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l'attente. Mais à côté de ce tableau de gloire et de force, il, Virginie, l'aînée de la famille, est une aimable enfant, je

entrevoyait de grandes misères ; et quelques lignes échap-
pées à sa plume prouvent jusqu'à quel point il fut frappé
de la tristesse de ce prince, qui remplissait l'univers de sa
renommée. La paix, disait-il, a relâché les ressorts de
» cette ame, que l'adversité avait teadus ; il est tombé peu
» à peu dans une mélancolie profonde : le passé ne lui rap-
» pelle que destruction, l'avenir ne lui présente qu'incer-
» titude. Il accable son peuple d'impôts, et ses soldats
» d'exercices. Il admet toutes les religions dans ses états,
>> et ne croit à aucune; il ne croit pas même à l'immorta-
» lité de l'ame. Il vit dans les infirmités, entouré d'enne-
» mis, haï de ses sujets, insupportable à ses troupes, sans
» amis, sans maîtresse, sans consolation dans ce monde,
» sans espérance pour l'autre..... A quoi servent donc,
» pour le bonheur, l'esprit, les talents, le génie, un trône
» et des victoires'? »

La vie était fort chère à Berlin, le diner le plus simple y coûtait un ducat; et M. de Saint-Pierre n'aurait pu y prolonger son séjour si un ami ne lui eût ouvert sa maison. Cet excellent homme se nommait Taubenheim; il était conseiller du roi et régisseur de la ferme des tabacs, ce qui lui donnait de l'aisance, mais ne l'enrichissait pas. M. de Saint-Pierre le rencontra chez le prince Dolgorouski, ambassadeur de Russie, et, dès leur première entrevue, ils se trouvèrent si pris, si connus, si obligés entre eux, que, pour continuer à parler le langage de Montaigne, rien dès lors ne leur fut si proche que l'un à l'autre. Taubenheim pouvait avoir une cinquantaine d'années; il conçut pour notre voyageur cette tendresse d'un père qui, voyant son fils en âge de raison, se rapproche de sa jeunesse et veut en faire un ami. Sa maison était vaste, gothique, environnée de jardins, et située à quelque distance de la ville. Il y conduisit M. de Saint-Pierre, et lui fit donner un appartement, en lui disant : « Vous voilà chez vous. C'était une ame à la vieille marque; ses mœurs, ses habitudes avaient quelque chose de patriarcal, et sa vie était comme une continuation de la vie de ses aïeux. Tous les moments qu'il pouvait dérober à ses affaires il les passait dans la solitude, occupé de la culture de son jardin et de l'éducation de ses enfants. Celte éducation était simple: il donnait l'exemple; on le suivait. Chaque soir il lisait en famille un chapitre de la Bible; et notre voyageur, ému de ces lectures, ému de l'attention respectueuse du jeune auditoire et de l'air solennel de Taubenheim, croyait retrouver dans cette scène un tableau vivant des premiers jours du monde. Ce qui ajoutait à son illusion, c'est que depuis les temps les plus reculés rien n'était changé dans ce séjour. C'étaient les mêmes meubles, les mêmes tentures, la même table de noyer autour de laquelle avaient passé plusieurs générations; c'étaient aussi les mêmes cœurs et la même jovialité. On ne voyait point là des vertus apprises, mais on y voyait des vertus héréditaires, et la simplicité de ces bonnes gens offrait un spectacle digne des regards du cie!.

Cette vie patriarcale adoucissait les souvenirs de M. de Saint-Pierre. Souvent il disait à son ami : « Que votre sort est digne d'envie! vous ignorez les soucis de la fortune et de l'ambition ; vous vivez d'une vie naturelle, et vous ne desirez rien au-delà. Que je voudrais pouvoir jouir d'une pareille félicité!-Eh bien! disait le bon Taubenheim, il faut rester avec nous et cultiver notre jardin : nous avons du blé, des légumes, des œufs, du laitage, et mes filles savent filer le lin qui croît dans nos champs. Voyage en Prusse.

vous la donnerai, afin que vous soyez mon fils, et vous verrez combien il est facile d'ètre heureux. » A ces offres vingt fois répétées, M. de Saint-Pierre ne répondait que par des soupirs: le bonheur qu'il admirait ne lui suffisait plus. La douleur lui faisait desirer le repos, et le repos lui devenait insupportable dès qu'il pouvait en jouir. « Hélas! disait-il long-temps après, comment aurais-je accepté une compagne et un père, lorsque, loin de ma patrie, je ne pouvais plus disposer de mon cœur ? »

Virginie était simple et charmante; elle n'avait point encore cette timidité, première parure de l'adolescence, et qui nait en même temps que le desir de plaire. Sa flgure ingénue formait un contraste aimable avec la vivacité qui animait tous ses mouvements. On l'entendait toujours chanter, on la voyait toujours courir; sa voix était fraîche, sa démarche légère; tout l'égayait, la touchait, la charmait. Vive et folâtre, elle conservait à quinze ans les graces et la naïveté de l'enfance; elle en aimait encore les jeux, il ne fallait qu'une fleur pour l'occuper, qu'un papillon pour la distraire, et, dans sa candeur virginale, elle ne croyait pas qu'il y eût de plus grande joie au monde que celle d'être aimée de son père.

