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tendres engagemens que l'on nous défend, qu'il eft naturel de defirer du moins qu'ils fuffent permis: de fi grands charmes ne peuvent eftre furpallez que par celui de fçavoir y re

noncer par vertu.

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ON caractere bien fade eft celuy

V de n'en avoir aucun.

J. C'est le role d'un fot d'eftre importun un homme habile fent s'il convient,ou s'il ennuye; il fçait difparoître le moment qui précede celuy où il feroit de trop quelque part.

L'on marche fur les mauvais plaifans, & il pleut par tout pais de cette forte d'infectes: un bon plaifant eft une piece rare; à un homme qui eft né tel, il eft encore fort délicat

d'en foûtenir long-temps le perfonnage; il n'eft pas ordinaire que celui qui fait rire fe faffe eftimer..

Il y a beaucoup d'efprits obfcenes, encore plus de médifans ou de fatiriques, peu de délicats: pour badiner avec grace, & rencontrer heureufement fur les plus petits fujets, il faut trop de manieres, trop de poli

teffe, & même trop de fecondité; c'eft créer que de railler ainfi, & faire quelque chose de rien.

Si l'on faifoit une ferieufe attention à tout ce qui fe dit de froid, de vain & de puerile dans les entretiens. ordinaires, l'on auroit honte de parler ou d'écouter, & l'on fe condamneroit peut-être à un filence perpetuel, qui feroit une chofe pire dans les difcours inuti

le commerce que les. Il faut donc s'accommoder à tous

les efprits; permettre comme un mal

neceffaire le recit des fauffes nouvel

les, les vagues reflexions fur le gouvernement present ou fur l'interêt des Princes, le debit des beaux fen. timens, & qui reviennent toûjours les mêmes; il faut laiffer Aronce parler proverbe, & Melinde parler de foy, de fes vapeurs, de fes migraines, & de fes infomnies..

L'on voit des gens qui dans les converfations ou dans le peu de commerce que l'on a avec eux vous dégoûtent par leurs ridicules expreffions, par la nouveauté, & j'ofe dire par l'improprieté des termes dont ils fe fervent comme par l'alliance de

certains mots qui ne se rencontrent enfemble que dans leur bouche, & à qui ils font fignifier des chofes que leurs premiers inventeurs n'ont jamais eu intention de leur faire dire. Ils ne fuivent en parlant ny la raifon, ny l'ufage, mais leur bizarre genie, que l'envie de toûjours plaifanter, & peut-être de briller, tourne infenfiblement à un jargon qui leur eft propre, & qui devient enfin leur idiôme naturel; ils accompagnent un langage fi extravagant d'un gefte affecté & d'une prononciation qui eft contrefaite. Tous font contents d'eux-mêmes & de l'agrément de leur efprit, & l'on ne peut pas dire qu'ils en foient entierement dénuez, mais on les plaint de ce peu qu'ils en ont, & ce qui eft pire, on en fouffre.

Que dites-vous? comment? je n'y fuis pas vous plairoit-il de recommencer? j'y fuis encore moins ; je devine enfin vous voulez, Acis, me dire qu'il fait froid; que ne difiezvous il fait froid; vous voulez m'apprendre qu'il pleut ou qu'il neige;dites, il pleut, il neige:vous me trou vez bon vifage, & vous defirez de

m'en feliciter, dites, je vous trouve bon visage;mais, répondez-vous, cela eft bien uni & bien clair, & d'ailleurs qui ne pourroit pas en dire autant: qu'importe, Acis, eft-ce un fi grand malheur d'étre entendu quand on parle, & de parler comme tout le monde une chofe vous manque, Acis, à vous & à vos femblables les difeurs de Phoebus Vous ne vous en défiez point, & je vais vous jetter dans l'étonnement; une chofe vous manque, c'est l'efprit; ce n'eft pas tout,il y a en vous une chose de trop, qui eft l'opinion d'en avoir plus que les autres; voilà la fource de vôtre pompeux galimathias, de vos phrafes embrouillées, & de vos grands mots qui ne fignifient rien. Vous abordez cet homme, où vous entrez dans cette chambre, je vous tire par vôtre habit & vous dis à l'oreille, ne fongez point à avoir de l'efprit, n'en ayez point,c'est vôtre rôle ; ayez, fi vous pouvez, un langage fimple, & tel que l'ont ceux en qui vous ne trouvez aucun efprit peut-être alors croira-t-on que vous en avez.

¶ Qui peut fc promettre d'éviter

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