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sition purement idéale; tandis que la supposition se prend pour une proposition ou vraie ou avouée. L'hypothèse est au moins précaire; vous ne direz point, que la chose soit ou puisse être. La supposition est gratuite; vous ne prouvez point que la chose soit ou puisse être. Vous soutenez un système comme hypothèse et non comme thèse; c'est-à-dire que, sans prétendre que le système soit vrai, vous prétendez qu'en le supposant tel, vous expliquerez fort bien ce qui concerne la chose dont il s'agit: vous faites une supposition, comme une proposition vraie ou reçue, établie, accordée, de manière que vous ne la mettez pas en thèse pour la prouver, parce que vous la regardez comme constante ou incontestable. - L'hypothèse est savante; je veux dire que ce mot ne s'emploie qu'en matière de science, en physique, en astronomie, en métaphysique, en logique, etc. La supposition est souvent très-familière ; je veux dire qu'elle entre jusque dans le discours ordinaire ou dans la conversation commune. Vous tàchez d'éclaircir les grands mystères de la nature par des hypothèses, et vos idées particulières par des suppositions sensibles. Enfin hypothèse n'a qu'un sens philosophique, relatif à l'instruction, à l'intelligence, à l'explication des choses. Supposition se prend dans une acception morale, et en mauvaise part: il signifie alors allégation, production fausse, chose feinte ou controuvée pour nuire; ainsi l'on dit supposition de pièces, d'un testament, de nom, de personne, etc. : tant il est vrai que ce mɩt a spécialement rapport à la vérité ou à la réalité des choses. (R.) SUPPUTER. V. Calculer.

SUPRÊME, SOUVERAIN. C'est l'idée de puissance qui forme l'idée distinctive et caractéristique de souverain; tandis que l'idée seule d'élévation, de la plus haute élévation, se trouve dans le mot suprême. Dans quelque genre que ce soit, la chose suprême est ce qu'il y a de plus élevé en fait d'autorité, de puissance, d'influence, d'efficacité, ce qui peut tout, ce qu'il y a de pleinement et absolument efficace, est souverain. Ainsi l'autorité indépendante et absolue fait le souverain et la souveraineté; et sans doute cette autorité est suprême, puisqu'il n'y a point de pouvoir et de droit qui ne soit au-dessous d'elle. Tout est inférieur en rang à ce qui est suprême : tout est soumis à l'influence de ce qui est souverain. Un remède souverain est efficace au suprême degré : on ne dit pas un remède suprême, parce qu'on considère le remède relativement au mal et à la guérison. La loi suprême est la première de toutes les lois : la loi souveraine est la loi de l'obéissance universelle, et le vrai souverain des États. Le bien suprême est le plus grand que vous puissiez obtenir : le souverain bien est celui qui remplit du sentiment de tous les vrais biens toute la capacité de votre âme. (R.) SUR, ASSURÉ, CERTAIN. Soit que l'on considère ces mots dans le sens qui a rapport à la réalité de la chose, ou dans celui qui a rapport à la persuasion d'esprit, leur différence est toujours analogique, comme on le remarquera par les traits suivants, où je les place tantôt

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Certain semble

dans l'un et tantôt dans l'autre de ces deux sens. mieux convenir à l'égard des choses de spéculation, et partout où la force de l'évidence a lieu les premiers principes sont certains, ce que la raison démontre l'est aussi. Sur paraît être très à sa place dans les choses qui concernent la pratique, et dans tout ce qui sert à la conduite: les règles générales sont sûres, ce que l'épreuve vérifie l'est également. Assuré a un rapport particulier à la durée des choses et au témoignage des hommes les fortunes sont assurées, mais légitimes dans tous les bons gouvernements; les événements ne peuvent être mieux assurés que par l'attestation des témoins oculaires ou par l'uniformité des relations. On est certain d'un point de science. On est sûr d'une maxime de morale. On est assuré d'un fait ou d'un trait d'histoire. La justesse du raisonnement consiste à ne poser que des principes certains, pour n'en tirer ensuite que des conclusions nécessaires. La conduite la plus sûre n'est pas toujours la plus louable. La faveur des princes ne fut jamais un bien assuré. L'homme docte doute de tout ce qui n'est pas certain. Le prudent se défie de tout ce qui n'est pas sûr. Le sage abandonne aux préjugés populaires tout ce qui n'est pas suffisamment assuré. (G.)

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SUR ou SOUS LE PRÉTEXTE. V. Prétexte.

SURFACE, SUPERFICIE. Le mot surface est composé de deux mots français; et le mot superficie est fait des deux mots latins correspondants, ce qui lui donne un air un peu plus savant. On dit surface,

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quand on ne veut parler que de ce qui est extérieur et visible, sans aucun égard à ce qui ne paraît point: on dit superficie, quand on a dessein de mettre ce qui paraît au dehors en opposition avec ce qui ne parait pas. De tous les animaux qui couvrent la surface de la terre, il n'y a que l'homme qui soit capable de connaître toutes les propriétés de ce globe et entre les hommes, la plupart n'en aperçoivent que la superficie; il n'y a que l'œil perçant d'un petit nombre de philosophes qui sache en pénétrer l'intérieur. Cette distinction passe de même au sens figuré; et de là vient que l'on dit de ces esprits vains qui, pour se faire valoir en parlant de tout, font des excursions légères dans tous les genres de connaissances sans en approfondir aucun, qu'ils ne savent que la superficie des choses, qu'ils n'en ont que des notions superficielles. (B.)