M. de Saint-Pierre admirait ses graces, sa naïveté, sa pureté, et soudain ses yeux se remplissaient de larmes en songeant à la princesse. Alors il disait à son ami : « Mon cœur n'est plus susceptible d'amour : une passion insensée a usé ses forces. Il faut que je sois bien malbeureux, puisque l'innocence n'a plus d'attrait pour moi. » En parlant ainsi, il tombait dans les accès d'une profonde tristesse, que l'amitié la plus tendre ne pouvait pas toujours dissiper. C'est alors que ses regards se tournèrent vers sa patrie; il sentit le besoin de la revoir, et de se rapprocher de son père, dont une maladie lente lui faisait craindre la perte. Les efforts de Taubenheim pour le retenir furent inutiles; il partit : mais les jours pleins de calme qu'il avait passés près de ce véritable sage ne sortirent jamais de sa pensée, et rien n'est plus touchant que les lettres que ces deux hommes, nés pour s'aimer, s'écrivirent jusqu'à la fin de leur vie.

C'est ainsi qu'égaré par ses passions, errant de contrée en contrée, M. de Saint-Pierre trouva partout des amis qui accueillirent son infortune. Les temps d'abandon et de misère lui firent connaître les ames les plus belles et les plus généreuses. Il arrivait inconnu, pauvre, sans appui, et cependant bientôt il était aimé : c'était comme un dédommagement que la Providence donnait à ses douleurs, car plus tard les hommes semblèrent s'éloigner de lui à mesure que la gloire l'environnait de son éclat. Aussi le souvenir des amitiés faites loin de la

patrie avait pour lui une douceur inexprimable : c'est sur ce souvenir qu'il jugeait les hommes; et lorsque, devenu l'objet de la calomnie, il sentit le poids de leur injustice, il n'oublia jamais qu'il les avait vus bons au temps pénible de ses malheurs. Mais dans le nombre des amis protecteurs de son inexpérience, deux surtout avaient captivé sa tendresse : c'étaient Duval et Taubenheim. Heureux d'avoir rencontré de pareils hommes, il voulait consacrer dans son Amazone le souvenir de leurs vertus et de sa reconnaissance. Mais si tant de

gloire leur a été refusée, ne sufût-il pas, pour les faire honorer, de rappeler l'amitié qu'ils surent inspirer à Bernardin de Saint-Pierre ?

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Suivant l'usage du pays, notre voyageur partit de Berlin dans un chariot de poste découvert. Un soir, assoupi par la fatigue, il lui sembla que son postillon ral ntissait le pas des chevaux, et qu'il s'entretenait à voix basse avec plusieurs hommes. Ces hommes parlaient allemand. M. de Saint-Pierre comprenait un peu cette langue; il entendait confusément former un complot; on parlait de voyageur, de vol, d'assassinat; enfin le postillon disait à voix basse que, forcé de rester à la première poste, il enverrait Fresque le bon compagnon. Oppressé par un poids terrible, M. de Saint-Pierre s'éveille avec effort; il saisit machinalement ses pistolets, et regarde autour de lui; mais les chevaux galopaient, le postillon chantait, et la route était déserte. Persuadé que tout ce qu'il venait d entendre était l'effet d'un songe, il y attacha peu d'importance; mais que devint-il lorsque, arrivé à la première poste, il entendit donner le nom de Fresque au postillon qui devait le conduire ? La figure sinistre de cet homme n'était pas faite pour le rassurer ; cependant il s'obstinait à partir, et déjà il était monté dans le chariot, lorsque, par un coup de la Providence, trois étudiants de Leipsick, qui se rendaient à Cassel, demandèrent à se placer auprès de lui. Ces jeunes gens parlaient latin avec beaucoup de facilité la conversation s'engagea dans cette langue, et M. de Saint-Pierre, préoccupé de son prétendu songe, leur en conta toutes les circonstances. Pendant ce récit, le postillon s'égarait dans les routes obscures d'une forêt, où il s'arrêta tout à coup, sous prétexte qu'il n'avait pas le nombre de chevaux prescrit par l'ordonnance. Cet accident fit naître un débat qui ne se serait pas terminé sitôt si la lune,en se levant à la cime de la forêt, n'eût éclairé fort distinctement trois hommes immobiles, et la carabine à la main. Aussitôt les étudiants firent briller leurs armes, et M. de Saint-Pierre, se précipitant sur le postillon, lui donna l'ordre de partir, en appuyant le bout d'un pistolet contre sa tête. Get argument eut sans doute la force de le persuader; car, sans mot dire, il remit ses chevaux au galop; et les brigands, qui ne s'attendaient pas à trouver si nombreuse compagnie, se contentèrent de tirer deux coups de carabine dont les balles sifflèrent aux oreilles des voyageurs.

