Un Souverain eft-il payé de fes peines par le plaifir que femble donner une puiffance abfolue, par toutes les profternations du Courtifan Je fonge aux penibles, douteux & dangereux chemins qu'il eft quelquefois obligé de fuivre arriver à la tranquillité publique, je repaffe les moyens extrêmes,mais neceffaires, dont il ufe fouvent pour une bonne fin; je fçay qu'il doit répondre à Dieu mefme de la felicité de fes peuples, que le bien & le mal eft en fes mains, & que toute ignorance ne l'excufe pas; & je me dis à moy-même, voudrois je regner; Un homme un peu heureux das une condition privée devroit-il y renoncer pour une Monarchie; n'eft-ce pas beaucoup pour celuy qui fe trouve en place par un droit hereditaire, de Tupporter d'eftre né Roy ?

Que de dons du Ciel ne faut-il pas pour bien regner. Une naiffance augufte, un air d'empire &

d'autorité, un vifage qui rempliffe la curiofité des peuples empreffez de voir le Prince, & qui conferve le respect dans le Courtisan. Une parfaite égalité d'humeur, un grand éloignement pour la raillerie piquante, ou affez de raison pour ne fe la permettre point; ne faire jamais ni menaces, ni reproches, ne point ceder à la colere, & eftre toûjours obeï. L'efprit facile,infinuant; le cœur ouvert, fincere, & dont ont croit voir le fond, & ainsi tres-propre à fe faire des amis, des creatures & des alliez; eftre fecret toutefois, profond & impenetrable dans fes motifs & dans fes projets. Du ferieux & de la gravité dans le public, de la briéveté, jointe à beaucoup de jufteffe & de dignité, foit dans les réponses aux Ambaffadeurs des Princes, foit dans les Confeils. Une maniere de faire des graces, qui eft comme un fecond bien-fait, le choix des perfonnes que l'on gratifie; le difcernement des efprits, des talens & des complexions pour la diftribution des poftes & des emplois ; le choix des Generaux & des Miniftres. Un juge

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