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ce point de vue. Ainsi la journée en ce sens est l'espace de temps qui s'écoule pour nous, depuis l'heure où nous nous levons jusqu'à celle où nous nous couchons. Une journée est heureuse ou malheureuse, agréable ou désagréable, triste ou gaie, à raison des événements relatifs à nous, qui s'y passent. On donne aussi le nom de journée au travail que l'on fait dans le courant d'une journée, et souvent au salaire même du travail. Il a fait un beau jour se dit relativement à la pureté de l'air, à l'état de l'atmosphère. Il a fait une belle journée se dit relativement aux actions, aux travaux, aux desseins que ce beau jour a ou doit avoir favorisés. Le lever du soleil nous annonçait un beau jour, nous en profitâmes pour faire une partie de chasse, et nous eûmes une belle journée. » (L.)

Ajoutons que si l'on dit : « C'est le plus beau jour de ma vie », c'est que l'on prend ce jour comme une des unités qui forment le nombre de jours dont se compose la vie.

Beauzée et d'autres synonymistes se sont trompés lorsqu'ils ont dit que le mot jour est à journée ce que le mot an est à année. On ne dit pas un an heureux, ni un bel an: l'on dit fort bien un heureux jour, un jour malheureux, un beau jour, un jour superbe. En outre le jour se divise en matin et soir, et l'on dit : le matin du second jour, le soir du troisième jour; tandis qu'on ne dirait pas : le printemps du premier an, l'hiver du troisième an.

JOUR OUVRIER, JOUR OUVRABLE. Jour ouvrier se dit de toute journée pendant laquelle les ouvriers travaillent. Jour ouvrable signifie. jour où l'Église permet de travailler et d'ouvrir les boutiques. Le premier exprime le fait, le second exprime le droit.

Le dimanche n'est pas un jour ouvrable; cependant bien des gens ont le tort d'en faire un jour ouvrier.

JOURNALIER. V. Diurne.

JOURNÉE. V. Jour.

JOYAU, BIJOU. Les joyaux sont plus beaux, plus riches, plus précieux; les bijoux sont plus jolis, plus agréables, plus curieux. Dans la comparaison on voit le joyau plus en grand, et le bijou plus en petit. On dit les joyaux de la couronne, on les garde dans un trésor; une femme parle de ses bijoux, elle les serre dans un écrin. — Le bijou est toujours un ouvrage travaillé : le joyau n'est quelquefois que la matière brute. C'est surtout la façon que l'on considère dans le bijou, et la matière dans le joyau. Ainsi la joaillerie se distingue de la bijouterie, en ce qu'elle comprend dans son négoce les pierreries qui ne sont pas taillées ou montées. On comprend dans la dénomination de bijoux une quantité prodigieuse de choses usuelles, telles que des tabatières, des étuis, etc.; et ces objets-là ne sont pas des joyaux, comme les diamants, les perles, les pierreries de toute espèce. (R.). JUGEMENT. V. Arrêt, Discernement, Esprit et Sens. JUREMENT et JURON. V. Serment.

JUSTE, JUSTEMENT, Précisément. Ces mots ne sont synonymes que dans ce sens 1. Juste se rapporte davantage à l'objet ou aux circonstances de l'action justement caractérise l'action et se rapporte davantage au sujet (60, page 18). « Il est arrivé juste à l'heure du diner » (Acad.), c'est «< il est arrivé à l'heure juste »; il n'y a là en quelque sorte qu'une inversion. « Vous arrivez justement à l'heure qu'il faut » (Id.); votre action d'arriver a lieu précisément quand il le faut ici donc l'adverbe caractérise l'action. Ensuite juste exprime l'idée de précisément avec moins de force que justement : « Voilà juste ce qu'il vous faut » affirme moins que « Voilà justement ce qu'il vous faut ». Mais tout juste équivaut à justement; Molière a dit dans l'Impromptu de Versailles, pièce en prose: « Voici tout juste un lieu propre à servir de scène »; il aurait pu dire tout aussi bien : « Voici justement un lieu, etc. 2 ». N'est-ce pas là ce que vous me demandez? Juste, tout juste ». (Acad.) On peut aussi répondre : justement.

JUSTICE, ÉQUITÉ. Il s'agit ici de la justice comme de l'équité naturelle; et il n'y a nulle comparaison à faire entre l'équité naturelle et la justice légale et distributive, chargée de maintenir les droits de chacun et de punir la violation de ces droits, selon les lois positives ou écrites. La justice proprement dite consiste à observer la règle primitive de se contenir dans les bornes de son droit, qui s'arrête où le droit d'autrui commence. L'équité consiste à observer le principe primordial de l'égalité naturelle, en employant, pour le bien des autres, les avantages et les moyens dont la nature et la fortune vous ont favorisé et les ont privés. L'objet propre de la justice est donc le respect de la propriété. L'objet de l'équité en général est donc le respect de l'humanité. Votre existence, vos facultés, vos talents, votre travail, les fruits de votre travail, votre fortune, votre réputation, votre honneur, sont à vous; la justice défend qu'on y porte atteinte, elle efface l'atteinte qu'on y a portée. Mes besoins, mes misères, mes erreurs, mes fautes, mes torts, sont de la faiblesse humaine : l'équité y compatit; elle vous engage à me faire du bien, quand le bien est de le faire. (R.) Résumons justice, dérivé de jus, droit, est, suivant les jurisconsultes, l'action de rendre à chacun ce que le droit ou la loi lui donne; elle ne peut exister que chez les hommes réunis en société, ayant adopté des règles positives. L'équité est la loi naturelle, qui connait moins les règles de convention que le sentiment intime qui nous invite à agir envers les autres comme nous voudrions qu'on en usât envers nous. La justice est inflexible: elle assure la tranquillité des États et veille à la sûreté des citoyens. Mais elle se trouve quelquefois

