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venir pour marquer celle de l'occasion; ainsi il dit : « Il faut travailler quand on est jeune. Il faut être docile, lorsqu'on nous reprend à propos. Le chanoine va à l'église, quand la cloche l'avertit d'y aller; il fait son devoir, lorsqu'il assiste aux offices >>. Roubaud dit que Gi rard a fait ici la plus grande des méprises: il prétend que la propriété de marquer la circonstance du temps appartient à lorsque, et que toute autre circonstance peut être aussi indiquée par le mot quand. — Il me semble qu'ici Girard et Roubaud ont raison tous deux. Quand indique toujours le temps, comme le dit le premier, et lorsque indique toujours le temps, comme le dit le second. Mais ni l'un ni l'autre n'a saisi la vraie différence de ces mots : ils sont différents parce qu'ils désignent le temps d'une manière différente. Quand désigne le temps comme une époque, comme un point indivisible pris dans la durée; et lorsque, de hora, certaine durée de temps, indique toujours le temps avec l'idée de durée. Appliquons ce principe aux exemples que donne Girard, nous verrons s'il est juste. Si je dis : « Il faut travailler quand on est jeune », je m'exprime mal, parce que la circonstance du temps indique ici une durée, c'est-à-dire il faut travailler pendant le temps qu'on est jeune, pendant le temps que dure la jeunesse. Or, l'idée de cette durée doit être indiquée par lorsque, à l'heure que, pendant le temps que. Il faut travailler quand on est jeune, semblerait indiquer que le temps de la jeunesse n'est pas une durée, mais un point, une époque, un moment dans la durée de la vie. Si je dis : « Il faut être docile lorsqu'on nous reprend à propos », j'entends par là que la réprimande a une durée, qu'elle continue pendant un certain temps, et que par conséquent la docilité doit continuer aussi; c'est ce qu'on marque par lorsque; mais on peut dire aussi : « Il faut être docile quand on nous reprend à propos», et l'on indiquera par là une seule reprimande, une seule correc tion faite et exécutée sur-le-champ, au moment même. — « Le chanoine va à l'église, quand la cloche l'avertit d'y aller ». L'avertissement de la cloche dure quelque temps, c'est une durée, ce n'est pas un point dans une durée; il fallait dire lorsque la cloche l'avertit. « Il fait son devoir lorsqu'il assiste aux offices », est bien, parce que l'assistance à l'office est une durée. « Quand viendrez-vous? » ne signifie pas dans quelle durée de temps viendrez-vous? mais à quelle époque, à quel point de la durée du temps viendrez-vous? - L'usage ne confond pas la valeur de ces mots, comme le dit Roubaud; ils ne sont pas généralement employés, même par les meilleurs écrivains, tantôt dans un sens tantôt dans un autre. Examinons l'exemple de Racine que Roubaud donne pour preuve de ce qu'il avance, et nous verrons que, loin de confirmer son opinion, il est entièrement conforme à la nôtre :

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Si tu m'aimais, Phédime, il fallait me pleurer,
Quand d'un titre funeste on me vint honorer;
Et lorsque m'arrachant du doux sein de la Grèce,
Dans un climat barbare on traina ta maîtresse.

Honorer quelqu'un d'un titre est une action qui ne suppose point une durée, mais qui n'indique qu'un acte particulier fait dans un point de la durée; quand était le mot propre, et il paraît que Racine l'a senti. Mais arracher quelqu'un du sein de sa patrie, le trainer dans un climat barbare, est une action qui suppose une durée de temps, une longue suite d'efforts, et Racine a employé lorsque pour marquer cette durée. Substituez ici quand à lorsque, et lorsque à quand, et vous sentirez que l'expression n'est plus conforme à l'idée, et que par conséquent Racine, loin d'avoir confondu ici ces expressions, les a employées avec choix, et d'une manière conforme à la différence que nous leur assignons. (L.) LOUANGE. V. Éloge.

LOUANGES. V. Applaudissements.

LOUANGEUR, LAUDATIF, LOUEUR. Louangeur est substantif et adjectif: substantif, il ne se dit que des personnes et il est synonyme de loueur; adjectif, il se dit aussi des choses et il est synonyme de laudatif. Dans les deux cas il signifie proprement qui donne des louanges, qui loue ou qui a loué réellement et à une époque précise. Laudatif, est un adjectif peu usité; et il ne se dit que d'un genre littéraire, des écrits et des discours qui de leur nature sont propres à louer (42, page 12).

Loueur est substantif et signifie aussi qui loue, qui fait l'action de louer; mais ce mot exprime simplement le fait et ne se prend pas toujours en mauvaise part: La Fontaine a dit loueur modeste. Le substantif louangeur désigne l'homme qui a l'habitude de donner des louanges et qui les donne sans dicernemeut, à tort et à travers, sottement, et comme pour satisfaire le besoin qu'il a de louanger. LOUCHE (SENS). V. Ambiguïté.

LOUER, AFFERMER. V. Affermer.
LOUER, VANTER. V. Vanter.
LOUEUR. V. Louangeur.

