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.dire être surpris, étonné, comme on l'est quand on tombe de haut : on voit dominer dans toutes ces phrases l'idée d'élévation. On dit figurément : « Une nuée d'hommes, d'oiseaux, d'animaux »; l'idée de quantité est ici dominante. Enfin l'on dit : « Un nuage de poussière» pour marquer l'obscurcissement de l'air par la quantité de poussière qui y est élevée; « Avoir un nuage devant les yeux » pour désigner quelque chose que ce soit qui empêche de voir distinctement; et plus figurément encore; on appelle nuages les doutes, les incertitudes et les ignorances de l'esprit humain. Ici c'est l'idée d'obscurité qui est principalement envisagée. (B.)

NUER, NUANCER. « Assortir, disposer des couleurs de manière qu'il se fasse une diminution insensible d'une couleur à l'autre, ou d'une même couleur, en allant soit du clair à l'obscur, soit de l'obscur au clair ». (Acad.)

En premier lieu, nuer signifie proprement former des nuances sur un fond de couleur, au moyen de différentes couleurs nouvelles : nuancer, c'est assortir les nuances d'une seule couleur, par dégradation de teinte. Secondement, en termes d'industrie, nuer un dessin, c'est y marquer les couleurs que l'ouvrier doit employer dans la fabrication; et nuancer, c'est reproduire fidèlement les nuances du dessin modèle. << Ainsi, dit Roubaud, le dessinateur nue et l'ouvrier nuance. » Troisièmement enfin nuer se dit des couleurs variées que les objets ont naturellement; et nuancer, de la reproduction par l'art de ces mèmes couleurs sur l'imitation de l'objet.

« Nuer ne se dit point au figuré; mais on y dit nuancer, pour désigner la différence fine, délicate, imperceptible, qui se trouve entre les mots, les idées, les mêmes espèces de choses, comme vertus, passions, etc.» (R.)

NUISIBLE. V. Malfaisant.

NUIT. V. Ténèbres.

NUL, AUCUN. Nul, ne ullus, ne unus, pas un, pas un seul; aucun, aliquis unus, quelqu'un 1. Nul porte avec lui sa négation; aucun en attend une pour en devenir le synonyme. Nul a plus de force exclusive que aucun. Nul exclut chacun, chaque individu, chaque chose, d'une manière déterminée, depuis la première jusqu'à la dernière : aucun négatif exclut quelqu'un, celui-ci ou celui-là, une chose et une autre, d'une manière indéterminée. Nul n'ose, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un seul qui ose: aucun d'eux n'ose, c'est-à-dire qu'il ne se trouve pas quelqu'un qui ose. L'homme négatif et sans égards n'a nul égard pour vos prières, il les rejette absolument : l'homme honnête et capable

1. Aucun, autrefois alcun, aulcun, en italien alcuno. Dans tous nos anciens auteurs aucun s'emploie dans le sens de quelqu'un, quelque : Aucuns, se sont trouvés (La Fontaine), c'est-à-dire quelques-uns se sont trouvés; et dans cette phrase de l'Académie : « De tous ceux qui se disaient mes amis, aucun m'a-t-il secouru?» aucun n'a pas d'autre sens que quelqu'un.

d'égards, n'a aucun égard à vos prières dans telle occasion; il ne s'y rend pas. La justice rigoureuse qui ne fait nulle acception des personnes, n'en fera nulle en votre faveur : l'équité, moins sévère, qui fait quelquefois acception des malheureux et des faibles, n'en fera aucune. Vous n'aurez nulle considération, quand vous devrez n'en avoir pas la moindre vous n'en avez aucune, quand vous auriez pu en avoir quelqu'une. Nul ajoute à aucun comme point à pas. Si l'oreille préfère quelquefois aucun à nul, il n'en faut pas moins que la justesse de l'expression l'emporte, dans les cas graves, sur la délicatesse de l'oreille. (R.)

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NUMÉRAL, NUMÉRIQUE. Numéral est un terme de grammaire, et signifie qui désigne un nombre: trois est un adjectif numéral. Numérique est un terme de mathématiques, et signifie qui a rapport aux nombres, qui se fait avec des nombres, qui a lieu entre des nombres : une opération numérique est une opération faite sur des nombres; une différence numérique est celle qui existe entre deux nombres. NUTRITIF. V. Nourrissant.

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OBÉISSANCE, SOUMISSION. L'obéissance est ou l'action de celui qui obéit ou la disposition habituelle à obéir. C'est dans ce dernier sens qu'obéissance et soumission sont synonymes, avec cette différence qu'obéissance marque particulièrement l'habitude d'obéir aux ordres, aux commandements, à mesure qu'ils sont donnés; et que la soumission marque une disposition générale et permanente, non-seulement à exécuter les ordres et les commandements, mais encore à se conformer à toutes les volontés et à toutes les idées des autres, de quelque manière que ces volontés et ces désirs soient connus. C'est par l'obéissance qu'on exécute les ordres qu'on reçoit; c'est par la soumission qu'on est disposé à les exécuter. L'obéissance tombe sur l'action même, la soumission sur la disposition intérieure. On peut obéir sans être soumis, c'est-à-dire sans plier sa volonté à ce qu'on fait; alors l'obéissance est involontaire et forcée. La soumission, au contraire, suppose toujours la disposition à l'obéissance et la promet. (L.)

