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xviij NOTE SUR PAUL-LOUIS COURIER. royales, il est fort à désirer, peu à espérer que sa famille, nous ne disons point publie, mais ne les détruise pas.

Ayant eu le bonheur de connaître Courier, nous voulions ajouter un mot sur ses manières si franches et si simples, sur sa conversation si spirituelle et si originale, sur son caractère si droit et si ferme. A la réflexion, nous trouvons qu'il vaut mieux lui laisser ce soin à lui-même. Qu'on le lise; on aura vécu avec lui.

DES PAMPHLETS POLITIQUES

ET OPUSCULES LITTÉRAIRES

DE PAUL-LOUIS COURIER,

ANCIEN CANONNIER A CHEval.

ÉLOGE D'HÉLÈNE TRADUIT D'ISOCRATE (1).

A MADAME CONSTANCE PIPELET.

DANS ces derniers jours que j'ai passés, à mon grand regret, Madame, sans avoir

(1) Ce petit discours d'Isocrate renferme beaucoup de traits, qui ne peuvent être sentis, moins qu'on n'ait quelque connaissance de la Mythologie grecque et de ce genre d'éloquence fort goûté chez les anciens. On l'a traduit pour une personne parfaitement instruite de toutes ces choses, et pour qui les éclaircissements, que d'autres pourraient désirer, eussent été fastidieux. C'est ce qui a empêché d'y joindre aucu

ne note.

l'honneur de vous voir, j'étais seul à la campagne. Là, ne sachant à quoi m'occuper, j'essayai de traduire quelques morceaux des auteurs de l'antiquité. Je croyais m'amuser à écrire en ma langue ce que je lisais avec tant de plaisir dans ces langues anciennes, et n'avoir qu'à mettre des mots pour des mots, quitte de tout soin quant à la pensée. Mais je me trouvai bien trompé. J'avais beau chercher des termes, je ne pouvais rendre à mon gré ce qui, dans mes auteurs, paraissait tout simple; et plus le sens était clair et naturel, plus l'expression me manquait. Cependant, soit obstination, soit défaut d'autredistraction, soit dépit de trouver au-dessus de mes forces un travail qui m'avait paru d'abord si facile, je fis vou, quoiqu'il m'en coûtât, de mettre à fin la traduction que j'avais commencée d'un petit discours grec. C'était l'éloge d'Hélène, composé par Isocrate; et pour soutenir mon courage dans cette entreprise, il me vint une idée, que vous appellerez comme il vous plaira; pour moi, je la trouve un peu chevaleresque, si j'ose le dire. Ce fut de me figurer que je travaillais pour vous, Madame; que vous verriez avec plaisir cette copie, quelque faible qu'elle fût, d'un si beau modèle ; qu'ayant peint Sapho en vers dignes d'elle, vous ne

seriez pas indifférente au portrait d'Hélène, de la plus célèbre des belles, à laquelle vous deviez, par le même esprit de corps, vous intéresser aussi bien qu'à la dixième muse. Tout cela, comme vous voyez, Madame, n'était qu'une fiction dont je me servais pour tromper ma propre paresse, par ce chimérique espoir de vous plaire; car, au fond, j'avais résolu de ne jamais vous en parler. Mais admirez le pouvoir de l'imagination! je ne me fus pas plutôt mis cette fantaisie dans l'esprit, que les difficultés disparurent; et ce que je n'eusse pas fait en toute ma vie, peut-être, sans cette illusion, fut l'ouvrage de quatre jours.

Maintenant je devrais m'en tenir à ma première résolution, et vous cacher le miracle que vous avez fait, de peur que vous n'en ayez honte. Cependant, si cette lecture pouvait vous amuser un quart-d'heure seulement, ce serait quelque chose pour vous, Madame, et beaucoup pour moi. S'il arrive le contraire, je ne serai pas plus coupable que les gens à la mode, les acteurs merveilleux, les écrivains sublimes, le jeu, les journaux, l'opéra, qui vous ennuient bien tous les jours et à qui vous le pardonnez. D'ailleurs, je me souviens d'avoir lu, qu'autrefois le comte de Bussy, se trouvant à la campa

gné, comme moi, militaire aussi désœuvré queje l'étais à L***, traduisit, de l'antique, les amours d'Hélène, et qu'encore qu'il n'eût écrit que pour amuser son loisir, il ne laissa pas d'adresser ce qu'il avait fait, si ce fut à madame de Sévigné, ou bien à Madame de Lafayette, je ne sais, et peu importe; suffit que ce fut à une femme de beaucoup d'esprit. Je ne suis pas Bussy; mais, Madame, il est beau de vouloir l'imiter, comme a dit un poète; je l'imite fort bien en ce que je vous adresse ceci, moins heureusement sans doute dans le reste; mais c'est de quoi vous allez juger; car, sans y penser, vous voilà comme engagée à m'écouter.

Mais avant d'entendre Isocrate lui-même, il est bon que vous sachiez à quelle occasion il composa ce discours. Un autre orateur de ce temps-là, dont le nom n'est pas venu jusqu'à nous, ayant prononcé publiquement l'éloge d'Hélène, Isocrate, peu satisfait de ce qu'il en avait dit, voulut traiter le même 'sujet. Remarquez, je vous prie, Madame, ce trait de l'ancienne galanterie. Au milieu des troubles de la Grèce, menacée des armes de Philippe, et déchirée par les factions, ces orateurs dont l'éloquence gouvernait le peuple et l'état, suspendaient les grandes discussions de la paix et de la guerre, et ajour

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