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NOUVEAU DICTIONNAIRE

DES

SYNONYMES FRANÇAIS

A

ABAISSEMENT, ABJECTION, BASSESSE. Ces mots expriment une idée commune de dégradation ou de déchéance. L'abaissement n'avilit pas l'abaissement volontaire de l'âme est même une vertu chrétienne; l'abaissement de la fortune, de la condition, de la faveur, du crédit, n'est qu'une diminution de certains avantages: il peut entraîner quelque humiliation sans rien ôter d'ailleurs à la considération due à la personne. Dans une autre ordre d'idées, l'abaissement du ton se dit de l'action de prendre un ton moins élevé, plus humble, plus soumis.

Les mots abjection et bassesse sont toujours pris dans un sens défavorable. Abjection dit plus que bassesse: ce mot exprime toujours une dégradation avilissante; on tombe dans l'abjection par ses vices. La bassesse de la naissance ne dépend pas de l'homme lui-même; la bassesse de la fortune, celle de la condition n'ont rien d'avilissant et ne penvent provoquer qu'une sorte de mépris relatif, qui tombe moins sur la personne morale que sur son état. Mais la bassesse de caractère est déjà de l'abjection; et une pensée basse, une action basse, sont absolument et essentiellement méprisables et honteuses. V. bas, abject, vil. ABAISSER (au propre) BAISSER. Abaisser, c'est proprement baisser à partir d'un point supérieur (9, page 4). Ainsi l'on dit abaisser, si le mouvement est considéré par rapport au point de départ, qui est le point supérieur; on dit baisser, s'il est considéré par rapport au point d'arrivée, qui est un point inférieur ou le point le plus bas possible. En d'autres termes, on abaisse une chose pour qu'elle ne soit pas si haute, et parce qu'elle est à un point trop élevé; on baisse une chose pour qu'elle soit basse, pour qu'elle arrive à un point qui est bas. Baisser un pont-levis, la visière d'un casque, un store, c'est faire arriver ces objets au point inférieur qu'ils doivent atteindre; les abaisser, c'est les placer, les fixer plus bas que le point où ils étaient.

On dit baisser pour une action ordinaire, qui se fait naturellement ou souvent et sans peine on dit abaisser, s'il s'agit d'une chose qui n'a pas coutume d'ètre baissée, du moins de la même manière, ou bien si l'action est remarquable et ne se fait pas naturellement et sans peine, ou enfin si elle se fait d'une manière particulière: Elle se mit à rougir, en baissant la paupière; Dès qu'une personne est morte, on abaisse ses paupières (Acad.).

ABAISSER, RABAISSER, HUMILIER, RAVALER, AVILIR RAVILIR. Abaisser, au figuré, c'est diminuer le prix, la valeur, la dignite, le mérite, la considération. Rabaisser, c'est abaisser davantage avec effort ou redoublement d'action (5, page 3). Abaisser exprime une action modérée : rabaisser, une action plus forte, un effet plus grand. On rabaisse ce qui est beaucoup trop élevé ou ce qu'on abaisse trop aussi ce mot convient très-bien en parlant du ton, de la présomption, de l'orgueil, de l'arrogance, qui prétendent à une hauteur démesurée.

Humilier, c'est rendre confus, honteux; c'est mortifier.

Ravaler, c'est faire tomber dans un abaissement profond, dans une sorte de bassesse, une personne, un objet qui était à une assez grande élévation. Ce mot exprime une opposition de situation, d'état, de condition.

Avilir signifie jeter dans l'abjection, rendre vil, méprisable; couvrir de honte, d'opprobre et d'infamie. Ravilir, c'est avilir à plusieurs reprises, avec un redoublement d'action, ou bien avilir de nouveau, rétablir dans l'avilissement primitif (5, page 3).

« On est abaissé par la détractation, dit Roubaud, rabaissé par le mépris, ravalé par la dégradation, avili par l'opprobre. De grands motifs nous engagent à nous humilier, à nous ravaler mème, aucun à nous avilir. L'homme modeste s'abaisse, le simple se rabaisse, le faible se ravale, le lâche s'avilit, le pénitent s'humilie ».

ABANDON, ABANDONNEMENT, RENONCIATION, RENONCEMENT, DÉSISTEMENT, DÉMISSION, ABDICATION. Le mot abandon exprime l'état d'une personne ou d'une chose abandonnée (19, page 6). Cependant abandon s'emploie quelquefois activement pour abandonnement; mais alors il marque l'action comme moins volontaire ou moins complète : tandis que l'abandonnement est l'action d'abandonner entièrement, sans réserve. D'autre part abandonnement s'emploie aussi dans le sens passif d'abandon; mais pour marquer un état actuel et passager, tandis qu'abandon exprime l'idée d'une manière plus absolue et marque un état habituel et permanent. Au figuré, dans le sens de sacrifice, résignation, on dit toujours abandon et non abandonnement.

