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NAIF, NATUREL. Ce qui est naïf naît du sujet et en sort sans effort; c'est l'opposé du réfléchi, et c'est le sentiment seul qui l'inspire aux bons esprits. Ce qui est naturel appartient aussi au sujet, mais il n'éclôt que par la réflexion; il n'est opposé qu'au recherché, et c'est à la finesse de l'esprit qu'il est donné d'en reconnaître les bornes. Tel que cette aimable rougeur qui, tout à coup et sans le consentement de la volonté, trahit les mouvements secrets d'une âme ingénue, le naïf échappe à un génie éclairé par un esprit juste et guidé par une sensibilité fine et délicate : mais il ne doit rien à l'art; il ne peut être ni commandé ni retenu. On dirait qu'une pensée naturelle devrait venir à tout le monde, dit le P. Bouhours; elle paraît aisée à trouver, et ne coûte rien dès qu'on la rencontre; elle vient encore moins de l'esprit de celui qui pense, que de la chose dont on parle. Toute pensée naïve est naturelle; mais toute pensée naturelle n'est pas naïve. (B.)

NAISSANCE, NATIVITÉ. « Ces deux mots expriment l'instant ou le jour où une créature humaine vient au monde; mais naissance est un terme ordinaire et commun qui s'applique indifféremment à toute créature humaine; et nativité est un terme consacré par l'Église, pour signifier la naissance de Jésus-Christ ou de quelque saint personnage: La nativité de Jésus-Christ, la nativité de la Vierge, la nativité de saint Jean-Baptiste ». (L.)

Naissance peut se dire des animaux et même des plantes; au figuré, ce mot signifie origine, commencement : « La naissance d'un État, d'une ville; la naissance du jour ». (Acad.)

NAIVETÉ, CANDEUR, INGENUITE. La naïveté est l'expression la plus simple et la plus naturelle d'une idée dont le fond peut être fin et délicat; et cette expression simple a tant de grâce et d'autant plus de mérite, qu'elle est le chef-d'œuvre de l'art dans ceux à qui elle n'est pas naturelle. La candeur est le sentiment intérieur de la pureté de son âme, qui empèche de penser qu'on ait rien à dissimuler. L'ingénuité peut être une suite de la sottise, quand elle n'est pas l'effet de l'inexpérience : mais la naïveté n'est souvent que l'ignorance des choses de convention, faciles apprendre, et bonnes à dédaigner; et la candeur est la première marque d'une belle âme. (Duclos. Considérations sur les mœurs.)

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NAIVETÉ, SINCÉRITÉ. V. Sincérité.

NARRATION, NARRÉ. La narration, comme l'énonciation et l'exposition (V. ces mots), est relative à la personne qui fait le récit, à la forme qu'elle lui donne, etc. Elle admet des développements et des ornements: c'est presque toujours une composition littéraire; c'est toujours un récit où le narrateur se manifeste. et d'après lequel on juge

de son talent. Le narré consiste, comme l'exposé, dans le fond même des choses; il est simple et nu, froid et calme; mais il peut être long, et dans ce cas, il est presque toujours ennuyeux.

NARRER. V. Conter.

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NATION, PEUPLE. Dans le sens littéral et primitif, le mot nation marque un rapport commun de naissance, d'origine; et peuple un rapport de nombre et d'ensemble. La nation est une grande famille; le peuple est une grande assemblée. La nation consiste dans les descendants d'un même père; et le peuple, dans la multitude d'hommes rassemblés en un même lieu. La même langue dans la bouche de deux peuples éloignés, comme les Bretons et les Gallois, annonce qu'ils ne sont originairement qu'une nation. La confusion des langues dans l'idiome d'une nation, tel que l'anglais, annonce qu'elle n'est, quant à sa composition, qu'un peuple mêlé. — Un peuple étranger qui forme une colonie dans un pays lointain, est encore anglais, allemand, francais; il l'est de nation ou d'origine. - Politiquement parlant, la nation et le peuple conservent leur caractère propre et leurs différences naturelles. La nation est une grande famille politique à l'instar de la famille naturelle le peuple est une grande multitude rassemblée et réunie par des liens communs. La nation est le corps des citoyens : le peuple est l'ensemble des regnicoles. - Nous considérons particulièrement dans la nation, la puissance, les droits des citoyens, les relations civiles et politiques. Nous considérons dans le peuple la sujétion, le besoin surtout de la protection, et des rapports divers de tout genre. Les lois se font par les représentants de la nation et en son nom; elles ne se font par les représentants du peuple que dans la démocratie. L'État étant conquis et soumis à un nouvel ordre de choses, la nation proprement dite est détruite; mais le peuple reste. Le peuple est encore distingué quelquefois de la nation, comme un ordre particulier de l'État. La nation est le tout; le peuple est la partie, et cette partie est composée d'une grande multitude. La nation se divise en plusieurs ordres, et le peuple en est le dernier. (R.)