Arrivé à Cassel, M. de Saint-Pierre se sépara de ses compagnons pour se rendre à Francfort. Chemin faisant, il s'amusait à rédiger les notes de son voyage; mais il étudiait peu la nature; sou ambition, égarant son génie, ne lui permettait d'observer que les mœurs des nations et les formes de leurs gouvernements. Sous ce rapport, l'Europe entière lui présentait les tableaux les plus affligeants. Il n'avait vu en Russie que des grands et des esclaves; la Prusse ne lui offrait qu'une multitude de petites ambitions courbées devant une ambition supérieure; la Hollande n'était qu'un vaste entrepôt de marchandises, divisé en boutiques, en comptoirs, en magasins, où l'on trouvait des commis, des Juifs, des marchands et peu de citoyens. Chaque législation semblait fondée sur un vice ou sur une passion. En Russie, on n'estimait que les grades, en Hollande l'industrie, à Malte le courage, en Pologne le plaisir, en Autriche le nombre des quartiers, l'or partout.

Enfin il revit la France. Toucher la terre de la patrie après un si long exil, c'était revivre. L'aspect des arbres qui lui étaient connus, les collines couvertes de riches vignobles, les cris des vendangeurs, la joie d'entendre des accents français, tout remplissait son ame d'une inexprimable émotion. Chaque compatriote, à qui il lui suffisait d'adresser la parole pour en être compris, lui paraissait un frère qui venait l'accueillir. Cette terre, qu'il avait dédaignée, OEUVRES POSTHUMES.

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était maintenant le seul lieu où l'on pût vivre, et il ne voyait dans le reste du monde qu'une suite de contrées barbares. Mais combien d'idées tristes venaient se mêler à ses élans de joie ! Dans cette patrie qu'il aime, il ne doit retrouver ni ami ni parent! Ah! si ce clocher qui s'élève de ce bouquet de sapins était celui qui sonna sa naissance ! si cette maison couverte de lierre était celle où il reçut la vie! si parmi ces bonnes gens qui s'acheminent vers l'église il reconnaissait son père et sa mère, avec quels transports il tomberait à leurs pieds! comme il presserait dans ses bras leurs genoux tremblants! il leur dirait: Voilà le fils dont vous alliez demander le retour au ciel; ouvrez-lui votre sein, accueillez-le dans votre maison, pardonnez-lui d'avoir cherché le bonheur loin de vous. Mais sa mère, mais sa marraine ne sont plus! Il ne pourra jamais donner ni recevoir tant de joie ! Ses larmes coulent, et elles ne seront point essuyées par des mains maternelles ! En vain ses regards cherchent autour de lui; personne ne le reconnait, aucune voix chérie ne l'appelle! Où est sa sœur ? où sont ses frères, où sont les amis de son enfance, pour recevoir ses premiers embrassements? Tout lui manque à la fois; il semble que des générations se soient écoulées depuis son départ : il arrive dans sa patrie, et il est seul !

Il espérait trouver à Paris des lettres de Pologne; il en trouva une de Normandie, qui lui annonçait la mort de son père. Alors, cédant au desir de revoir les lieux où il avait été enfant, il partit pour le Havre, où il arriva à onze heures du matin, le 20 novembre 1766. Au premier aspect il ne reconnut rien. La ville lui semblait plus petite, les maisons moins hautes, les rues moins larges; il cherchait les lieux témoins de ses premiers plaisirs, et ne pouvait les reconnaître. On rapporte tout à soi : c'était lui qui n'était plus le même, et il s'affligeait de voir tout changé. Il arrive dans la vie ce qui arrive sur un fleuve pendant qu'il vous entraîne : vous croyez que tout ce qui est autour de vous chemine, et que vous seul restez immobile. A peine eut-il quitté la voiture publique, que ses pas se dirigèrent vers la rue qu'avait habitée son père. Il la parcourait avec une tendre inquiétude, cherchant en vain à ressaisir les traits des gens du voisinage : il ne reconnaissait personne, personne ne le reconnaissait. Le cœur serré de son isolement dans le lieu mème de sa naissance, il reprenait tristement le chemin de son auberge, lorsque ses yeux s'arrêtèrent sur une vieille femme qui filait devant la porte de sa maison. Ses traits effacés par l'âge lui rappelèrent cependant ceux de Marie Talbot, de cette bonne fille qui avait pris soin de son enfance. Frappé de cette ressemblance, il s'approche pour lui adresser la parole; mais à peine a-t-elle entendu le son de sa voix, qu'elle le regarde, et s'écrie avec un accent de surprise et de tendresse que rien ne peut rendre : « Ah! mon maitre ! est-ce bien vous que je revois ? » et avec une vivacité inouïe à son âge elle jette sa quenouille, renverse son rouet, et se précipite dans ses bras. M. de Saint-Pierre l'embrasse, la presse contre son cœur, et croit un moment avoir retrouvé avec cette bonne vieille toutes les joies de son enfance. Mais que cet éclair de bonheur fut rapide! La pauvre Marie, devenue plus tranquille, lui disait tristement: « Ah! monsieur Henri, les temps sont bien changés ! votre père est mort, vos frères sont allés aux Indes ; je suis seule, seule ici! - Et ma sœur, dit M. de Saint-Pierre avec anxiété, vous a-t-elle aussi abandonnée? - Votre sœur a quitté la ville pour se retirer à Honfleur, dans un couvent sur les bords de la mer. Cela est triste, car elle est si jolie et si bonne ! Mais est-il bien vrai, monsieur, que je vous revois? Vous avez été si loin! comment avez-vous

