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classe des causes aveugles. Dans tous les cas, la furie est toujours un déchaînement de fureur; et vous distinguerez l'une de l'autre par le degré de déchaînement. Par la raison que furie marque les plus grands excès, ce mot ne peut être pris qu'en mauvaise part; au lieu que fureur, susceptible de modération, peut, avec des modifications particulières, se prendre en bonne part. Ainsi nous disons une noble fureur, une fureur divine : nous attribuons la fureur à Dieu mème; nous le prions de ne pas nous juger dans sa fureur ».

FURIBOND, FURIEUX. Furibond marque une fureur ou plutôt une furie plus violente et agissant avec plus d'impétuosité (53, page 17). Celui qui est furibond manifeste nécessairement sa furie : celui qui est furieux peut l'être dans son cœur sans le faire paraître au dehors. En second lieu, comme le dit l'Académie, le furibond est celui qui est sujet à de grands emportements de fureur, de colère; et furieux signifie simplement qui est en fureur.

Roubaud fait la même distinction et ajoute : « Celui-là est furibond, qui jamais n'est maître de lui-même; celui-là est furieux, qui cesse de l'ètre. Il y a dans le second un violent écart; et dans le premier, un vice de caractère ou d'humeur ».

Voilà pourquoi sans doute furibond ne se dit jamais des animaux, ni des choses qui n'appartiennent pas aux personnes; tandis que l'on dit un lion furieux, un vent furieux. En outre, furieux marquant un écart de l'esprit, se dit de la folie : « Un fou furieux ». On ne dirait pas un fou furibond, parce que furibond a trait au caractère. L'adjectif furieux se dit même quelquefois dans le sens de fou dangereux; c'est la signification qu'il a dans cette phrase de Montesquieu : « Avant Vespasien, l'empire avait été successivement occupé par six tyrans également cruels, tous furieux, et souvent imbéciles ».

Furibond et furieux s'emploient tous deux pour qualifier les traits, les gestes, etc.; mais suivant la remarque de l'Académie, furieux se dit de ce qui dénote simplement la fureur; et furibond de ce qui annonce une grande furie.

FURIE. V. Fureur.

FURIEUX. V. Furibond.

FUSIL. V. Mousquet.

FUSION. V. Fonte.

FUSTIGER. V. Fouetter.

FUTILE. V. Frivole.

FUTUR, AVENIR. Le futur est relatif à l'existence des êtres, et l'avenir aux révolutions des événements. On peut parler avec certitude des choses futures, et prédire celles d'un certain ordre par les seules lumières naturelles on ne peut que conjecturer sur l'avenir, et il est impossible de le prédire sans une révélation expresse. (B.)

Cette distinction est fondée sur la valeur propre des mots futur, temps du verbe étre, signifie ce qui sera, ce qui doit être il ex rime

donc l'existence. Avenir signifie ce qui est à venir, chose contingente, comme ce qui est à faire, à savoir, à venir ou arriver; il annonce donc les événements. La grammaire dit futur, parce qu'elle considère l'ordre nécessaire des temps la morale dit avenir, parce qu'elle considère surtout l'incertitude des choses. Ainsi des signes vagues et obscurs ne sont que de vains présages de l'avenir; mais des signes physiques et nécessaires sont des présages certains d'une révolution future dans l'ordre naturel. On dit fort bien les générations futures, les races futures, les siècles futurs; car ils seront comme le présent est on dira les changements à venir, les biens à venir, le bonheur à venir, lorsqu'on présentera les choses comme incertaines. L'astronomie prédit le futur, des éclipses, des conjonctions, des retours, ce qui en effet sera : la divination prédit l'avenir, des guerres, des morts, des succès, ce qui peut être ou ne pas ètre. On a fort bien dit hasarder le présent pour l'avenir; et on oppose fort bien la vie future à la vie présente. (R.)

FUYARD, FUGITIF. Fuyard, adjectif, signifie qui a coutume de s'enfuir (41, page 12): « Animaux fuyards; troupes fuyardes ». (Acad.) Il est aussi substantif et se dit au pluriel de gens de guerre qui s'enfuient du combat, pèle-mêle, précipitamment, et avec une sorte d'ardeur dans la fuite. Fugitif, adjectif ou substantif, signifie qui s'est enfui ou qui se trouve actuellement dans tel état, en fuite : « Un criminel fugitif: un esclave fugitif ». (Id.)

Le mot fugitif a tellement un sens attributif de qualité, de manière d'ètre, qu'il se dit au figuré de tout ce qui est rapide, passager, peu durable: « Une ombre fugitive; éclat fugitif; bonheur fugitif ». (Id.)

