Page images
PDF
EPUB

connaissance, me disaient d'une manière bien intelligible: il y a ici un Dieu prévoyant.

HARMONIES VÉGÉTALES

DU SOLEIL ET DE LA LUNE.

Si les rayons du soleil et de la lune sont réfractés par l'air, reflétés par les eaux, réfléchis par la terre; s'ils sont réverbérés même par les simples murs des jardins et des maisons, de manière que l'atmosphère des villes en est sensiblement réchauffée, il n'est pas douteux que leur chaleur ne doive s'accroître considérablement par les feuilles des végétaux disposées par plans innombrables dans les herbes et dans les arbres. J'ai observé en effet que lorsque notre hémisphère se couvre de ses réverbères végétaux, au mois d'avril, l'accroissement de la chaleur est beaucoup plus rapide que dans les mois qui le précèdent et dans ceux qui le suivent. Cet adoucissement subit de température a fait donner à ce mois le nom d'avril, du mot latin aperire, ouvrir, et le surnom de doux, à cause de sa chaleur qui le rend singulièrement remarquable au sortir de l'hiver. Il la doit à ce nombre infini de feuilles réverbérantes qui sortent toutes à la fois de leurs bourgeons, et qui réfléchissent les rayons du soleil par leurs plans. Nous avons remarqué, dans nos Études, que les arbres du nord, tels que les sapins, avaient leurs tiges pyramidales et leurs feuilles vernissées pour augmenter cette réverbération, et que la plupart des arbres à tête horizontale de la zone torride les avaient ternes en dessous pour l'affaiblir.

peu fréquentées, et les arbres du nord y croissent si vite, que nous fûmes obligés, pour les parcourir, de quitter nos voitures, et d'envoyer en quelques endroits faire des abattis, afin d'y passer à cheval. Ainsi, non seulement la nature a ordonné les harmonies végétales, mais elle s'occupe sans cesse à les entretenir, malgré les travaux des hommes. Elle réunit, par elles, les contrées qu'ils cherchent en vain à se partager. Nous apercevions souvent, entre les troncs sombres des sapins et blancs des bouleaux, un lac avec ses îles; ou bien nous entendions de loin les bruyantes cataractes, dont les eaux se précipitaient du nord au sud, comme toutes celles de ce pays, qui élève ses divers plans vers le pôle. L'Ile-de-France m'a offert des aspects tout différents. J'en ai fait le tour à pied, le long de la mer. Je marchais par un sentier frayé, au milieu d'une prairie d'un vert glauque, formée d'un chiendent maritime, dont les tiges rampantes, semblables à des paquets de ficelle, sont terminées par des houppes de feuilles dures et piquantes. Cette herbe, très propre à résister à la violence et à l'âpreté des vents de mer, forme une grande lisière autour de l'île, où elle n'est interrompue que par des bocages de lataniers, qui y donnent de l'ombre, et présentent la même résistance aux tempêtes. Les forêts de l'intérieur de l'île ne croissent pas à plus d'un quart de lieue du rivage. Souvent je les côtoyais, et j'y distinguais des groupes de benjoins et de tatamaque, de bois de fouge et de, bois d'olive, de bois de ronde et d'ébéniers, et d'une multitude d'autres arbres dont les noms m'étaient inconnus. Des palmistes élevaient au milieu d'eux leurs longues flèches, sur- J'attribue à l'effet des premières une partie de montées de leurs panaches toujours mobiles, tan- la chaleur des étés du nord ; je l'ai trouvée si condis que les lianes grosses et longues comme des sidérable en traversant les forêts de la Russie, de câbles tapissaient leurs lisières de vastes courtines Moscou à Pétersbourg, que je ne doute pas qu'elle de feuillages, et, s'enlaçant avec leurs troncs, ne surpasse celle de la zone torride que j'ai trales défendaieut contre la fureur des ouragans. Des versée deux fois. Je ne suis point surpris qu'un rivières qui descendaient en torrents des mon- physicien anglais ait prétendu prouver, par les tagnes à travers ces bois, y ouvraient çà et là de observations du thermomètre, que la somme de profondes avenues d'eaux mugissantes sous de ma- la chaleur était la même sous l'équateur et sous gnifiques arcades de verdure. Elles alimentaient les cercles polaires. Elle est sans contredit plus des végétaux jusqu'à leur embouchure, souvent grande au nord en été, si on compare la tempéraobstruée par des mangliers qu'agitaient les flots de ture d'un lieu pris dans une forêt de sapins, à la mer, tandis que des veloutiers voisins contras- celle d'un lieu pris en pleine mer sous l'équateur, taient avec eux au sein aride des roches. Plus parceque les plans réverbérants des feuilles lusd'une fois, assis au pied d'un arbre dans ces vastes trées des sapins ont une bien plus grande étendue forêts, je me suis livré aux plus douces médita- que la surface de l'Océan dans un horizon de la tions, à la vue de leurs rameaux couverts de fruits, même grandeur. Il serait très curieux de calculer bercés par les brises marines, et peuplés de singes la somme et la différence; on pourrait en conet d'oiseaux de toutes les couleurs. Ces murmures clure celle de leur température. Ou sait que ce forestiers, ces cris et ces chants de joie et de re- | fut par le simple effet de miroirs plans dirigés

vers un seul point, qu'Archimède brûla les vais-astre, lorsqu'il y en a tant qui nous représentent seaux des Romains les uns après les autres. Cer- des figures d'insectes, d'oiseaux, et de têtes d'atainement on ne peut attribuer les chaleurs ex- nimaux et d'hommes? C'est aux botanistes qu'apcessives de Pétersbourg en été à la simple action partient le soin de ces recherches curieuses, quoidu soleil, qui n'est pas plus de vingt heures sur que plusieurs fois ils aient foulé aux pieds les l'horizon. Il faut donc y ajouter quelque cause ré- vérités les plus communes sans les apercevoir. verbérante, et on la trouvera dans les feuilles lustrées de ses forêts.