1. On dit deviner juste, raisonner juste, chanter juste, parler juste; mais dans ces locutions, juste n'a point le sens de précisément et n'est pas synonyme de justement.

2. Mais certainement Molière n'aurait pas dit : « Voici juste un lieu propre à servir de scène ».

DICT. DES SYNONYMES.

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en opposition avec l'équité, parce que, jugeant d'après des règles invariables, elle ne doit jamais voir que le fait; au lieu que l'équité se rapprochant de l'intention, n'a d'autres lois que celles que la nature cu les circonstances lui dictent. — L'équité nous ramène à l'observance des lois naturelles; elles ne sont pas écrites, mais elles se font sentir; et c'est à ce cri du besoin d'aimer et de traiter les hommes en frères, que nous cédons. On n'est homme, dit La Bruyère, que lorsqu'on est équitable. (Anonyme.)

JUSTIFIANT, JUSTIFICATIF. Justifiant, terme de théologie, n'est guère usité que dans ces deux locutions, la grâce justifiante, la foi justifiante; c'est-à-dire la grâce, la foi qui rend juste intérieurement. (Acad.) Justificatif signifie qui est propre à justifier, qui sert à justifier quelqu'un ou à prouver ce qu'on avance, ce qu'on allègue (42, page 12): « Les pièces justificatives d'une histoire, d'une relation, d'un rapport ». (Acad.)

JUSTIFICATION, APOLOGIE. Justifier, montrer, prouver, déclarer l'innocence d'un accusé, la justice d'une demande, son bon droit. Apologie est un mot grec qui signifie discours pour la défense de quelqu'un, action de repousser, par écrit ou de vive voix, une inculpation. - La justification est le but de l'apologie; l'apologie est un moyen de justification. L'apologie n'est que la défense de l'accusé : la preuve ou la manifestation de son innocence fait sa justification. Le terme de justification se prend aussi dans le sens d'apologie, pour la défense d'un accusé. Mais il annonce alors une preuve complète ou l'assurance du succès; tandis que toute autre défense marque seulement le dessein et la tâche de se disculper. Je fais mon apologie, quand je me défends; et ma justification, quand je me défends d'une manière victorieuse. L'apologie n'est qu'un moyen particulier de vous justifier des pièces justificatives, les dépositions de témoins, etc., opèrent aussi votre justification. L'apologie est proprement en paroles: cependant, par extension, l'on dit que les choses font votre apologie ainsi que votre éloge, comme on dit qu'elles parlent en votre faveur. Ainsi ce qui sert à votre justification peut s'appeler apologie. (R.)

JUSTIFIER, DÉFENDRE, DISCULPER. «Justifier et défendre veulent dire l'un et l'autre, travailler à établir l'innocence ou le droit de quelqu'un. En voici les différences. Justifier suppose le bon droit, ou au moins le succès: défendre suppose seulement le désir de réussir. Cicéron défendit Milon; mais il ne put parvenir à le justifier. L'innocence a rarement besoin de se défendre, le temps la justifie presque toujours.» (Enc.)

Justifier est à disculper ce que le genre est à l'espèce. Disculper, formé de la préfixe dis, qui marque l'éloignement ou la négation (8, page 4), et du latin culpa, faute, signifie justifier d'une faute imputée.

L

LABEUR. V. Travail.

LABOUR, LABOURAGE. «Le labour est la façon que l'on donne aux terres en les labourant: le labourage est l'art de labourer ou bien l'ouvrage, le travail du laboureur ». (Acad.) Ainsi labour exprime le remuement même de la terre; la façon considérée en elle-même ou par rapport à la terre seule : « Labour superficiel, léger, profond; il faut donner deux labours à cette terre ». (Acad.) Labourage a rapport à l'opération de l'ouvrier, à tout ce qui concerne l'art et le travail du laboureur (24, page 8) : « Les instruments du labourage. Je donne quatre cents francs pour le labourage de ma terre ». (Acad.)