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pu revenir? On disait que vous étiez au service de l'impératrice, que le roi de Prusse vous menait à la guerre, que vous aviez fait fortune; et cela, je l'ai toujours prédit, car vous aimiez tant les gros livres ! Cependant chaque jour je príais Dieu pour vous, et je lui demandais de vous revoir avant de mourir.- Bonne Marie, je n'ai pas fait fortune, mais j'ai toujours eu le desir de vous faire du bien. --Oh! je n'ai besoin de rien, Dieu merci! Le bon Dieu ne m'a jamais abandonnée, et je ne suis pas si pauvre que je ne puisse aujourd'hui vous offrir à dîner. » Puis de ses mains laborieuses et tremblantes elle prit le bras de son jeune maître, et dit en le guidant vers la maison : « Ici il n'y a plus que moi pour vous recevoir ! pourquoi avonsnous perdu votre boune mère ! C'était à elle de vivre, et à moi de mourir : elle eût été si heureuse de revoir son fils! Mais Dieu l'a rappelée, il faut que sa volonté soit faite. » En disant ces mois, elle ouvrit la porte de sa pauvre demeure. Un lit de paille, une table, un vieux coffre et deux mauvaises chaises confposaient tout son ameublement; il y régnait cependant un air de propreté qui écartait l'idée de la misère. M. de Saint-Pierre y entra avec un sentiment de joie et de respect que son cœur n'avait point encore éprouvé. Sa vieille bonne le fit asseoir, et, nouvelle Baucis, elle s'empressa de ranimer le feu, et de couvrir sa table d'un linge blanc, mais un peu usé :

Il ne servait pourtant qu'aux fêtes solennelles !

On cût dit à son zèle, à son activité, qu'elle avait recouvré sa jeunesse, et M.de Saint-Pierre croyait encore la voir aller et venir dans la maison de son père. Cette petite scène lui rappela les jours de son enfance. Cependant la pauvreté de cette bonne vieille l'affligeait, et il se mit à la questionner pour savoir comment elle se trouvait dans un pareil délaissement. «Oh! ce n'est pas la faute de monsieur votre père, dit-elle; il voulait que je restasse à la maison; mais je ne pouvais n'y résoudre à cause de sa nouvelle femme ça me faisait trop de mal de la voir à toutes les places où j'avais vu ma pauvre maîtresse. Un jour je demandai mon compte, et je vins ici; voilà que dans les commencements j'étais si triste, que je ne pouvais me tenir au travail; je passais et repassais tout le jour devant la maison, comme si les pierres avaient pu me parler. Le reste du temps je ne faisais que pleurer, j'en avais presque perdu les yeux; mais maintenant, grace à Dieu, je ne pleure plus. Et en prononçant ces mots elle essuyait avec le coin d'un tablier de serpillière de grosses larmes qu'elle ne pouvait retenir. Pendant qu'elle parlait ainsi, M. de Saint-Pierre avait bien de la peine à lui cacher les siennes; il admirait comment la seule confiance en Dieu empêchait cette bonne vieille de sentir son malheur, et il l'entendait avec surprise, du sein de la plus profonde misère, remercier la Providence de ses bienfaits. Un spectacie aussi touchant ne fut pas per du pour notre voyageur. « C'est une pauvre fille, disait-il souvent, qui m'a éclairé sur les voies de la Providence; elle avait mis en Dieu la même confiance que j'avais mise dans les hommes, et ja. mais je n'ai vu une ame si tranquille dans une situation si malheureuse. Son exemple m'a été plus utile que celui de nos prétendus sages; et ses paroles si simples m'en ont plus appris que tous les livres des philosophes. » En effet, les livres des philosophes nous apprennent à braver nos maux, mais non à vivre avec eux; comme si le destin des êtres les plus heureux sur la terre n'était pas toujours de vivre avec la douleur!

