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élevé, sans toutefois ètre déraisonnable; un prix exorbitant est un prix qui dépasse toutes les bornes, et contre lequel proteste la raison.

Exorbitant ne saurait se dire des choses auxquelles l'homme ne peut assigner des limites: un vent, un froid sont excessifs et non exorbitants. Il ne se dit pas non plus des sensations, des sentiments, des passions, des facultés; une douleur, une joie, une ambition, ne sont pas exorbitantes, elles sont excessives.

EXCESSIF, IMMODÉRÉ. V. Immodéré.

EXCITER, INCITER, POUSSER, ANIMER, ENCOURAGER, AIGUILLONNER, PORTER. La plupart de ces mots ne sont synonymes que dans le sens figuré; et ils y sont assez indifféremment employés l'un pour l'autre, parce qu'on n'en prend que l'idée commune, peutètre souvent faute d'en avoir saisi les propriétés distinctives. - Dans exciter, la préposition ex marque particulièrement l'action de pousser dehors, en dehors; et la préposition in, dans inciter, celle de pousser intérieurement, et d'induire en action. Rigoureusement parlant, on excite à sortir d'un état, d'une situation; on incite à passer dans un autre. La grâce nous excite à sortir de l'état du péché; elle nous incite à rentrer dans la voie du salut. - Dans l'acception figurée dont il s'agit, exciter, c'est pousser vivement, presser fortement quelqu'un pour l'engager à poursuivre un objet, ou à le poursuivre avec plus d'ardeur. Inciter, c'est s'insinuer assez avant dans l'esprit de quelqu'un et le solliciter assez fortement pour le déterminer, l'attacher. l'entrainer, le porter à la poursuite d'un objet. Pousser, c'est donner une impulsion, imprimer des mouvements, forcer le penchant, prêter ses forces à quelqu'un pour le faire aller ou avancer plus vite vers un but. Animer, c'est inspirer une nouvelle activité, exciter une passion ou un sentiment vif dans l'âme de quelqu'un pour qu'il agisse avec empressement et avec constance. Encourager, c'est aider la faiblesse, élever le cœur, animer et ranimer le courage, donner une nouvelle énergie à quelqu'un pour que rien ne le détourne d'un objet, ou ne l'arrête dans sa poursuite. Aiguillonner, c'est piquer quelqu'un dans les endroits sensibles, le solliciter avec des traits perçants, l'exciter par les moyen les plus pressants, pour qu'il fournisse une carrière. Porter, c'est déterminer le penchant ou la volonté de quelqu'un, l'emporter par son ascendant, le mener sans résistance, disposer en quelque sorte de lui, et lui faire faire ce qu'on veut.- On excite celui qui ne songe point à la chose, celui qui manque de résolution, celui qui agit languissamment, celui qui s'arrête ou se rebute. On incite celui qui n'est pas disposé à la chose, qui ne s'y intéresse guère, qui ne s'y attache pas, qui ne la prend pas à cœur. On pousse celui qui ne veut pas ou ne veut que faiblement la chose, celui qui balance, celui qui ne se hâte pas, celui qui agit mollement. On anime celui qui manque du côté de l'âme, celui qui ne sent pas vivement, celui qui manque de chaleur et d'ardeur. On encourage celui qui est lâche et timide, celui qui se défie

de lui-même, celui qui s'exagère les difficultés, celui qui se lasse, celui que les mauvais succès rebutent. On aiguillonne celui qui ne peut vaincre sa paresse ou son inertie, celui qui est d'une humeur récalcitrante, celui qui va mollement ou nonchalemment, celui qui succombe ou qui se cabre. On porte celui qui est dominé ou subjugué, celni qui a un caractère trop facile, celui qui se laisse mener plutôt que de se conduire lui-même, celui qui est seulement mû comme un être passif. (R.)

EXCURSION, INCURSION, IRRUPTION. Excursion, dit l'Académie, course au dehors; incursion, course des gens de guerre en pays ennemi. En effet ex signifie hors, au dehors; et in signifie en, dans (9 et 6, page 4). Dailleurs excursion vient du latin excurrere, courir hors de; et incursion vient d'incurrere, courir dans, vers ou sur.

Ainsi excursion convient toutes les fois que l'on a en vue le point de départ, le lieu d'où l'on sort; et incursion, lorsque l'on a présent à l'esprit le lieu où l'on se porte. Ces mots se disent non-seulement des expéditions d'hommes armés, mais aussi des courses, des voyages que l'on fait dans un pays; ils s'emploient en outre au figuré.

Le mot irruption est formé aussi de la préposition in; mais son radical qui vient du latin ruptum, supin de rumpere, rompre, le distingue parfaitement de son synonyme incursion.