SURMONTER. V. Vaincre.

SURPASSER. V. Passer.

SURPLUS (AU). V. Demeurant (au).

SURPRENDRE, ÉTONNER; SURPRISE, ÉTONNEMENT. Surprendre, prendre sur le fait, lorsqu'on ne s'y attend pas, à l'improviste, au dépourvu. Étonner, frapper, émouvoir, ébranler par un grand bruit, par une grande cause. Au physique, ce verbe exprime une violente commotion, un fort ébranlement; et l'on dit que les tremblements de terre étonnent les édifices les plus solides. Ainsi la surprise naît de

la présence supite d'un objet inattendu, inopiné, imprévu : l'étonnement naît du coup violent frappé par un objet puissant, extraordinaire, irrésistible. Comme les choses prévues et calculées ne surprennent point, elles n'étonnent pas; par la raison qu'on est préparé, et qu'on s'est prémuni contre. Les choses imprévues ne nous étonnent pas, quoiqu'elles nous surprennent, lorsqu'elles ne sont pas de nature à nous émouvoir fortement. La même chose surprend, comme inattendue; tandis qu'elle étonne, comme éclatante. Dans le cours ordinaire des choses, il arrive beaucoup de surprises; il n'y a de l'étonnement que dans un cours de choses extraordinaire. La commotion est plus forte, la secousse est plus vive, l'impression est plus profonde, l'effet est plus grand et plus durable dans l'étonnement que dans la surprise. Il y a des surprises agréables et légères; mais l'étonnement n'a rien que de grand et de fort. Enfin l'étonnement est une extrème surprise, mêlée de crainte, d'admiration, d'effroi, de ravissement, ou de tout autre sentiment distingué par un caractère de grandeur et de force. Le singulier vous surprend : le merveilleux vous étonne. Vous êtes surpris de la délicatesse d'un travail : vous êtes étonné de la grandeur d'une entreprise. Un trait d'esprit nous surprend: un coup de génie nous étonne. Nous sommes surpris de ce à quoi nons n'avons pas songé nous sommes étonnés de ce que nous ne concevons pas. Si vous avez calculé les possibles, l'événement ne vous surprendra pas: dès que vous connaissez les causes, les effets ne vous étonnent plus. — On dit s'étonner et non se surprendre de quelque chose. Il paraît donc que nous sommes quelquefois actifs dans l'étonnement, et seulement passifs dans la surprise. (R.)

SURPRENDRE, PRENDRE. V. Prendre.

SURPRENDRE, TROMPER, LEURRER, DUPER. Faire donner dans le faux est l'idée commune qui rend synonymes ces quatre mots. Mais surprendre, c'est y faire donner par adresse, en saisissant la circonstance de l'inattention à distinguer le vrai. Tromper, c'est y faire donner par déguisement, en donnant au faux, l'air et la figure du vrai. Leurrer, c'est y faire donner par les appas de l'espérance, en le faisant briller comme quelque chose de très-avantageux. Duper, c'est y faire donner par habileté, en faisant usage de ses connaissances aux dépens de ceux qui n'en ont pas ou qui en ont moins.-Il semble que surprendre marque plus particulièrement quelque chose qui induit l'esprit en erreur; que tromper dise nettement quelque chose qui blesse la probité ou la fidélité; que leurrer exprime quelque chose qui attaque directement l'attente ou le désir; que duper ait proprement pour objet les choses où il est question d'intérêt et de profit. (G.)

SURVEILLER. V. Veiller à.

SUSPICION, SUSPECTER. V. Soupçon
SUSTENTER. V. Nourrir.

T

TACHER. V. Efforcer (s'). TACHER A, TACHER DE. Tâcher à, c'est viser à, tendre à un but, y diriger toutes ses facultés : « Il tâche à me nuire » (Acad.); c'est-à-dire, il vise à me nuire, me nuire est le but qu'il se propose. Tâcher de, c'est s'efforcer de; cette locution exprime les efforts que l'on fait dans l'exécution même, les soins que l'on se donne en faisant la chose, toutes les ressources que l'on emploie à la faire : « Tâchez d'avancer cet ouvrage >>. (Acad.) Ce verbe suit donc, dit Roubaud, la règle générale qui distingue le dessein, le but, l'objet éloigné, par la préposition à; l'acte, l'exécution, la chose présente ou prochaine par la préposition de (75, page 27).

TACITURNE. V. Silencieux.