OBLIGATION. V. Devoir.

OBLIGEANT. V. Serviable.

OBLIGER, CONTRAINDRE, FORCER, VIOLENTER. Obliger, latin obligare, lier tout autour. Contraindre, latin constringere, serrer de tous côtés, étreindre fortement. Forcer, de fer, for (porter, élever) signifie employer des moyens puissants, efficaces par eux-mêmes, qui ôtent ou ravissent. Violenter, de vis, force, avec l'augmentatif ol, marque l'abus et les excès de la force par les mauvais traitements.

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Ainsi l'obligation lie, engage: la contrainte moleste, contrarie: la force emporte, entraîne: la violence maltraite, outrage. L'obligation empèche ou entraîne la liberté; la contrainte la tourmente; la force l'ôte; la violence la viole, si on me permet de le dire. Obliger est un acte de pouvoir, qui impose un devoir ou une nécessité. Contraindre est un acte de persécution ou d'obsession, qui arrache plutôt qu'il n'obtient un consentement. Forcer est un acte de puissance et de vigueur, qui, par son énergie, détruit celle d'une volonté opposée. Violenter est un acte d'emportement ou de brutalité, qui emploie le droit et les ressources du plus fort à dompter une volonté rebelle et opiniâtre. Les préceptes de l'Évangile obligent, dès qu'on est chrétien, mais sans contraindre; car on est libre d'obéir ou de ne pas obéir. Les persécutions d'un importun vous contraignent quelquefois, mais sans vous forcer; car vous pouviez y résister encore. Une puissance irrésistible qui vient sur nous quand nous suivons la direction opposée, nous force à reculer sans nous violenter; car il est naturel que nous nous déterminions, sans attendre la violence, à renoncer à ce que nous ne pouvons pas faire. Un maître inique et absolu qui vous ordonne une chose honteuse ou injuste, vous violentera pour vaincre, par de mauvais traitements, votre résistance, et vous mener au crime malgré vos efforts. On s'oblige soi-même, quand on s'engage. On se contraint, quand on se gène fort. On s'efforce plutôt qu'on ne se force, dans ce qu'on fait avec répugnance. On ne se violente pas; car on ne peut pas vouloir efficacement et faire tout ensemble des choses contraires. (R.)

OBLIGER A, OBLIGER DE. CONTRAINDRE A, CONTRAINDRE DE. FORCER A, FORCER DE. Dans ces locutions la préposition à présente l'exécution de la chose comme un but qu'il y a obligation d'atteindre, mais sans aucun rapport déterminé de temps. La préposition de marque détermination de l'action, avec rapport à un temps présent ou trèsprochain (75, page 27). On dit même au passé, avec la préposition de plutôt qu'avec à : « Alors on m'obligea, on me contraignit, on me força de faire telle chose ». L'obligation est de tout temps ou dans un avenir indéterminé pour celui qui est obligé à faire quelque chose; elle est actuelle, elle a été dans tel moment ou elle sera bientôt pour celui qui est obligé de faire.

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<< Ainsi la religion oblige le diffamateur à réparer l'honneur de son prochain aux dépens du sien propre; c'est un devoir qu'il doit remplir mais la justice l'oblige, par une condamnation, de faire à sa partie réparation d'honneur; c'est une peine qu'il subit. L'ambition force le courtisan à ramper, il faudra qu'il rampe : quand il rampe, elle le force de ramper. Ainsi parlent nos bons écrivains, comme dans les phrases suivantes : La prévoyance oblige à faire des épargnes : les impies forcent la Providence à les punir: la valeur contraint la fortune à se declarer pour elle; et tout au contraire, votre vainqueur

vous contraint de fuir la mauvaise conduite de votre ami vous force de l'abandonner; de petites pertes obligèrent Alexandre de séparer ses troupes. Aussi dit-on à plutôt que de lorsqu'il ne s'agit que d'une obligation morale et générale à remplir dans l'occasion; au lieu qu'on dit bien plutôt de que à, lorsqu'il s'agit d'une nécessité physique et présente dans le temps de l'exécution. Je ne sais mème, disait Bouhours, si, quand obligé emporte une obligation étroite de conscience, à ne serait point mieux que de. Oui certes, lorsqu'on ne parle que d'une loi, d'une règle, d'une autorité qui vous impose un devoir ou une nécessité, abstraction faite de la circonstance du temps. Mais dans la circonstance du temps, on est obligé par une force d'agir ainsi. La charité vous oblige à pardonner, lorsque vous serez offensé : vous êtes obligé de, dans le cas précis de l'offense. » (R.)

Remarquons en outre que l'on dit plutôt à lorsque le verbe est à l'actif, et de lorsqu'il est au passif : Vous vous obligez à faire une chose, et vous êtes obligé de la faire.