LOURD, PESANT. On peut comparer ces mots en les prenant tous deux dans le sens propre ou dans le sens figuré.

Dans le premier sens, tout corps est pesant, parce que la pesanteur est la tendance générale des corps vers le centre de la terre; mais on ne peut appeler lourds que ceux qui ont une pesanteur considérable, relativement ou à leur masse ou à la force qu'on y oppose. Le léger n'est l'opposé que du lourd, et ce n'est que par extension que quelquefois on l'oppose au pesant. Différents hommes porteront des charges plus ou moins pesantes, à raison de la différence de leurs forces; mais un homme faible trouvera trop lourd un fardeau qui ne paraît à un homme vigoureux qu'une charge légère. Dans le sens figuré, et quand il s'agit de l'esprit, il me semble que le mot de lourd enchérit encore sur celui de pesant; que l'esprit pesant concoit avec peine, avance lentement, et fait peu de progrès; et que l'esprit lourd ne conçoit rien, n'avance point, et ne fait aucun progres. (B.)

LOURD, LOURDAUD. Qui manque de légèreté (au figuré), de grâce, etc. L'adjectif lourd se dit figurément en parlant de l'esprit, et signifie qui manque de facilité, de promptitude, de finesse, de grâce: « C'est un homme lourd, un esprit lourd ». (Acad.) Lourdaud a seulement rapport au maintien, aux manières; il signifie grossier et maladroit, et s'emploie toujours comme substantif: « Un lourdaud de village ». (Acad.)

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LOYAL, FRANC. Franc est pris ici dans le sens de droit, ouvert, sincère, qui dit sans détour ce qu'il pense. On dit un homme franc, une âme franche, un cœur franc, une conduite franche, un caractère franc, etc. Loyal vient de loi. Il se disait dans le langage féodal, pour désigner un vassal fidèle aux lois qu'il avait juré d'observer envers son seigneur. Il se dit aujourd'hui de la fidélité avec laquelle on observe toutes les lois de la probité et de l'honneur. On dit ordinairement franc et loyal: ce qui indique que loyal dit plus que franc. On est surtout franc dans le discours; on est surtout loyal dans la conduite. L'homme franc dit sans détour ce qu'il pense; il convient de la vérité, même lorsqu'elle peut lui nuire; il se met au-dessus, il s'affranchit de tout ce qui peut l'engager à dissimuler la vérité, à l'affaiblir, à la déguiser. L'homme loyal, sincèrement attaché à tous les devoirs de la justice, de l'équité, de la société, fait ouvertement, sans gène et sans dissimulation, tout ce qu'exigent ces devoirs, et les remplit tous exactement (L.)

LUCRE. V. Gain.

LUEUR. V. Lumière.

LUIRE, RELUIRE. Reluire, c'est luire en réfléchissant la lumière (5, page 3). Au figuré, dans le sens de briller, paraître avec éclat, reluire exprime une idée de reflet : « Le courage doux et paisible reluit dans ses yeux ». (Fénelon.) Quelquefois il est simplement augmentatif.

Quoique luire se dise nécessairement de corps lumineux par euxmêmes, il se dit aussi de ceux qui réfléchissent la lumière avec tout l'éclat des corps lumineux, si bien qu'ils paraissent être eux-mêmes la source, le foyer de cette lumière: «On voyait luire de loin les épées et les cuirasses ». (Acad.)

LUMIÈRE, LUEUR, CLARTÉ, ÉCLAT, SPLENDEUR. La lumière est ce au moyen de quoi les objets sont visibles, ce qui fait le jour, ce qui fait que nous voyons. Les autres mots n'expriment que des modifications et des gradations de la lumière. Ainsi la lueur est une lumière faible et légère; la clarté, une lumière assez vive et plus ou moins pure; l'éclat, une lumière brillante ou une vive clarté; la splendeur, la plus grande lumière et le plus vif éclat. — La lumière fait voir; la lueur fait voir imparfaitement et confusément; la clarté fait voir distinctement et nettement; l'éclat fait voir facilement et parfaitement, mais quelquefois en affectant trop fortement la vue pour qu'elle puisse le soutenir longtemps; la splendeur fait voir tout l'éclat de la chose,

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et avec tant d'éclat que les yeux en sont éblouis. - La lumière est en opposition avec les ténèbres. La lueur perce à travers ces mêmes ténèbres. La clarté dissipe l'obscurité. L'éclat chasse les ombres. La splendeur est toute lumière. Dans l'usage figuré de ces termes, on observera les mêmes différences et la même gradation. (R.)

LUNATIQUE. V. Maniaque.
LUSTRE. V. Éclat.