Après quelques minutes d'entretien, Marie Talbot posa sur la table un morceau de gros pain, une cruche de cidre,

une omelette, et un peu de fromage. Ensuite elle ouvrit son coffre, et en tira un verre ébréché qu'elle posa doucement auprès de son hôte, en lui disant : « C'est celui de votre mère. » Il le reconnut en effet, et cette vue le remplit d'une telle émotion, qu'il ne pouvait manger, et que des larmes involontaires venaient mouiller ses yeux. Alors, voyant que sa bonne se tenait debout pour le servir, il lui dit de se mettre à table à côté de lui; mais ce ne fut pas sans peine qu'il parvint à l'y décider. Enfin elle prit une chaise, et ils commencèrent à manger en parlant des temps passés. Peu à peu leurs idées s'égayèrent; mille traits charmants revenaient à la mémoire de Marie Talbot; la vie de son petit Henri était comme une partie de la sienne; elle lui rappelait son admiration pour les hirondelles, sa fuite dans le désert pour se faire ermite, comment il aimait les livres, comment il les perdait.

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Oui, ma bonne Marie, lui dit M. de Saint-Pierre, je les perdais, et vous m'en achetiez de votre argent, je ne l'ai point oublié. -Dame, monsieur Henri, vous étiez si joli, si caressant, et vous aviez un si bon cœur ! Lorsque je vous menais à l'école, vous n'étiez encore qu'en jaquette, si nous rencontrions un malheureux, vous me disiez: Marie, donne-lui mon déjeuner ; et quand je ne le voulais pas, vous vous fâchiez contre moi. Un jour, vous vous avançâtes d'un air menaçant, et en fermant le poing, contre un charretier qui maltraitait son cheval: c'est que vous alliez l'attaquer tout de bon ! Un autre jour, vous vouliez vous battre avec une troupe d'enfants qui avaient cassé la jambe d'un pauvre chat; et j'eus bien de la peine à les tirer de vos mains. » Ainsi cette bonne fille ramenait insensiblement la pensée de M. de Saint-Pierre vers une époque que le souci de vivre avait presque effacée de sa mémoire; et tous ses souvenirs venant à se réveiller à la fois, il l'accablait de questions sur ses anciens camarades, sur les amis de son père, et sur tous ceux qui l'avaient aimé. Les uns avaient quitté le pays, les autres étaient morts, un petit nombre avait fait fortune: mais la bonne Marie prétendait que ceux-là étaient devenus si fiers, qu'ils ne parlaient volontiers à personne. Enfin elle lui apprit la mort du frère Paul, cet aimable capucin qui faisait de si jolis contes; et M. de Saint-Pierre donna quelques larmes à sa mémoire. Après tous ces récits, Marie Talbot témoigna le desir d'apprendre à son tour ce que son maitre avait fait dans ses voyages. Elle lui demandait si les gens de par là étaient bons, s'il y faisait froid, si on y buvait du cidre, si le pain y était cher; et comme si cette dernière question eût fait retomber sa pitié sur elle-même, elle se reprit à pleurer amèrement. Ces pleurs émurent M. de Saint-Pierre jusqu'au fond de l'ame, et lui firent sentir d'une manière bien cruelle la folie de tant de courses

inutiles, qui l'avaient ramené plus pauvre que jamais sous le toit de la pauvre Marie. Assis à ses côtés, il ne regrettait ni les grandeurs de la Russie, ni les délices de la Pologne; ce qu'il eût voulu ressaisir de lui-même, c'étaient les premières émotions de son enfance, et les mouvements si purs d'une ame encore innocente. Au milieu de l'agitation de ses pensées, cédant tout à coup au sentiment qui le pénètre, il embrasse cette pauvre fille avec une grande effusion de cœur, et prend entre le ciel et lui l'engagement de ne jamais l'abandonner, quelle que fût d'ailleurs sa position et sa fortune: engagement qu'il remplit avec une exactitude religieuse, dans le temps même où il n'avait d'autre revenu qu'une pension de mille francs; et, pour commencer, il tire sa bourse, la verse sur la table, et partage sur l'heure avec sa bonne tout ce qu'il possédait. D'abord elle repoussa l'argent : « Je n'ai besoin de rien,

disait-elle; je gagne six sous par jour, et je puis encore faire de petites économies. » M. de Saint-Pierre insista, elle fut obligée de céder; mais elle reçut l'argent avec indifférence; et on voyait que c'était uniquement pour complaire à son maître. Il faut avoir entendu raconter cette scène à M. de Saint-Pierre lui-même pour se faire une idée de tout ce qu'elle lui fit éprouver. Il en avait retenu jusqu'aux plus petites circonstances, et les expressions si simples de la pauvre Marie ne sortirent jamais de sa mémoire.