TACT, TOUCHER, ATTOUCHEMENT. Le tact est proprement le sens qui reçoit l'impression des objets, comme la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat. Le toucher est l'action de ce sens, l'exercice de toucher, palper, manier, ou le sens actif. L'attouchement est l'acte de toucher, de palper, l'application particulière du sens actif ou de l'organe et particulièrement de la main. Par le simple attouchement, vous éprouvez, ou vous produisez vous-même tel effet. - C'est au tact que l'on attribue les qualités distinctives du sens ou de l'organe on dit la finesse, la grossièreté, la délicatesse, du tact. C'est au toucher que vous reconnaissez la qualité des choses: on dit qu'un corps est doux ou rude au toucher. C'est par l'attouchement que vous distinguez les circonstances particulières de tel acte relativement à tel objet : Notre Seigneur guérissait les malades par un simple attouchement. - Le mot attouchement, trop restreint dans l'usage, n'exprime qu'un toucher assez léger, ou simplement l'action douce et légère de tåter, et avec l'intention propre à l'ètre animé; lorsqu'il s'agit de deux corps insensibles, on dit dogmatiquement contact. · Nous disons plutôt tact au figuré, pour exprimer un jugement de l'esprit prompt, subtil, juste, qui semble prévenir le raisonnement et la réflexion, et provenir d'un goût, d'un sentiment, d'une sorte d'instinct droit et sûr. Au physique, nous disons plutôt le toucher, pour exprimer le sens, et nous ne le disons qu'au physique. Nous donnons pour l'ordinaire à l'attouchement un sens moral et mauvais, relatif à la déshonnêteté et à l'impudicité. (R.)

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TAILLE, STATURE. Taille désigne la grandeur, l'étendue figurée, ainsi que la coupe, la configuration, la forme de la chose coupée, taillée, dessinée d'une certaine manière. Stature, mot latin, vient de stare, ètre debout. On est ou d'une taille ou d'une stature haute ou moyenne ou petite mais la taille est noble ou fine, belle ou difforme, bien ou mal prise, svelte ou lourde, etc., et non la stature. Les Patagons et les Lapons sont, quant à la stature, les deux extrèmes de l'es

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pèce humaine; mais la taille des Patagons est bien prise et bien proportionnée; au lieu que celle des Lapons est difforme. -Nous considérons toujours dans la stature toute la hauteur du corps; nous ne considérons quelquefois la taille que dans la configuration du buste distingué du reste, qui n'en est que le piédestal et le couronnement. Aussi nous parlons peu de la stature des femmes, mais beaucoup de leur taille. Nous ne nous servons guère du mot stature qu'en parlant de la grandeur de quelque nation; et nous disons taille lorsqu'il s'agit d'une personne en particulier. (R.)

TAIRE, CELER, CACHER. Taire marque le pur silence qu'on garde sur la chose; celer, le secret qu'on en fait; cacher, le mystère dans lequel on veut s'ensevelir. — Pour taire une chose, il suffit de ne pas la dire, quand il y a occasion d'en parler: pour la celer, il faut non-seulement la taire, mais encore avoir une intention formelle de ne point la manifester, et une attention particulière à ne pas se déceler : pour la cacher, on est obligé non-seulement de la celer, mais mème de la renfermer dans le fond de son cœur, et de s'envelopper de manière qu'elle ne puisse pas être découverte. - Il n'y a qu'à retenir sa langue pour taire ce qu'il ne faut pas dire on a quelquefois besoin de feindre et de dissimuler pour la celer, avec des gens qui cherchent à tirer votre secret: on est souvent réduit au déguisement, à l'artifice, à la tromperie, pour le cacher à des gens pénétrants qui vous sondent et vous retournent de mille manières pour trouver le fond de vos pensées. (R.)

TALENT. V. Génie.

TANDIS QUE. V. Pendant que.

TAPIR (SE), SE BLOTTIR. Se tapir, c'est proprement se cacher, mais derrière quelque chose qui vous couvre, et en prenant une posture raccourcie et resserrée. Blottir paraît exprimer proprement l'action de s'accroupir, de se ramasser, de se rouler sur soi-même.-On se tapit derrière un buisson ou dans un coin, pour n'être point vu: on dit qu'un enfant est tout blotti ou couché en rond dans son lit, et il n'a pas eu l'intention de se cacher. Le froid fait tout naturellement qu'on se blottit, sans avoir le dessein de se tapir. - Je crois donc que l'idée principale de se tapir est de se cacher; et que la manière n'est qu'une idée secondaire; au lieu que cette manière de se ployer en deux ou de se ramasser en un tas, est l'idée première de se blottir, et que celle de se cacher n'est qu'une idée accessoire. Le lièvre se tapit, se renferme dans son gîte : la perdrix se blottit, se pelotonne, pour ainsi dire, devant le chien couchant. (R.)

TAPISSERIE, TENTURE. La tapisserie est faite pour couvrir queluue chose; et la tenture, pour être tendue sur quelque chose. La terminaison du premier de ces mots désigne un genre particulier de travail ou de chose; la terminaison du second, le résultat d'une action ou d'une opération (23, page 8). La tapisserie est tenture en tant qu'elle

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