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NATIVITÉ. V. Naissance.

NATUREL, NAIF. V. Naïf.

NATUREL, TEMPÉRAMENT, CONSTITUTION, COMPLEXION. Naturel annonce les propriétés, les quantités, les dispositions, les inclinations, les goûts; en un mot le caractère qu'on a reçu de la nature, avec lequel on est né. Ce mot se prend ordinairement dans un sens moral on le dit quelquefois dans le sens physique de constitution; même au physique, il convient mieux pour désigner les qualités physiques relativement à leurs effets moraux : vous diriez plutôt un naturel ardent, qu'un naturel robuste. Le tempérament est proprement ce qui fait l'humeur, ce que produit dans le corps animal le mélange avec la dose des humeurs, tempérées ou modérées l'une par l'autre. L'humeur dominante forme le tempérament sanguin ou

bilieux, chaud ou froid, bouillant ou flegmatique, etc. Le bon tempérament résulte surtout de l'équilibre des humeurs. La constitution s'étend plus loin : elle consiste dans la composition et l'ordonnance des différents éléments d'un corps, des différentes parties d'un tout, qui le constituent ou l'établissent tel, ou qui fondent et forment son existence, son état, sa manière propre et stable d'ètre. La complexion indique proprement les habitudes formées, les plis pris, les penchants ou les dispositions habituelles, soit qu'elles naissent du tempérament ou des humeurs, soit qu'elles naissent de quelque autre élément constitutif du corps. Le naturel est donc formé de l'assemblage des qualités naturelles : le tempérament, du mélange des humeurs; la constitution, du système entier des parties constitutives du corps; la complexion, des habitudes dominantes que le corps a contractées. - Le naturel fait le caractère, le fond du caractère; le tempérament, l'humeur, l'humeur dominante; la constitution, la santé, la base ou le premier principe de la santé; la complexion, la disposition habituelle du corps. (R.)

NAUTIQUE. V. Naval.

NAUTONIER. V. Nocher.

NAVAL, NAUTIQUE. Naval se dit de ce qui regarde les vaisseaux ou les navires de guerre : nautique signifie qui concerne la navigation, la science et la pratique de la navigation. On dit l'architecture navale ou qui regarde la construction des navires, et l'astronomie nautique ou qui concerne la navigation; on dit par la même raison combat naval, victoire navale, forces navales, cartes nautiques et problèmes nautiques.

NAVIRE. V. Nef.

NÉANMOINS. V. Pourtant.

NÉCESSAIRE (IL EST). V. Il faut.
NÉCESSITÉ. V. Pauvreté.

NÉCESSITEUX. V. Pauvre.

NEF, NAVIRE, VAISSEAU. « Nef n'est depuis longtemps qu'un terme poétique; il peut être considéré comme le mot simple, et employé comme genre. Navire distingue une espèce de bâtiment de haut bord pour aller en mer; et il sert aussi à désigner collectivement tous les grands bâtiments ou les vaisseaux. - Nef marque proprement quelque chose d'élevé, de construit sur l'eau; navire, une maison flottante, habitation pour aller sur mer. Nef distingue l'élévation et la forme ainsi l'on dit nef d'église; navire exprime particulièrement l'idée d'aller, de nager, de voguer, de naviguer (navim agere): le navire est la nef qui va (ire, aller). » (R.)

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Nef, dans le sens de navire, est aujourd'hui un archaïsme : navire est devenu le nom de genre. Quant à vaisseau, il ne se dit plus que comme nom d'espèce, pour désigner les plus gros navires de guerre. Nef et vaisseau se disent aussi en parlant des églises : c'est mème

uniquement dans ce cas que nous employons aujourd'hui le mot nef. La nef est la partie de l'église qui s'étend depuis la porte principale jusqu'au chœur : il y a aussi ordinairement dans les grandes églises des nefs latérales appelées aussi bas côtés. Vaisseau désigne l'église entière ; « Cette église est un vaisseau magnifique ». (Acad.)

NÉGATIVE, NÉGATION, AFFIRMATIVE, AFFIRMATION. La négative est en logique une proposition qui a la propriété de nier (27, page 9) « Persister dans la négative ». (Acad.) La négation est l'action de nier (20, page 7); c'est l'acte de l'esprit qui nie: toute négation consiste à soutenir une proposition négative.

En grammaire, ces deux mots se disent des particules ne, ni, non: mais quand on dit que ce sont des négatives, on entend que ces mots ont la propriété de donner à la phrase le sens négatif; et quand on dit que ce sont des négations, on les considère comme les signes représentatifs de l'acte que fait l'esprit quand il nie. La différence est la même entre affirmative et affirmation.

NÉGLIGENT. V. Indolent.

NÉGOCE. V. Commerce.
NÈGRE. V. Noir.