Pressé d'embrasser sa sœur, il s'embarqua pour Quillebeuf le même soir, dans un bateau qui devait ensuite se rendre à Honfleur. Marie l'accompagna jusqu'au rivage, et il la vit longtemps les yeux attachés sur la chaloupe, et cherchant par des signes à prolonger leurs adieux. La nuit étant venue, il s'enveloppa de son manteau, et dans une situation d'ame difficile à comprendre, il ne voyait ni le ciel, ni la mer, ni les voyageurs qui allaient et venaient autour de lui. Cependant un bruit formidable vint rompre tout à coup le charme de sa rêverie; il crut un moment que l'abime s'ouvrait pour engloutir sa frèle embarcation; mais les matelots paraissaient tranquilles, et se contentaient de se ranger à la côte. On était alors près de l'embouchure de la Seine: ayant jetė les yeux sur la vaste étendue de ce fleuve, il vit avec effroi ses eaux couvertes d'écame se soulever comme une montagne, et remonter vers leur source avec une vitesse que l'œil ne pouvait suivre. Une seconde montagne, plus élevée, plus rapide, suivait en mugissant la première; et ces deux masses effroyables, repoussant le fleuve devant elles, semblaient le rejeter tout entier du sein de la mer. M. de Saint-Pierre a décrit ce phénomène dans le premier livre de l'Arcadie, où il est le sujet d'une fable charmante, que les Grecs, comme il le dit lui-même, n'auraient pas désavouée,

Il arriva à Honfleur le lendemain, et s'achemina aussitot vers le couvent de sa sœur, dont on lui montra de loin le clocher gothique, qui s'élevait à mi-côte à l'entrée d'un bois. Déja le jour commençait à tomber. Le mois de novembre est, surtout en Normandie, l'époque la plus triste de l'année. L'air y est humide et froid, l'horizon chargé de brouilla rds; les ruisseaux ne roulent qu'une eau trouble et jaunâtre, les arbres achèvent de se dépouiller, et l'on entend sans cesse siffler les vents, et bruire la mer qui ronge ses rivages. Ces effets de l'automne faisaient une impression d'autant plus profonde sur l'ame de M. de Saint-Pierre, qu'elle était déja plus vivement ébranlée. Arrivé aux portes du couvent, il s'arrêta avec un saisissement pénible, en songeant que cet asile était celui de sa sœur, et qu'après tant d'années d'absence, loin de lui apporter des consolations,fil allait peut-être troubler son repos. Il se disait avec amertume : « Pourquoi n'ai-je pas appris à conduire une charrue, à cultiver un champ? je pourrais dire à ma sœur et à ma vieille bonne : Venez vivre avec moi, vous partagerez mon sort, vous jouirez de mes travaux. Mais je n'ai rien à leur offrir, et je dois les quitter encore. » En se livrant à ces réflexions, il arriva à la porte du couvent ; mais il était trop tard pour entrer; et tout ce qu'il put obtenir, ce fut de passer la nuit dans la chambre des hôtes. Heureux d'ètre sous le meme toit que sa sœur, il dormit peu, et vingt fois il ouvrit sa fenêtre pour épier les premiers rayons du jour. Enfin, après la prière du matin, il put faire annoncer son arrivée, et bientôt sa sœur fut dans ses bras. La première pensée de cette pauvre demoiselle fut de supplier son frère de ne plus quitter la France, et de lui permettre de vivre auprès de lui. M. de Saint-Pierre, touché de

cette marque de tendresse, lui raconta une partie de ses aventures, et promit de tout tenter pour obtenir un emploi dans sa patrie qui les mit à mème de se réunir. En attendant, il céda à sa sœur plusieurs petites rentes sur son patrimoine; et après une semaine dont tous les moments lui furent consacrés, il revint tristement chercher fortune à Paris.

L'hiver s'écoula en démarches inutiles. On lui promettait toujours du service; mais comme il était sans protecteurs, les promesses n'avaient aucun résultat. Tantôt on lui demandait six mois, tantôt on lui demandait un an, tantôt on lui conseillait de se retirer dans son patrimoine.

Voilà où j'en suis, écrivait-il à M. Hennin; ai-je » donc des ennemis, moi qui n'ai offensé volontaire»ment personne; dont la vie, tout à fait retirée, ne se répand point au dehors; dont les talents sont sans éclat » et sans réputation, et dont la fortune est bien peu digne » d'envie?