Renonciation, est un terme de jurisprudence et d'affaires : il signifie l'abandon volontaire de droits ou de prétentions, et c'est ce qui distingue ce mot d'abandon et d'abandonnement, qui, comme termes

d'affaires, se disent de l'objet, des biens, des revenus, etc., et non des droits.

Renoncement est un terme de spiritualité et de morale chrétienne : c'est le détachement des choses de ce monde et de l'amour-propre. Désistement est un terme de Palais, signifiant l'action de se départir d'une poursuite, d'une demande, d'une plainte en justice. On donne ou l'on fait son désistement.

La démission est l'action de renoncer à l'exercice d'un emploi, d'une charge, d'un office, d'une dignité. L'abdication est l'action par laquelle on renonce volontairement à une dignité souveraine dont on est revètu. Les souverains seuls abdiquent; toute autre personne donne sa dé mission.

ABANDONNER, DÉLAISSER. Abandonner appliqué aux personnes exprime simplement l'action de les quitter ou bien de les laisser dans l'abandon. Délaisser dit beaucoup plus : le délaissement est l'abandon complet, absolu, d'une personne laissée dans une situation très-malheureuse, par ceux qui devraient cependant la consoler, la secourir, l'assister.

ABATTEMENT, ACCABLEMENT, DÉCOURAGEMENT. Chacun de ces mots exprime l'état de l'âme qui cède à la douleur morale; mais il y a en quelque sorte gradation entre eux. L'abattement n'est qu'une langueur momentanée que l'âme éprouve à la vue ou au premier sentiment d'un mal qui lui arrive. Il conduit quelquefois jusqu'à l'accablement, état de l'âme qui succombe sous le poids de ses peines. Dans le découragement l'âme n'a même plus la volonté de résister au malheur. Ce mot se dit aussi de cette faiblesse de l'âme ou plutôt de l'esprit, qui nous fait céder aux difficultés d'une entreprise commencée, et nous ôte le courage nécessaire pour la finir.

ABATTRE, RABATTRE. Au figuré, abattre signifie simplement l'action: Cette perte abattit son courage, sa fierté (Acad.). Rabattre signifie abattre avec force, en faisant des efforts pour vaincre toute résistance, s'il s'en présente (5, page 3). Ce mot s'emploie aussi, comme rabaisser, en parlant de l'orgueil, de la fierté, du ton, du caquet,

etc.

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ABATTRE, DÉMOLIR, RENVERSER, RUINER, DÉTRUIRE, RASER, DÉMANTELER. L'idée propre d'abattre est celle de jeter à bas on abat ce qui est élevé, haut. Celle de démolir est de rompre la liaison d'une masse construite 1: on ne démolit que ce qui est båti. Celle de renverser est de coucher par terre ce qui était sur pied: on renverse ce qui peut entièrement changer de sens ou

1. Démolir, du latin demoliri, racine moles, masse.

2. Renverser est le composé de verser, pris dans le sens de faire tomber sur le côté une charrette, un carrosse, des blés, etc.; il en étend la valeur, et il veut dire jeter par terre, changer entièrement la situation d'une chose, mettre le haut en bas (R.).

de direction. Celle de ruiner est de faire tomber par morceaux: on ruine ce qui se divise et se dégrade. Celle de détruire est de dissiper entièrement l'apparence et l'ordre des choses 1: on détruit tout ce qui est ouvrage et fait corps. L'action d'abattre, volontaire ou nécessaire, est plus ou moins vive et forte; elle se réduit quelquefois à un seul acte: vous abattez un arbre à coups de hache et un oiseau à coups de fusil. L'action de démolir, volontaire et fondée sur des convenances, est proportionnée à la résistance et successive: vous démolissez avec des instruments les étages d'une maison l'un après l'autre, et enfin ses fondations. L'action de renverser, tantôt volontaire, tantôt involontaire, est toujours forte et violente: on renverse une table sans le vouloir en la heurtant rudement, et un rempart à coups de canon. L'action de détruire, libre ou nécessaire, est puissante et opíniâtre le temps détruit tout, mais il se sert plutôt de la lime que de la faux. La première de ces actions produit la chute; la seconde, l'écroulement, la chute et les décombres; la troisième, une lourde chute, un rude choc et ses suites; la quatrième, la décadence, la dissipation, ou la dispersion et les débris; la dernière, détruire, produit la ruine complète, l'extinction, une sorte d'anéantissement (R.).