G

GAGER, PARIER. Gager, opposer dans une contestation gage gage, avec la convention que celui du vaincu sera le prix du vainqueur. Parier, risquer un objet contre un autre, avec parité ou égalité dans des cas incertains et aux mêmes conditions. La gageure est une espèce de défi accepté moyennant le gage convenu: le pari est une espèce de jeu joué ou censé joué but à but. Le défi de la gageure ressemble à celui du combat judiciaire, où l'assaillant jetait son gage de bataille : le jeu du pari ressemble à celui de pair ou non, où l'on met son argent au hasard d'un événement quelconque. — Vous gayez particulièrement, quand il s'agit de vérifier, de prouver, d'accomplir un point, un fait, dans la croyance ou la persuasion que votre opinion est bonne, que votre prétention est juste. Vous pariez parti culièrement, quand il s'agit d'événements contingents, douteux, dépen dants, du moins en partie, du hasard ou de causes étrangères, dans l'espérance ou l'augure que le sort favorisera votre parti, que votre parti l'emportera. Celui qui gage pèse les raisons, les motifs, les auto

rités : celui qui parie calcule les chances, les probabilités, les hasards de perte ou de gain. Si l'on vous conteste un fait, vous gagerez impatiemment qu'il est vrai : si les avis sont partagés sur un événement incertain, vous parierez par amusement pour ou contre. L'amourpropre est ordinairement plus intéressé dans la gageure que la cupidité; on veut avoir raison; la cupidité l'est bien davantage dans les paris; on veut gagner de l'argent. (R.)

GAGES, APPOINTEMENTS, HONORAIRES. « Gages n'est d'usage qu'à l'égard des domestiques et des gens qui se louent pendant quelque temps au service d'autrui pour des occupations serviles. Appointements se dit pour tout ce qui est place, ou qu'on regarde comme tel, depuis la plus petite commission 1 jusqu'aux plus grands emplois et aux premières dignités de l'État. Honoraires a lieu pour les maîtres qui enseignent quelque science ou quelques-uns des arts libéraux, et pour ceux à qui on a recours dans l'occasion pour en obtenir quelque conseil salutaire ou quelque autre service que leur doctrine ou leur fonction met à portée de rendre ». (G.)

Ainsi l'on dit les honoraires d'un avocat, d'un médecin, d'un professeur. Quant au mot appointements, il n'est plus guère usité que dans le commerce: hors de là il a été à peu près entièrement remplacé par le mot de traitement, surtout lorsqu'il s'agit de hauts emplois ou de dignités : « Traitement d'un ministre, d'un maréchal de France, d'un préfet »>.

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GAI, ENJOUÉ, RÉJOUISSANT. C'est par l'humeur qu'on est gai, par le caractère d'esprit qu'on est enjoué, et par les façons d'agir qu'on est réjouissant. Le triste, le sérieux et l'ennuyeux sont précisément leurs opposés. Notre gaité tourne presque entièrement à notre profit: notre enjouement satisfait autant ceux avec qui nous nous trouvons que nous-mêmes: mais nous sommes uniquement réjouissants pour les autres. · Un homme gai veut rire: un homme enjoué est de bonne compagnie : un homme réjouissant fait rire. (G.) GAIN, PROFIT, BÉNÉFICE, ÉMOLUMENT, LUCRE. L'idée commune est celle d'un avantage pécuniaire éventuel. Gain se dit aussi de la rémunération d'un travail non réglé : le commissionnaire du coin de rue, qui fait des courses, scie du bois, porte des fardeaux, etc., seulement quand on a recours à lui, compte le soir le gain de sa journée. Dans ce sens, gain n'est pas synonyme des autres mots : c'est faute d'avoir fait cette distinction que Laveaux reproche à tort à l'abbé Girard la définition que celui-ci a donnée du mot gain, et que voici : « Le gain est quelque chose de très-casuel, qui suppose du risque et du hasard : voilà pourquoi ce mot est d'un grand usage pour les joueurs ». De nos jours ce mot n'est même guère usité que pour indiquer ce que l'on a gagné au jeu.

1. Commission est pris ici dans le sens d'emploi, de charge commise, c'est-àdire confiée par un supérieur,

« Le profit est ce que l'on tire d'utile d'une chose, outre la valeur de la chose même. On tire du profit d'un verger par la vente des fruits : on tire du profit d'un cheval, d'une voiture, en les louant. » (L.) Mais profit se dit aussi de tout ce que l'on retire en sus du revenu fixe: c'est pourquoi les domestiques appellent profits les petites gratifications qu'ils reçoivent outre leurs gages. L'abbé Girard fait remarquer que l'on dit les profits d'une terre, pour exprimer ce qu'on en retire outre les revenus fixés par les baux.

Le bénéfice est le résultat avantageux d'une opération de commerce ou de banque. Je vends 100 fr. ce que j'ai acheté 90 fr.; j'ai 10 fr. de bénéfice. Dans les sociétés de commerce, on partage ordinairement le bénéfice au prorata des mises.

« L'émolument, dit l'abbé Girard, est affecté aux charges et aux emplois; marquant non-seulement la finance réglée des appointements, mais encore tous les autres revenants-bons. » Ce mot emporte donc l'idée non-seulement d'un traitement fixe, mais aussi de tous les profits attachés à l'emploi. Il se dit en outre, du profit que l'on retire accidentellement d'une affaire à laquelle on a pris part.