OBLIGER, ENGAGER. Obliger dit quelque chose de plus fort: engager dit quelque chose de plus gracieux. On nous oblige à faire une chose, en nous en imposant le devoir ou la nécessité. On nous y engage par des promesses ou par de bonnes manières. -Les bienséances obligent souvent ceux qui vivent dans le grand monde à des corvées qui ne sont point de leur goût. La complaisance engage quelquefois dans de mauvaises affaires ceux qui ne choisissent pas assez bien leurs compagnies. (G.)

OBREPTICE. V. Subreptice.

OBSCUR, SOMBRE, TÉNÉBREUX. Obscur, faute de clarté, de manière que les objets sont au moins plus difficiles à voir ou à distinguer. Sombre, faute de jour, de manière que la lumière éclaire moins les objets que les ombres ne les effacent. Ténébreux, faute de toute lumière, de manière qu'on ne voit rien, on ne voit pas. — Un lieu est obscur, qui n'est pas assez éclairé. Un bois est sombre, dont l'épaisseur, interceptant le jour, n'y laisse pénétrer qu'une faible et triste lumière. L'enfer est ténébreux, ou, s'il s'y élève quelque sombre lueur elle ne sert qu'à rendre les ténèbres visibles et plus affreuses. Des nuages épais et la fuite du jour rendent le temps obscur: des nuées sombres et l'appareil de la nuit le rendent sombre: la nuit, la nuit parfaite le rend ténébreux. L'obscurité inspire des pensées et des sentiments différents, selon ses degrés et ses modifications. Le sombre inspire la tristesse et la crainte. Les ténèbres inspirent l'horreur et l'effroi. Au figuré, un homme est obscur, qui n'est pas connu, qui est confondu dans la foule, qu'on ne remarque pas. Sa vie est obscure, si elle est cachée, inconnue, sans éclat, sans appareil. Dans tous ces cas, l'obscurité empêche de connaître, de remarquer, de distinguer. Il en est de même de l'obscurité des temps, du passé, de l'avenir, où l'on ne voit rien de clair. Sombre ne se dit figurément que de l'air du

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visage, de l'humeur, de l'esprit des personnes, des pensées, etc. (Voir
sombre, morne.) Ténébreux se dit des actions, des projets, des entre-
prises odieuses et secrètes, enveloppées de voiles impénétrables. (R.)
OBSCURCIR. V. Offusquer.
OBSCURITÉ. V. Ténèbres.

OBSÉDER. V. Assiéger (au figuré).
OBSÈQUES. V. Funérailles.

OBSERVANCE, OBSERVATION. Action d'observer ce qui est prescrit par une loi, par un règlement. Observance n'est usité qu'en matière de religion: observation se dit dans tous les cas, même en matière religieuse : « L'observation des commandements de Dieu ». (Acad.) Mais par rapport aux choses de la religion, observance se dit de la pratique constante, entière, absolue de la loi ou de la règle; et observation se dit d'un acte particulier, d'une action conforme à tel ou tel article du règlement ou de la loi. En effet la terminaison ance désigne l'état permanent des choses, et la terminaison ion marque l'action et l'acte (26 et 20, pages 8 et 7). OBSERVATIONS. V. Notes

sommer.

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OBSERVER, GARDER, ACCOMPLIR. Ces termes sont synonymes dans le sens de faire, suivre, exécuter ce qui est prescrit par un commandement, une règle, une loi. Le sens propre d'observer est d'avoir sous les yeux, de donner son attention à. Le sens propre de garder est de tenir sous sa garde, de veiller sur, d'avoir toujours ses regards sur l'objet pour le conserver, le maintenir, le défendre. Le sens propre d'accomplir est celui d'achever de remplir, de compléter, de conVous observez la loi par votre attention à exécuter ce qu'elle prescrit: vous la gardez par le soin continuel de veiller à ce qu'elle ne soit violée en aucun point: vous l'accomplissez par votre exactitude à remplir entièrement et finalement tout ce qu'elle ordonnait. Observer marque proprement la fidélité à son devoir; garder, la persévérance et la continuité; accomplir, la perfection ou la consommation de l'œuvre. Vous observez un commandement et un autre. Par votre constance à observer les commandements de Dieu et de l'Église, vous les gardez. Par l'observation plénière de ces commandements, vous accomplissez la loi. (R.)

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OBSERVER, REMARQUER. V. Remarquer.

OBSTACLE, EMPÊCHEMENT. Obstacle signifie ce qui est, ce qui reste devant ob, devant; stare, ètre arrêté, rester. Empéchement signifié, à la lettre, ce qui embarrasse, entortille, gêne les pieds: pes, pied; et en, dans, entre. Mais empêcher se dit, dans un sens étendu, de tout ce qui gène, embarrasse, retient. —L'obstacle est devant vous, il vous arrète : l'empêchement est çà et là autour de vous, il vous retient. Pour avancer, il faut surmonter, aplanir l'obstacle: pour aller librement, il faut êter l'empêchement, le lever. L'obstacle a quelque chose de grand, d'élevé, de résistant; et c'est pourquoi il

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