,

» Malgré tant de traverses, je n'ai point perdu courage. » Je trace, comme le bœuf, ce pénible sillon qu'on ap» pelle la vie, sans regarder devant ni derrière moi; et quand je serai au bord du fossé, il faudra faire la cul» bute1. »

Vers le commencement du printemps, il loua une chambre chez le curé de Ville-d'Avray, et se retira dans ce petit village pour mettre en ordre ses Voyages dans le Nord. Sa sœur lui avait donné un chien épagneul qu'il aimait beaucoup; c'était son seul compagnon; et souvent, pour se délasser de ses travaux, il s'égarait avec lui dans les landes isolées de Saint-Cloud. Mais la solitude ne lui était pas bonne; elle nourrissait sa passion, en lui offrant partout l'image de celle qu'il ne pouvait oublier. Un jour, quelques affaires le conduisirent à Versailles ; on y célebrait des réjouissances publiques : comme il était dans les jardins, au milieu de la foule qui se pressait en attendant le feu d'artifice, ayant levé les yeux vers les fenêtres du château, il crut reconnaître la princesse Marie. Plus it la contemple, plus il se persuade de la réalité de cette vision : ce sont ses beaux cheveux blonds, ses yeux bleus et spirituels; voilà bien sa douce physionomie, la simplicité élégante de ses vêtements. Bientôt sa vue se trouble, son cœur bat avec violence; ses regards ont rencontré les regards de la princesse; elle sourit, elle le reconnaît. Ah! sans doute c'est pour lui seul qu'elle a quitté la Pologne. Alors, dans une espèce de délire, il tente de percer la foule ; mais ses efforts sont inutiles : des milliers de chaises barrent tous les passages. Le feu d'artifice commence, l'attention générale se dirige vers ce brillant spectacle, et au moment où le bouquet éclate dans les airs, la princesse quitte la fenêtre et disparaît. Soutenu par l'espérance de la retrouver à la porte du château,il se précipite à travers les flots de spectateurs; ses regards avides la cherchent de tous côtés, et ne la rencontrent nulle part; enfin il s'aperçoit que la file nombreuse des équipages a disparu, que la foule s'est écoulée, qu'il est seul sur la place. Toutes les horloges frappent successivement minuit, et l'on ne voit plus que quelques sentinelles qui se promènent silencieusement aux portes du château.

Cependant le chagrin de n'avoir pu rejoindre la princesse cède à l'espérance de la retrouver. Il vole à Paris ; là, il s'enferme dans sa chambre, et n'ose plus en sortir.

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Chaque voiture qu'il entend le fait tressaillir; au plus léger bruit, il s'élance vers sa porte, se précipite vers l'escalier, et reste accablé en ne la voyant pas. Après huit jours d'attente, il se décide à aller trouver une personne qui avait conservé des relations avec la cour de Stanislas, et il est tout surpris d'apprendre que la princesse n'a pas quitté la Pologne, et que, de retour à Varsovie, elle vit dans une assez grande solitude. Il avait donc été la dupe d'une illusion! Cette certitude ne fit qu'accroitre sa douleur; il lui semblait perdre son amante une seconde fois, et la secousse fut si violente, qu'il ne put y résister. La fièvre alluma son sang; il tomba dans le délire, et pendant plusieurs jours on craignait pour sa vie. Dès qu'il eut repris connaissance, son premier soin fut d'éloigner sa garde et son médecin : la vue des hommes lui était insupportable, et il ne voulait plus mettre sa confiance qu'en Dieu seul cette confiance lui rendit le courage. Son corps guérit, mais son ame resta toujours malade: plus de vingt ans après, il ne pouvait voir une femme de la taille et de la tournure de la princesse sans s'abandonner aussitôt à de nouvelles espérances, sans éprouver un nouveau cha grin en reconnaissant son erreur. « Combien de fois, disait-il, étonné de sa propre faiblesse, combien de fois je l'ai vue jeune, belle, adorable, lorsque déja le temps avait effacé tous ses charmes ! » Enfin la mort de la princesse, dans un âge avancé, eut seule le pouvoir de le délivrer de ces douloureuses illusions.

Ses Mémoires, si souvent repris, si souvent abandonnés, se trouvaient enfin achevés. Résolu de les présenter au ministre, il se rendit chez M. Durand, premier commis des affaires étrangères, homme en faveur, qu'il avait vu en Po ogne, et qui devait mieux qu'un autre apprécier son travail. M. Durand l'accueillit gracieusement, s'étonna de le voir sans place, fit l'éloge de ses talents, et y ajouta tant de promesses flatteuses, que M. de Saint-Pierre se crut décidément sur le chemin de la fortune. Cependant, au bout d'un mois, n'entendant parler de rien, il se présenta chez son protecteur : il était sorti. Le lendemain, nouvelle visite, aussi inutile que la première. Il | courait à Versailles, il courait à Paris, allait, venait, se chagrinait, s'étonnant de bonne foi du guignon qui le faisait toujours arriver cinq minutes trop tard. Un jour enfin il vit M. Durand qui descendait de voiture, et sans doute il en fut aperçu. On ne pouvait refuser sa visite, on se prépara donc à le recevoir. Après quelques minutes d'antichambre, M. de Saint-Pierre est introduit; il trouve le premier commis étendu sur un canapé, tenant à la main les Mémoires de son protégé, et paraissant absorbé dans leur méditation.