« L'idée de lucre a quelque chose de plus abstrait et de plus général que celle des autres mots, son caractère consiste dans un simple rapport à la passion de l'intérêt, de quelque manière qu'elle soit satisfaite : voilà pourquoi l'on dit très-bien d'un homme qu'il aime le lucre. » (G.) GAITÉ. V. Joie.

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GALIMATIAS, PHÉBUS. Ce sont des façons de parler, qui, à force d'affectation, répandent de l'embarras et de l'obscurité dans le discours. Quelle différence y a-t-il entre l'un et l'autre ? « Le galimatias, dit Bouhours, renferme une obscurité profonde, et n'a de soi-même nul sens raisonnable: le phébus n'est pas si obscur, et a un brillant qui signifie ou semble signifier quelque chose ». Tous ceux qui veulent parler de ce qu'ils n'entendent point, ne peuvent pas manquer de donner dans le galimatias; parce qu'on ne peut rendre d'une manière nette, claire et distincte, que des idées nettes, précises, et conçues distinctement. Ceux qui, sans avoir étudié les grands maîtres de l'art ni approfondi le goût de la nature, prétendent se distinguer par une élocution brillante, sont en grand danger de ne se distinguer que par le phébus; parce qu'il est naturel qu'ils jugent du mérite de leur expression par ce qu'elle leur a coûté, et qu'elle leur coûte d'autant plus qu'elle s'éloigne plus de la nature. (B.)

GARANT, CAUTION. V. Caution.

GARANT, GARANTIE. Garant se dit des personnes; il signifie alors répondant, qui se porte caution. (V. Caution.) Mais il se dit aussi des choses, dans le sens de sûreté, et alors il est synonyme de garantie. La différence essentielle qui distingue ces deux mots, c'est que garant désigne une chose que l'on présume avoir la vertu de garantir, et qui peut l'avoir ou non; tandis que la garantie est une sûreté que l'on

donne soi-même, un engagement formel que l'on prend. La garantie a donc une certitude que n'offre pas ce qui n'est que garant : « Sa conduite passée vous est un sûr garant de sa fidélité pour l'avenir; Il veut des garanties plus sûres; Il a d'excellentes garanties. (Acad.)

GARANTIR, PRÉSERVER, SAUVER. Garantir, mettre sous sa garantie, tenir dans sa sauvegarde, protéger contre l'injure, répondre de la sûreté. Préserver, pourvoir à la conservation, parer d'avance aux accidents, prémunir contre les dangers, veiller à la sûreté. Sauver, rendre sain et sauf, délivrer d'un mal, exempter d'un malheur. Ce qui vous couvre ou vous protége de manière à empècher l'impression qui vous serait nuisible, vous garantit. Ce qui vous assiste et vous prémunit contre quelque danger funeste, qui pourrait survenir, vous préserve. Ce qui vous délivre d'un grand mal ou vous arrache à un grand péril, vous sauve. Les vêtements qui vous couvrent vous garantissent des injures du temps. Les gens armés qui vous accompagnent vous préservent de l'attaque des voleurs. La nature, vigoureuse encore, et des remèdes qui la secondent vous sauvent d'une maladie. · On est garanti par la résistance; elle arrête, rompt ou amortit le coup. On est préservé par la vigilance; elle prévient, écarte ou dissipe le danger. On est sauvé par les secours; ils combattent, détruisent ou repoussent le mal. (R.)

GARDE, GARDIEN. « Ces deux mots marquent également une personne au soin ou à la garde de qui l'on a confié quelque chose. » (Girard.) Garde, comme mot simple, exprime simplement l'idée et par cela mème a un sens très-général : gardien, par sa terminaison, ajoute à l'idée commune celle d'office spécial et même de profession, ce que le mot garde ne peut signifier qu'avec le secours d'un déterminatif: garde des sceaux, garde du commerce, etc. Ensuite le garde remplit ses fonctions en suivant strictement les ordres prescrits par un supérieur, par un maître, par les lois, par des ordonnances: le gardien a ou n'a pas de supérieurs; mais de toute manière, il exerce son office en employant les moyens que de sa propre autorité il juge les plus convenables. << Il y a dans les prisons, dit Laveaux, des gardes, c'est-à-dire des soldats qui veillent à la sûreté extérieure, sous les ordres de leurs chefs; et des gardiens, c'est-à-dire des agents qui veillent à la sûreté intérieure et qui, par les moyens qu'ils jugent convenables, empêchent les détenus de s'évader. >>

De même le gardien d'un dépôt le garde comme il l'entend et n'a point à rendre compte de la manière dont il l'a fait le garde peut ètre repris pour s'être acquitté de ses fonctions d'une manière contraire aux ordres qui lui avaient été donnés.

« On dit un gardien et non un garde des scellés, parce qu'on impose uniquement à ce gardien l'obligation de représenter les scellés entiers, et que sur tout le reste on lui laisse une autorité pleine et entière. On dit garde et non gardien du trésor royal, parce que cet office exige

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