« L'irruption, dit Roubaud, est l'action de rompre, de forcer les barrières, et de fondre avec impétuosité sur un nouveau champ, pour y porter et y répandre le ravage. L'incursion est faite, comme une course, dans un esprit de retour; et l'irruption est un acte de violence fait dans un esprit de destruction ou de conquête. Un peuple barbare fait des incursions dans un pays pour le piller; il y fera des irruptions pour s'en emparer, s'il le peut, ou pour le dévaster, tant qu'il ne sera pas repoussé ».

EXCUSE, PARDON. On fait excuse d'une faute apparente: on demande pardon d'une faute réelle. L'un (excuse) est pour se justifier, et part d'un fond de politesse; l'autre est pour arrèter la vengeance ou pour empêcher la punition, et désigne un mouvement de repentir. (G.)

EXÉCRABLE. V. Détestable.

EXECRATION. V. Imprécation.

EXÉCUTER. V. Réaliser.

EXEMPLES (IMITER ou SUIVRE LES). V. Suivre.
EXEMPTION. V. Immunité.

EXHAUSSER. V. Élever.

EXIGU, PETIT. Exigu veut dire fort borné, moins grand, plus petit qu'il ne devrait ètre. C'est une sorte d'ellipse. On dit un repas exigu, une somme exigué, un logement exigu, c'est-à-dire insuffisant. On dira que les moyens d'un homme sont exigus au moral et au physique, pour exprimer qu'il manque d'esprit et de biens: en un mot

c'est l'insuffisance que ce mot rappelle, plutôt que la petitesse. Petit exprime l'état réel de petitesse, sans désigner l'insuffisance, à moins qu'il ne soit comparé. On dira, c'est un petit enfant, on ne dira pas qu'il est exigu, à moins qu'en parlant de ses proportions on ne veuille dire qu'il a la poitrine, la capacité trop exiguë. La fortune d'un homme est petite, il pourra vivre; si elle est exiguë, elle ne suffira pas, de quelque économie qu'il use. (R.)

EXILÉ, BANNI, RÉFUGIÉ, PROSCRIT. « Selon l'usage relatif à nos mœurs, l'exil est prononcé par un ordre de l'autorité, et le bannissement par un jugement de la justice. Le bannissement est la peine infamante d'un délit jugé par les tribunaux : l'exil est une disgrâce encourue sans déshonneur. L'exil vous éloigne de votre patrie, de votre domicile: le bannissement vous en chasse ignominieusement. Les Tarquins furent bannis de Rome par un décret public; Ovide fut exilé par un ordre d'Auguste ». (R.)

Réfugié et proscrit se disent des personnes qu'un parti politique contraire, après s'être rendu maître du pouvoir, a forcées de quitter leur patrie et de chercher leur sûreté à l'étranger. Le proscrit diffère du réfugié en ce que son nom a été porté par le pouvoir sur une liste de proscription, liste rendue publique et ayant un caractère officiel. Du reste, le mot de proscrit, pas plus que celui de réfugié n'emporte aucune idée de flétrissure; car malheureusement il n'arrive que trop souvent comme l'a dit un poëte,

Que les proscripteurs de la veille
Sont les proscrits du lendemain.

EXISTER. V. Être.

EXORBITANT. V. Excessif.

EXPÉDIENT, RESSOURCE. L'expédient est un moyen de se tirer d'embarras ou de lever une difficulté quelconque la ressource est un moyen de relever d'une chute ou de sortir d'une grande détresse. La ressource supplée à ce que nous avons perdu ou à ce qui nous manque; l'expédient vient à bout de ce qui s'oppose à nous, de ce qui résiste. L'expédient facilite le succès; la ressource remédie au mal. - La ressource agit plus en grand et avec une plus grande vertu, et dans des conjonctures plus critiques que la ressource. Dans l'embarras des finances, moyen qui ne fait face qu'aux besoins du moment n'est qu'un expédient; celui qui étend sa bénigne influence sur l'avenir est une ressource. (R.)

le

EXPÉDITIF. V. Diligent.

EXPÉRIENCE, ESSAI, ÉPREUVE. L'expérience regarde proprement la vérité des choses; elle décide de ce qui est ou de ce qui n'est pas, éclaircit le doute et dissipe l'ignorance. L'essai concerne particulièrement l'usage des choses; il juge de ce qui convient ou ne convient pas, en fixe l'emploi, et détermine la volonté. L'épreuve a plus de

DICT. DES SYNONYMES.

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rapport à la qualité des choses; elle instruit de ce qui est bon ou mauvais, distingue le meilleur, et guérit de la crainte d'être trompė. Ainsi l'expérience est relative à l'existence; l'essai, à l'usage; l'épreuve, aux attributs. Nous nous assurons par l'expérience si la chose est; par l'essai, quelles sont ses qualités; par l'épreuve, si elle a la qualité que nous lui croyons. (Enc.)

EXPLIQUER. V. Eclaircir.

EXPLOIT. V. Prouesse.

EXPOSITION, EXPOSÉ. Il y a entre ces deux mots à peu près la même différence qu'entre énonciation et énoncé. L'exposition consiste surtout dans la forme, dans la manière dont les choses sont exposées; l'exposition admet des développements, entre dans les détails; l'exposé consiste dans le fond même des choses; il est simple, nu, succinct, froid, comme un procès-verbal.

