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grands, & que nous fommes petits, & qu'il y en a d'autres plus petits que nous, qui nous honorent.

A la Cour, à la Ville mefine paffions, mefmes foibleffes, mefines petiteffes, mefines travers d'efprit mefines broüilleries dans les famikles & entre les proches, mefmes envies, mefmes antipathies: par tout des brus & des belles-meres, des maris & des femmes, des divorces, des ruptures, & de mauvais raccommodemens par tour des humeurs, des coleres, des partialitez, des rapports, & ce qu'on appelle de mauvais difcours avec de bons yeux on voit fans peine la petite ville, la ruë Saint Denis comme transportées à V** ou à F***. Icy l'on croit fe hair avec plus de fierté & de hauteur, & peut-eftre avec plus de dignité; on fe nuit reciproquement avec plus d'habileté & de fineffe, les colères font plus éloquentes, & l'on fe dit des injures plus poliment & en meilleurs terines l'on n'y blefle point la pureté de la langue, l'on n'y offenfe que les hommes ou que leur reputation, tous les de hors du

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vice y font fpecieux; mais le fond encore une fois y eft le mefme que dans les conditions les plus ravalées; tout le bas, tout le foible & tout l'indigne s'y trouvent ces hommes fi grands ou par leur nailfance, ou par leur faveur, ou par leurs dignitez ; ces teftes fi fortes & fi habiles; ces femmes fi polies & fi fpirituelles, tout méprisent le peuple,& ils font peuple.

Qui dit le peuple dit plus d'une chofe; c'est une vafte expreffion, & l'on s'étonneroit de voir ce qu'elle embraffe, & jufques où elle s'étend : il y a le peuple qui eft oppofé aux Grands, c'eft la populace & la multitude; il y a le peuple qui eft oppofé aux fages, aux habiles & aux vertueux, ce font les Grands comme les petits.

Les Grands fe gouvernent par fentiment, ames oifives fur lesquelles tout fait d'abord une vive imprefbon: une chose arrive, ils en parlent trop; bientôt ils en parlent peu; enfuite ils n'en parlent plus, & ils n'en parleront plus: action, conduite, ouvrage, évenement, tout eft oublié; ne leur demandez ny corre

tion,ny prévoyance, ny reflexion, ny reconnoillance, ny recompense.

L'on fe porte aux extremitez oppofées à l'égard de certains perfonnages; la fatire aprés leur mort court parmy le peuple; pendant que les voutes des Temples retentiffent de leurs éloges; ils ne meritent quelquefois ny libelles, ny difcours funebres; quelquefois auffi ils font dignes de tous les deux.

L'on doit fe taire fur les Puiffans; il y a prefque toûjours de la flatterie à en dire du bien ; il y a du peril à en dire du mal pendant qu'ils vivent, & de la lâcheté quand ils font

morts.

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DE LA REPUBLIQUE.

Uand l'on parcourt fans la prévention de fon païs toutes les formes de gouvernement, l'on ne fçait à laquelle fe tenir; il y a dans toutes le moins bon, & le moins mauvais. Ce qu'il y a de plus rai fonnable & de plus feur, c'eft d'eftimer celle où l'on eft né la meilleure de toutes, & de s'y foûmetre.

Il ne faut ny art ny science pour exercer la tyrannie; & la politique qui ne confifte qu'à répandre le fang eft fort bornée & de nul raffinement; elle infpire de tuer ceux dont la vie eft un obftacle à nôtre ambition; un homime né cruel fait cela fans peine. C'est la maniere la plus horrible & la plus groffiete de fe maintenir, ou de s'agrandir.

C'est une politique feure & ancienne dans les Republiques, que d'y

laiffer le peuple s'endormir dans les feltes, dans les fpectacles, dans le luxe, dans le fafte, dans les plaifirs dans la vanité & la molleffe; le laiffer fe remplir du vuide, & favourer la bagatelle: quelles grandes démarches ne fait-on pas au defpotique par cette indulgence?

Quand on veut changer & innover dans une Republique, c'est moins les chofes que le temps que l'on confidere: il y a des conjonctures où l'on fent bien qu'on ne fçauroit trop attenter contre le peuple; & il y en a d'autres où il eft clair qu'on ne peut trop le ménager. Vous pouvez aujour d'huy ofter à cette ville fes franchises, fes droits, fes privileges; mais demain ne fongez pas même à reformer fes enfeignes.

Quand le peuple eft en nouve ment, on ne comprend pas par où le calme y peut rentrer ; & quand il eft paifible, on ne voit pas par où le calme en peut fortir.

Il y a de certains maux dans la Republique qui y font foufferts, parce qu'ils préviennent ou empêchent de plus grands maux. Il y a d'autres

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