Vous le voyez, dit-il en venant à lui, je m'occupe sans cesse de vous en vérité, je ne puis me détacher de votre ouvrage, il est plein d'intérêt ; j'en ai parlé au ministre, il doit le lire. Quel excellent tableau de la Prusse! vous avez de fort bonnes vues; le portrait du roi de Pologne est admirable; vous osez prédire la division de ce royaume1, cela est hardi; vous connaissez les hommes, on le voit bien. Il y a dans ces Mémoires des idées administratives, politiques, morales; je réponds de votre fortune. Cependant, monsieur...-Vous pouvez compter sur ma promesse. Il y a plus d'un mois que j'attends.... Ah! je vous demande encore une quinzaine.» Bref, M. de Saint Pierre, qui connaissait si bien les hommes, admiré, flatté, caressé, sortit de chez son protecteur encore plus ravi

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Cette division prédite par M. de Saint-Pierre ne tarda pas à avoir lieu. Voyez le Voyage en Pologne, à la fin du volume.

que la première fois. La quinzaine fut longue, elle dura plusieurs mois, à la fin desquels les Mémoires se trouvèrent égarés; le protecteur s'en était servi pour se protéger lui-même, et il ne resta à M. de Saint-Pierre d'autre consolation que celle d'admirer l'habileté administrative d'un homme qui recevait les solliciteurs à peu près comme le don Juan de Molière reçoit ses créanciers.

Cependant il ne perdit pas courage. Le comte de Mercy, dont il avait servi les projets en Pologne, venait d'arriver à Paris; il se présenta à son hôtel, mais il fut reçu avec tant de froideur, que Rulhière, qui était présent, et qu'il avait beaucoup vu en Russie, crut prudent de ne pas le reconnaître.

Peu de jours après, il se rendit chez M. le baron de Breteuil. Ce seigneur l'avait très bien accueilli à Pétersbourg, et l'accueillit très bien à Paris. Fatigué de tant de sollicitations inutiles, M. de Saint-Pierre lui témoigna le desir de passer aux colonies. Le baron approuva ce projet, et promit d'en parler au ministre de la marine. Comme il s'entretenait de cette expédition future, M.de Rulhière entra: il était toujours secrétaire intime de M. de Breteuil. L'aspect de M. de Saint-Pierre parut d'abord l'embarrasser; mais voyant que son patron le traitait bien, il ne se souvint plus de ce qui s'était passé chez le comte de Mercy, et avec cette politesse excessive que les ames confiantes prennent trop souvent pour de l'intérêt, il s'avança vers M. de Saint-Pierre, le reconnut, et l'accabla de compliments et de protestations. Celui-ci fit semblant de le croire, lui pardonna et le méprisa.

Peu de temps après, M. de Breteuil annonça à notre solliciteur qu'il venait de le placer à l'Ile-de-France, en qualité d'ingénieur; puis, le tirant à part, et baissant la voix comme pour lui faire une confidence: « Mon cher chevalier, lui dit-il, si vos idées ne sont pas changées depuis le temps où vous vouliez fonder une colonie sur les bords du lac Aral, ce qui me reste à vous apprendre vous sera fort agréable; seulement je vous recommande le secret. Sachez donc que votre brevet est pour l'Ile-deFrance, mais que votre destination véritable est Madagascar. Vous serez chargé de relever les murs du fort Dauphin, et de civiliser la colonie. Cette île, la deuxième du monde pour la grandeur, est divisée en une multitude de petites nations qui se font la guerre, et que les Européens n'ont jamais pu soumettre. C'est vous qui devez les réunir, non par la puissance des armes, mais par celle de la sagesse : c'est en leur offrant le spectacle du bonheur que vous les attirerez à vous, et que vous les donnerez à la France.

Cette proposition inattendue remplit M. de Saint-Pierre de joie et de surprise. Les idées de législation, d'ambition, de république, qui depuis longtemps sommeillaient dans son cœur, se réveillèrent avec tant de vivacité, qu'il fit passer une partie de son enthousiasme dans l'ame de M.de Breteuil. Dès lors tous ses maux furent oubliés ; l'avenir ne lui présenta qu'une longue suite de bonheur, et il ne songea plus qu'à son départ. Rulhière le présenta au chef de l'entreprise : c'était un colon de l'Ile-de-France, chevalier de Saint-Louis, esprit vif et léger, qui débitait de belles maximes de politique et d'humanité, et qui parlait de civiliser Madagascar comme il aurait parlé d'un changement de décoration à l'Opéra. Il pénétra bien vite le genre d'esprit de M. de Saint-Pierre, et s'y plia adroitement en flattant ses projets. Ce dernier s'était mis à lire Flaccourt, afin de prendre une idée juste du pays. Il était charmé des richesses naturelles que ce voyageur a décrites, et se proposait de les accroître en y portant les richesses

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