LABYRINTHE, DÉDALE. On a donné le nom de labyrinthe à de grands édifices des anciens dont il était difficile de trouver l'issue. Ce mot est devenu parmi nous celui des constructions, des plantations, des lieux dont les tours et les détours sont si multipliés qu'on s'y égare et qu'on ne sait où trouver une issue. Il se dit au propre et au figuré. - Dédale est le nom d'un fameux ouvrier qui construisit le labyrinthe de Crète, et que l'on a appliqué à ces sortes d'ouvrages. Dans le langage ordinaire dédale ne s'emploie qu'au figuré pour signifier des choses très-compliquées qu'il est difficile de concevoir et de tirer au net: «Un dédale de procédures, un dédale de lois ». En poésie et dans le style élevé, il s'emploie au propre dans le sens de labyrinthe. (L.) LACÉRER. V. Déchirer.

LACET. V. Lacs.

LACHE, POLTRON. On est lâche par caractère, par un défaut d'énergie dans l'âme; on est poltron par attachement à la vie, par la crainte du mal et de la douleur. Le lâche est tellement abattu à la vue du danger, qu'il ne conçoit pas même l'idée de la résistance, qu'il n'ose ni avancer ni se servir de ses armes. Le poltron est tellement inquiet sur les suites du danger, qu'il est continuellement aux aguets soit pour le prévoir, soit pour trouver le moyen de s'y soustraire. Le lâche ne se bat jamais, il se laisse battre, et n'a recours qu'à la soumission et aux prières le poltron ne se bat qu'à la dernière extrémité, et quelquefois il se bat bien. (L.)

La lâcheté suppose l'abandon absolu du devoir, l'icapacité de le remplir: la poltronnerie, prévoyance trop inquiète, n'est quelquefois qu'un excès de prudence, au lieu que l'autre est l'excès de la faiblesse. Ces deux qualifications sont toujours prises en mauvaise part: celle de lâche, infiniment plus fâcheuse, conserve toujours la force de son origine, sans jamais être modifiée. · Par lâche ou lâcheté, on caractérise l'individu, on embrasse pour ainsi dire toutes les actions de sa vie : poltron a un sens moins étendu, il ne s'applique qu'à certaines circonstances.

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On rit quelquefois d'une poltronnerie, mais non pas d'une lâcheté : celle-ci est vice, l'autre n'est qu'un défaut: (R.)

LACHER, RELACHER. Lâcher, c'est détendre, desserrer d'un coup: «Cette corde est trop tendue, lâchez-la un peu ». (Acad.) Relâcher, c'est, par une action continuée et produisant peu à peu son effet, faire qu'une chose soit moins tendue (5, 4o, page 3) : « La sécheresse fait que les cordes d'un violon se relâchent ». (Id.)

Dans le sens de laisser aller, laisser échapper, lâcher se dit des personnes et des choses : « Lâcher un oiseau; lâcher un prisonnier». (Id.) Relâcher ne se dit guère que des personnes: « Relâcher un prisonnier »; (Id.) c'est-à-dire lui rendre sa liberté dans toute sa plénitude et avec le droit d'en jouir; tandis que lâcher un prisonnier, c'est simplement le laisser partir, soit par négligence, soit à dessein, mais non en vertu d'un droit ou d'un jugement. On voit que relâcher marque alors rétablissement dans un premier état (5, 5o).

LACONIQUE, CONCIS. L'idée commune à ces deux mots est celle de brièveté; voici les nuances qui les distinguent. Laconique se dit des choses et des personnes : concis ne se dit guère que des choses, et principalement des ouvrages et du style, au lieu que laconique se dit principalement de la conversation ou de ce qui y a rapport. Un homme très-laconique, une réponse laconique, une lettre laconique; un ouvrage concis, un style concis. Laconique suppose nécessairement peu de paroles: concis ne suppose que les paroles nécessaires. Un ouvrage peut être long et concis, lorsqu'il embrasse un grand sujet : une réponse, une lettre, ne peuvent être à la fois longues et laconiques. — Laconique suppose une sorte d'affectation et une espèce de défaut; concis emporte pour l'ordinaire une idée de perfection : voilà un compliment bien laconique; voilà un discours bien concis et bien énergique. (Enc.)

LACS, LACET. Espèces de piéges. Les lacs sont des nœuds coulants au moyen desquels on peut prendre toutes sortes d'animaux même les plus gros; les lacets sont de petits lacs (33, page 10) qui ne peuvent servir qu'à prendre des oiseaux et tout au plus des lièvres.

Les deux mots s'emploient figurément au pluriel en parlant des personnes : lacet se dit alors d'un piége plus fin, plus difficile à apercevoir; lacs exprime quelque chose de plus grave, un embarras dont on a plus de peine à se tirer: on tombe dans les lacs d'un chicaneur, on se laisse prendre aux lacets d'un intrigant.

LACS, RETS, FILETS. Le propre du filet est d'envelopper et de contenir; celui des rets, d'arrêter et de retenir; celui des lacs, de saisir et d'enlacer. Les lacs du chasseur sont des nœuds coulants. Les rets sont formés d'un lacis, par l'entre-croisement de plusieurs cordes ou ficelles jointes ensemble par mailles et à jour. Les rets sont des espèces de filets pour la chasse ou pour la pêche : il y en a de différentes sortes: le mot filet est le genre à l'égard des rets, et autres espèces de piéges tendus aux animaux. Filet est d'un usage aussi

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