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On démolit par économie, pour tirer parti des matériaux et de l'emplacement, ou pour réédifier: on rase par punition, afin de laisser subsister un monument de la vindicte publique : on démantèle par précaution, pour mettre une place hors de défense; on détruit dans toutes sortes de vues, et par toutes sortes de moyens, pour ne pas laisser subsister. Un particulier fait démolir; la justice fait raser; un général fait démanteler une place qu'il a prise, et pour cela il en fait détruire les murailles et les fortifications (B.).

ABDICATION. V. Abandon.

ABÈTIR, RABÈTIR. Rabétir marque une action plus forte et suppose de la résistance ou des difficultés à surmonter (5, page 3). « Si, prenant un enfant au moment où sa raison commence à poindre, vous dirigez cette faculté de façon qu'elle s'exerce d'une manière contraire à sa destination primitive, vous l'abétissez. Si, lorsque la raison a déjà fait quelques progrès dans un jeune homme, vous en comprimez, vous en dépravez, vous en interrompez l'exercice naturel, vous le rabétissez » (L.). La paresse, la mauvaise éducation abétissent: une sévérité brutale rabétit les enfants.

ABHORRER, DÉTESTER. On abhorre ce qu'on ne peut souffrir par antipathie naturelle: on déteste ce que la raison ou le jugement condamnent ou désapprouvent.

« Une âme bien placée abhorre tout ce qui est bassesse et lâcheté : une personne vertueuse déteste tout ce qui est crime et injustice. Quel

1. Du latin destruere, contraire de struere, arranger, construire: d'où le mot français structure.

quefois on abhorre ce qu'il serait avantageux d'aimer; et l'on déteste ce qu'on estimerait, si on le connaissait mieux » (G.).

ABIME. V. Précipice.

ABJECT. V. Bas.

ABJECTION. V. Abaissement

ABJURER. V. Renoncer.

ABOI, ABOIEMENT. Aboi se dit particulièrement en parlant de la qualité naturelle du cri du chien: un chien qui a l'aboi rude, aigre, perçant; un aboi effrayant. Aboiement se dit plutôt des cris mèmes : de longs aboiements, des aboiements continuels. On dit : Faites cesser les aboiements de ce chien, et non pas, faites cesser son aboi ou ses abois (L.).

ABOLIR, ABROGER. Abolir se dit de bien des choses. des coutumes, des usages, des lois, etc.: abroger ne se dit que des lois, des décrets, des actes publics ayant force de loi. Le non-usage suffit pour l'abolition; mais il faut un acte positif pour l'abrogation: une loi tombée en désuétude est abolie de fait : elle ne peut être abrogée que par une autre loi ou par une déclaration formelle de l'autorité. ABOMINABLE. V. Détestable.

ABONDAMMENT. V. Beaucoup.

ABORDER, ACCOSTER, JOINDRE. On aborde ou l'on accoste quelqu'un pour lui parler (Acad.); mais accoster signifie proprement prendre ou saisir au passage. En conséquence on n'accoste que celui qui marche au dehors ou dans un lieu public; tandis qu'on aborde, soit au dehors, soit dans un salon, une personne qui est ou n'est pas en mouvement. De plus accoster, terme très-familier, ne se dit jamais à l'égard d'un supérieur ou de quelqu'un avec lequel on n'est pas sur le pied d'une grande intimité.

On joint les personnes, la compagnie dont on s'était écarté; on joint quelqu'un à l'endroit où l'on est sûr de le retrouver.

ABRI (A L'), A COUVERT. A l'abri présente l'idée de quelque chose qui défend, et à couvert l'idée de quelque chose qui cache, qui dérobe le premier dit moins que le second. «Quand on est surpris par la pluie, on se met à l'abri sous un arbre ou à couvert dans une grange, dans une maison. A couvert suppose donc plus de sûreté; et l'on peut dire, selon les circonstances, ètre à l'abri de la pluie ou ètre à couvert de la pluie. Au figuré, on trouve la mème différence. On est à l'abri de la haine, de la vengeance, lorsqu'on ne peut en être atteint; on est à couvert de la haine, de la vengeance, lorsqu'on ne peut être l'objet de ces sentiments » (L.).

Au propre on ne dit pas ètre à couvert, on dit être à l'abri du bruit, du vent, du besoin, des passions; mais à couvert convient mieux pour tout ce qui tombe d'en haut, attaque, poursuit ou persécute. ABROGATION. V. Abolir.

ABROGER. V. Abolir.

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