NÉOLOGIE, NÉOLOGISME. Invention de termes nouveaux, ou emploi dans un sens nouveau de mots déjà connus. - Le néologisme est l'abus de la néologie: celle-ci, qui est bien loin d'être un défaut, crée des termes nécessaires, d'heureuses alliances de mots, des tours nouveaux, légitimés par l'analogie. Corneille a fait de la néologie et non des néologismes, lorsqu'il a dit : « Ton bras est invaincu, mais non pas invincible. Et monté sur le faîte, il aspire à descendre ».

Le néologisme ne consiste pas seulement à introduire dans la langue des mots nouveaux qui n'y sont point nécessaires; mais encore à détourner des mots anciens de leur acception ordinaire, pour leur donner un sens nouveau que réprouve le bon goût. Un écrivain a dit: «<< Donner une attitude mesurée à son style »; il voulait dire écrire avec convenance et mesure. Le mot attitude signifie, au propre, situation, position du corps, et, au figuré, disposition à l'égard de quelqu'un : comment ce mot pourrait-il se dire du style?

NET, PROPRE. Ces adjectifs sont synonymes, en tant qu'on les oppose à sale. - Net, ce qui est blanc, clair, poli, sans ordure, sans souillure, sans tache, sans défaut, sans mélange étranger. Propre exprime ce qui constitue l'essence, ce qui appartient en propre, ce qui est convenable ou disposé pour une fin; mais par une ellipse particulière à notre langue, il prend la signification de net, ajusté: une personne propre, un appartement propre, c'est-à-dire un objet qu'on a mis dans l'état où il doit être, où il est convenablement; un objet approprié, rendu propre à être vu, employé. — La propreté ajoute donc à la netteté l'idée d'un arrangement ou d'une disposition convenable à la destination et à l'usage de la chose. La netteté n'est que le premier élé

ment de la propreté. Une chose est propre, quand elle est nette et arrangée comme il convient. On dit d'un gros mangeur qui ne laisse rien dans les plats, qu'il fait les plats nets: mais ces plats-là ne sont pourtant pas propres, il faut les laver pour qu'on y mange. (R.)

NET, NETTEMENT. V. Franc, franchement.

NETTOYAGE, NETTOIEMENT. Action de nettoyer. Le nettoyage est cette action faite en grand; le nettoiement est l'action de nettoyer de petits objets, des objets usuels on doit dire le nettoyage des rues, des places publiques, etc., et le nettoiement d'un ustensile, d'un peigne, etc.

NEUF, NOUVEAU, RÉCENT. Ce qui n'a point servi est neuf. Ce qui n'avait pas encore paru est nouveau. Ce qui vient d'arriver est récent. - On dit d'un habit, qu'il est neuf; d'une mode qu'elle est nouvelle; d'un fait, qu'il est récent. — Une pensée est neuve, par le tour qu'on lui donne; nouvelle, par le sens qu'elle exprime; récente, par le temps de sa production. — Celui qui n'a pas encore l'expérience et l'usage du monde, est un homme neuf. Celui qui ne commence que d'y entrer ou qui est le premier de son nom, est un homme nouveau. L'on est moins touché des histoires anciennes que des récentes. (G.)

NIER, DÉNIER. Nier, c'est simplement dire qu'une chose n'est pas vraie, soutenir qu'une chose n'est pas. Dénier, principalement usité en jurisprudence, exprime une dénégation formelle ou une rétractation; il signifie à peu près, ne pas reconnaître : « Dénier un crime; Dénier une dette. Au premier interrogatoire, il avait fait plusieurs aveux, plus tard il a tout dénié». (Acad.) La particule dé est ici analytique et complétive (7, page 4).

Dénier signifie aussi refuser : « Ne me déniez pas votre secours ». (Acad.) Mais, comme on le voit, dans ce sens, il n'est pas synonyme de nier.

NIPPES, HARDES. Les hardes sont expressément distinguées des nippes dans plusieurs passages d'auteurs connus. Ainsi Molière fait dire à son Avare, que l'emprunteur prendra, pour une partie de la somme, des hardes, nippes et bijoux. Les dictionnaires nous donnent le mot nippes pour un terme générique qui se dit tant des habits que des meubles, et de tout ce qui sert à l'ajustement et à la parure; et le mot hardes pour un terme collectif qui désigne tout ce qui sert à l'habillement. Nippes indique donc également et des habits et des meubles; et hardes n'indique proprement que des habits ou des habillements quelconques. Quand il s'agit de désigner l'habillement, en quoi diffèrent-ils l'un de l'autre? En ce que le mot hardes renferme toutes les sortes de vètements qu'on porte sur soi pour quelque fin que ce soit, pour l'utilité, pour la nécessité, pour l'agrément mais les nippes sont les hardes destinées surtout à la propreté et à la parure, comme le linge dont on change et qu'on lave pour être propre. S'il est parlé dans la mème phrase de hardes et de nippes, les hardes sont de

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