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LUXE, FASTE, SOMPTUOSITÉ, MAGNIFICENCE. Ces mots dé signent de grandes, grosses ou fortes dépenses; le luxe, une dépense excessive, désordonnée; le faste, une dépense d'apparat, d'éclat; la somptuosité, une dépense extraordinaire, généreuse; la magnificence, une dépense dans le grand et le beau. Le luxe est malheureusement de tous les états; il y en a jusque chez le bas peuple; il se glisse dans les genres de dépenses les plus communes. Le faste ne se trouve proprement que chez les riches, dans leurs bâtiments, dans leurs meubles, dans leurs habillements, dans leurs équipages et leurs trains. La somptuosité concerne proprement les festins, les édifices, les monuments, les choses d'éclat : il est peu d'hommes assez opulents pour étaler en tout genre une somptuosité habituelle. La magnificence ne sied qu'aux grands qui, aux moyens de faire des dépenses extraordinaires, joignent des titres pour les rendre éclatantes, mais par un usage bien entendu, qui les fait estimer, honorer et glorifier, en rendant leur magnificence aussi utile qu'agréable au public. (R.)

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MACHINATION. V. Manigance.

MACHINER. V. Ourdir.

MACHINISTE. V. Mécanicien.

MAGICIEN, SORCIER. On donnait autrefois ces noms à des imposteurs qui abusaient de la crédulité du peuple pour lui faire croire que, par le moyen de quelque génie ou démon avec lequel ils étaient en commerce, ils pouvaient intervertir l'ordre de la nature. Le premier ne désignait que ceux qui se disaient en relation avec des esprits bienfaisants; et le second, de ceux qui se disaient en commerce avec des esprits malfaisants. (L.)

Magicien se dit encore, par extension, de celui qui, dans un art, a le talent de produire beaucoup de surprise ou de plaisir : « Ce faiseur de tours, ce décorateur, ce peintre est un vrai magicien ». ( Acad.) MAGNANIMITÉ. V. Grandeur d'âme.

MAGNIFICENCE. V. Luxe.

MAGNIFIQUE, SOMPTUEUX, SPLENDIDE. Magnifique désigne tout ce qui donne une idée de grandeur et d'opulence. Un homme est magnifique, lorsqu'il nous offre en lui-même et dans tout ce qui l'inté

resse, un spectacle de dépense, de libéralité et de richesse, que sa figure et ses actions ne déparent point. Magnifique se dit aussi des choses. Une entrée est magnifique, lorsqu'on a pourvu à tout ce qui peut lui donner un grand éclat par le choix des chevaux, des voitures, des vêtements et de tout ce qui tient au cortége. Une parure est magnifique, lorsqu'elle brille par la richesse. Somptueux se dit de ce qui annonce avec éclat une grande dépense. Ce qui est spendide relève la beauté de ce qui est magnifique et somptueux. - L'idée d'une grande beauté est le caractère de ce qui est magnifique; l'idée d'une grande dépense, celui de ce qui est somptueux; l'idée d'un grand éclat, celui de ce qui est splendide. (L.)

MAIGRET, MAIGRELET. GRASSET, GRASSOUILLET. Maigret et grasset sont des diminutifs de maigre et de gras (57, page 18); maigrelet et grassouillet le sont de maigret et de grasset, moins toutefois en ce qu'ils annoncent la qualité à un moindre degré, que parce qu'ils se disent des enfants et des jeunes personnes.

MAIGRIR, AMAIGRIR. Maigrir, c'est devenir maigre rapidement: « Il maigrit à vue d'œil ». ( Acad.) Amaigrir, c'est littéralement arriver à maigrir, aller à la maigreur (10, page 5): il signifie maigrir peu à peu: « Le jeûne amaigrit ». (Id.) Il faut remarquer en outre que maigrir est toujours un verbe neutre, tandis qu'amaigrir s'emploie le plus souvent comme verbe actif: « Le travail l'a beaucoup amaigri». (Id.)

MAINT, PLUSIEURS. Maint signifie plusieurs mais plusieurs marque purement et simplement la pluralité, le nombre; tandis que maint réduit la pluralité à une sorte d'unité, comme si les objets formaient une exception, un tout séparé du reste, un corps à part. Quiconque sent la force et l'utilité des mots collectifs doit regretter et recommander celui-là. Il n'y a personne qui ne trouve une différence sensible entre ces deux phrases: Tout homme est sujet à erreur; tous les hommes sont sujets à l'erreur. Tout désigne la qualité propre de l'espèce, de l'humanité : tous ne désigne qu'une qualité commune aux individus, à la généralité. La locution maint auteur semble annoncer un nombre d'auteurs qui forment une sorte de classe, et comme s'ils faisaient cause commune: plusieurs n'annonce que le nombre, sans désigner aucun rapport particulier entre eux, si ce n'est qu'ils ont la même opinion, la même marche, le même titre, quelque chose de semblable. Maint a le privilége rare de se répéter et d'exprimer par sa répétition un assez grand nombre. On dit maint et maint, comme tant et tant. Ces sortes de licences contribuent beaucoup à donner aux langues des formes distinctives qui les rendent intraduisibles quant à la grâce et au génie; et par là elles ont quelque chose de précieux. (R.) MAINTENANT. V. A présent.

MAINTENIR, SOUTENIR. Maintenir, ç'est à la lettre, tenir la main : soutenir, c'est tenir une chose par dessous ou en dessous (14, page 5),

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