EXPRÈS, EXPRESSÉMENT. Exprès signifie à certaine fin, à dessein, avec intention : « Il le fait exprès pour me fàcher ». (Acad. ) Expressément signifie en termes exprès : « Je lui avais défendu expressément de faire telle chose ». (Id.)

EXPRESSION. V. Mot.
EXPRIMER. V. Énoncer.

EXTENUER. V. Atténuer.

EXTÉRIEUR, DEHORS, APPARENCE. L'extérieur est ce qui se voit de la chose; il fait partie de la chose, mais la plus éloignée du centre. Le dehors est ce qui environne; il n'est pas proprement de la chose, mais il en approche le plus. L'apparence est l'effet que la vue de la chose produit; ou l'idée qu'on s'en forme par cette vue. Les toits, les murs, les jours et les entrées, font l'extérieur d'un château; les fossés, les cours, les jardins et les avenues en font les dehors; la figure, la grandeur, la situation et le plan de l'architecture en font l'apparence Dans le sens figuré, extérieur se dit plus souvent de l'air et de la physionomie des personnes; dehors est plus ordinaire pour les manières et pour la dépense; et apparence semble être plus d'usage à l'égard des actions et de la conduite. L'extérieur prévenant n'est pas toujours accompagné du vrai mérite. Les dehors brillants ne sont pas des preuves certaines d'une fortune solide. Les pratiques de dévotion sont des apparences qui ne décident rien sur la vertu. (G.) EXTÉRIEUR, EXTERNE, EXTRINSÈQUE. V. Intérieur, interne. EXTIRPER, DÉRACINER. De stirps (souche), avec la préposition ex (hors), extirper, arracher la souche ou une plante avec la souche. De radix (racine), avec la préposition de, déraciner, arracher les racines, une plante avec ses racines. Ainsi, rigoureusement parlant, on extirpe ce qui est implanté, ce qui tient à une forte souche: on déracine ce qui est enraciné, ce qui tient par des racines. Une dent est déracinée sans être arrachée : un polype n'est extirpé qu'autant qu'il est enlevé avec toutes ses racines. L'action d'extirper

demande toujours une force et un effort que n'exige pas toujours l'action de déraciner; car il n'y a souvent, pour déraciner, qu'à détacher des racines faibles et superficielles, au lieu que pour extirper, il faut enlever le corps entier, et arracher une souche plus ou moins forte et capable de résistance. - Au figuré, ces mots signifient détruire entièrement des choses surtout pernicieuses, des abus, des maux, des habitudes, des erreurs, des hérésies, etc. On déracine ce qui a jeté des racines profondes: telles sont les habitudes invétérées; on les déracine en détruisant ce qui les produit et les nourrit. On extirpe ce qui a pris beaucoup de consistance et de force, des passions, par exemple; on les extirpe en les détruisant sans en laisser aucune trace. (R.) EXTRAORDINAIRE. V. Singulier.

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FABRICATEUR, FABRICANT. Un fabricant est un homme qui fait ou qui fait faire des ouvrages de fabrique : « Un fabricant de bas, de chapeaux » (Acad.); ce mot ne s'emploie qu'au propre. Fabricateur ne se prend qu'en mauvaise part, et ne se dit guère au propre que dans ces phrases: fabricateur de fausse monnaie, de faux billets de banque. Cependant La Fontaine a dit : « Le fabricateur souverain nous créa besaciers tous de même manière ». On le dit aussi figurément : « Fabricateur de fausses nouvelles ». (Acad.)

FABRIQUE, FABRICATION. Manière dont les choses sont fabriquées. Le mot fabrique exprime le résultat de la fabrication; il est relatif à la qualité de l'objet fabriqué: « La fabrique en est belle, en est bonne ». (Acad.) Le mot fabrication est relatif à l'opération et aux procédés employés (20, page 7) : « La fabrication de cette étoffe est soignée ». (Id.)

FABRIQUE, MANUFACTURE. La fabrique roule plutôt sur des objets plus communs et d'un usage plus ordinaire; la manufacture sur des objets plus relevés et d'une plus grande recherche. On dit des fabriques de bas, de bonnets; et des manufactures de glaces, de porcelaines; des fabriques de draps communs, et des manufactures de draps superfins. Il y a des manufactures royales et non des fabriques royales. Dans le même genre de fabrication ou d'ouvrage, la fabrique est une manufacture en petit; et la manufacture est une fabrique en grand. Mais il ne faut pas toujours s'en rapporter aux noms; le faste ne prouve pas la richesse: le mot de fabrique est donc modeste; manufacture est un grand mot. (R.)

FABULEUX, FAUX. Fabuleux (du latin fabula, fable) qui tient de la fable, de la fiction, de l'invention. On appelle histoire fabuleuse

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