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vif entre leurs mains ; & lorfque quelqu'un luy dit, mais en verité cela eft-il croyable? il luy replique que cette. nouvelle fe crie & fe répand par toute la ville, que tous s'accordent à dire la méme chofe, que c'eft tout ce qui fe raconte du combat,& qu'il y a eu un grand carnage : Il ajoûte qu'il a lû cet évenement fur le vifage de ceux qui gouvernent,qu'il y a un homme caché chez l'un de ces Magiftras depuis cinq jours entiers,qui revient de la Macedoine, qui a tout veu & qui luy a tout dit: enfuite interrompant le fil de fa narration, que penfez-vous de ce fuccez, demande-t-il à ceux qui l'écoutent ? Pauvre Caffandre, malheureux Prince s'écrie-t-il.d'une maniere touchante! voyez

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que c'est que la fortune, car enfin Ćaffandre étoit puiffant, & il avoit avec luy de grandes forces; ce que je vous dis, pourfuit-il, eft un fecret qu'il faut garder pour vous feul, pendant qu'il court par toute la ville le debiter à qui le veut entendre. Je vous avoue que ces difcurs de nouvelles me donnent de l'admiration, & que je ne conçois pas quelle eft la fin qu'ils fe propofent; car pour ne rien dire de la baffeffe qu'il y a à toûjours mentir je ne vois pas, qu'ils puiffent recueillir le moindre fruit de cette pratique: au contraire, il est arrivé à quelques-uns de fe laiffer voler leurs habits dans un bain public,pendant qu'ils ne fongeoient qu'à rasfembler autour d'eux une foule de peuple,

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*

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& à luy conter des nouvelles : quelques autres aprés avoir vaincu fur mer & fur terre dans le Portique,ont payé l'amende * V. le chap. de la flatte. Four n'avoir pas comparu à une caufe pellée enfin il s'en est trouvé qui le jour même qu'ils ont pris une ville, du moins par leurs beaux difcours, ont manqué de diner. Je ne crois pas qu'il y ait rien de fi miferable que la condition de ces perfonnes; car quelle eft la boutique, quel eft le portique, quel eft l'endroit d'un marché public où ils ne paffent tout le jour à rendre fourds ceux qui les écoutent, où à les fatiguer par leurs menfonges.

C'étoit la coûtume des

Grecs. V. le chap du contretemps.

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Our faire connoître ce vice,il faut di

re que c'eft un mépris de l'honneur dans la vue d'un vil intereft.Un home que l'avarice rend effronté, ofe emprunter une fomme d'argent à celuy à qui il en doit déja, & qu'il luy retient avec injustice. Le jour même qu'il aura facrifié aux Dieux, au lieu de manger* religieufement chez foy une partie des viandes confacrées, il les fait faler pour luy fervir dans plufieurs repas, & va fouper chez l'un de fes amis, & là à table à la vûe de tout le monde, il appelle fon valet qu'il veut encore nourrir aux dépens de fon hôte,& luy coupant un morceau de viande qu'il met fur un

quartier de pain, tenez, mon ami, luy d.t-il, faites bonne chere.Il va luy-même comme le

chez les

au marché acheter des viandes cuites,& menu peuple. avant que de convenir du prix,pour avoir qui achetoit une meilleure compofition du Marchand, fon foupé il le fait reffouvenir qu'il luy a autrefois Chaircutiers. renda fervice: il fait enfuite pefer ces viandes, & il en entaffe le plus qu'il peut; s'il en eft empêché par celuy qui les luy vend, il jette du moins quelque os dans la balance;fi elle peut tout cotenir,ii eft fatisfait, finon il ramaffe fur la table des morceaux de rebut, comme pour fe dédommager, foûrit & s'en va. Une autre fois fur l'argent qu'il aura reçu de quelques étrangers pour leur louer des places au theatre, il trouve le fecret d'avoir fa part franche du fpectacle, & d'y envoyer le lendemain fes enfans & leur precepteut.Tout luy fait envie, il veut profiter des bons marchez, & demande hardiment au premier venu une chofe qu'il ne vient que d'acheter: fe trouve-t il dans une maifon étrangere, il emprunte jufque à l'orge & à la paille, encore faut-il que celuy qui les luy prête, faffe les frais de les faire porter jufques chez luy. Cét effronté en un mot entre fans payer dans un bain public, & là en prefence du baigneur qui crie inutilement contre luy, prenant le premier vafe qu'il rencontre,il le plonge dans une cuve d'airain qui eft remplie d'eau, de la * répand

* Les plus pauvres se lavoient ainsi pour payer

moins.

Les Grecs

Commen

çoient par ces off andes

leurs repas publics.

>

fur tout le corps, me voilà lavé, ajoûtet-il, autant que j'en ay befoin & fans avoir obligation à perfonne,remet fa robe & difparoit.

DE L'ESPARGNE SORDIDE.

C

Ette efpece d'avarice eft dans les hommes une paffion de vouloir ménager les plus petites chofes fans aucune fin honnête. C'est dans cet efprit que quelquesuns recevant tous les mois le loyer de leur maison, ne negligent pas d'aller eux-mêmes demander la moitié d'une obole qui manquoit au dernier payement qu'on leur a fait : que d'autres faifant l'effort de donner à manger chez eux, ne font occupez pendant le repas qu'à compter le nombre de fois que chacun des conviez demande à boire:ce font eux encore dont la portion des premices des viandes que l'on envoye fur l'Autel de Diane, eft toujours la plus petite. Ils appretient les chofes au deffous de ce qu'elles valent, & de quelque bon marché qu'un autre en leur rendant compte veüille fe prévaloir,ils luy foutiennent toûjours qu'il a aheté trop cher. Implacables à l'égard d'un valet qui aura laiffe tomber un pot de terre, ou caffé par malheur quelque vafe d'argile, ils luy déduifent cette perte fur fa nourriture:mais fi leurs femmes ont perdu feulement un denier, il faut alors renverfer toute une

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maifon, déranger les lits, tranfporter des coffres & chercher dans les recoins les plus cachez. Lors qu'il vendent, ils n'ont que cette unique chofe en vûë, qu'il n'y ait qu'à perdre pour celuy qui achete. Il n'eft permis à perfonne de cueillie une figue dans leur jardin, de paffer au travers de leur champ, de ramaffer une petite branche de palmier, ou quelques olives qui feront tombées de l'arbre : ils vont tous les jours fe promener fur leurs terres en remarquent les bornes, voyent l'on n'y a rien changé, & fi elles font toûjours les mêmes. Ils tirent intereft de l'intereft même, & ce n'eft qu'à cette condition qu'ils donnent du temps à leurs creanciers. S'ils ont invité à dîner quelquesuns de leurs amis, & qui ce font que des perfonnes du peuple, ils ne feignent point de leur faire fervir un fimple hachis on les a vûs fouvent aller eux-mêmes au marché pour ces repas,y trouver tout trop cher, & en revenir fans rien acheter: ne prenez pas l'habitude, difent ils à leurs femmes, de prêter vôtre fel, vôtre orage, vôtre farine, ni même du ✶ cumin, de * Vne forte la † marjolaine, des gateaux pour l'Au- d'herbe. *Faits de fatel, du cotton, de la laine,car ces petits rine & détails ne laiffent pas de monter à la fin miel, & qui d'une année à une groffe fomme. Ces ava- Sacrifices. res en un mot, ont des trouffeaux de clefs rouillées dont ils ne fervent point, des

*

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Elle empêche les viandes de fe corrompre, ainfi que le thim & le laurier.

de

fervoient aux

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