Il n'est pas douteux que les reflets de la terre n'augmentent la chaleur du soleil. Une île est plus chaude que la mer qui l'environne, celle qui est montueuse l'est plus que celle qui est unie, et celle qui est boisée que celle qui est unie. Il semble que la lumière sorte des végétaux éclairés du soleil en plein midi. Alors les sommités des épis d'un champ et des graminées d'une prairie paraissent toutes lumineuses, la végétation des plantes s'accroit par leurs reflets. Un épi de blé mûrit plus tôt dans une moisson qu'isolé, et les barbeaux fleurissent plus vite parmi les blés qu'en bordure dans les jardins.

Mais ces effets de la réverbération sont surtout sensibles dans les fleurs ce sont des réverbères qui renvoient les rayons solaires de toutes parts; elles paraissent proportionnellement plus grandes que le reste du végétal qui les porte. Voyez un rhododendron ou un rosier fleuri, vous croiriez qu'une flamme est attachée à chacune de leurs fleurs; une lumière sensible s'en fait apercevoir au loin. Il est impossible qu'il ne sorte pas aussi quelque chaleur des fleurs. Façonnées en miroirs plans, concaves, paraboliques, et quelquefois vernissées, comme celles de nos bassinets, elles produisent encore plus fortement que les simples feuilles les effets des murs et des ados de nos jardins.

Il est possible qu'il y ait des fleurs entièrement patronnées sur le soleil. Nous en trouvons dans les orchis qui imitent la forme d'une abeille, d'autres des figures humaines, et sont pour cet effet appelées personnées. Pourquoi n'y en auraitil pas qui, dans leur intérieur, contiendraient une topographie de l'astre du jour, qui a sur elles tant d'influences? Les asters sont rayonnants comme des astres, dont ils portent le nom. La marguerite, comme nous l'avons vu, imite dans son disque entouré de pétales et couvert de fleurons, un des hémisphères de la terre avec son équateur et ses genres de végétaux disposés en spirales. Il est possible qu'une fleur renferme dans son sein le plan même du soleil que nous refusent nos télescopes. Pourquoi n'y en aurait-il pas où seraient figurés les premiers linéaments de cet

Nous avons vu aux harmonies du soleil avec les végétaux, qu'ils en tiraient presque toutes leurs qualités; que les fleurs de quelques uns, exposées tout le jour à la lumière, devenaient phosphoriques la nuit, telles que celles de la capucine bisannuelle; que c'était au soleil d'une part, et à l'homme de l'autre, que leurs genres étaient ordonnés; que leurs fruits lui devaient en grande partie leurs couleurs et leurs saveurs ; que leurs bois étaient des espèces d'éponges qui s'imbibaient. de ses rayons pendant l'été, et nous les rendaient en feu l'hiver dans nos foyers; que c'était à ces rayons qu'étaient dues leurs lueurs phosphoriques, lorsqu'ils se décomposent d'eux-mêmes; et qu'enfin ils portaient des marques évidentes des influences du soleil, par les couches annuelles dont ils se revêtent chaque année. Nous ne récapitulons ici ces harmonies passives que pour réunir toutes celles de la puissance végétale avec le soleil. Nous en agirons de même pour celles qu'elle a avec les autres puissances.

Les végétaux ont aussi, comme nous l'avons vu ailleurs, des rapports très marqués avec la lune. J'ai parlé des cercles concentriques des racines de quelques plantes, qui expriment le nombre de leurs mois lunaires, comme ceux des arbres celui de leurs années solaires. Je vais ajouter ici une observation que j'ai faite depuis peu sur les harmonies luni-solaires des arbres mêmes.

J'ai remarqué dans un morceau de planche de bois d'orme, bien poli, douze rangées de fibres parallèles dans chacun des faisceaux qui composaient la coupe longitudinale des couches annuelles de son tronc. Sept ou huit de ces rangées de fibres étaient d'une largeur très sensible du côté de l'intérieur de l'arbre, et les quatre ou cinq du côté de l'extérieur l'étaient à peine. J'en ai conclu que cos douze rangs marquaient les douze lunes de chaque année dans la couche annuelle solaire du tronc; que les sept ou huit intérieurs, les plus sensibles, avaient été produits par les lunes du printemps, de l'été et de l'automne, pendant lesquelles la végétation a beaucoup d'activité; et que les quatre ou cinq rangs extérieurs à peine sensibles du faisceau étaient l'ouvrage des lunes inertes de l'hiver. Cette observation est certaine. Je ne doute

pas qu'on ne la vérifie, non seulement sur le bois | petits enfants de grand appetit. Comme nous mou

rions de faim et de soif, nous la priâmes de nous faire participer au souper de sa famille. Nos jeunes dames parisiennes se régalèrent avec elles de gros pain, de lait, et même de sucre dont il y avait une assez ample provision. Nous leurs tînmes bonne compagnie. Après avoir bien reposé notre ame et notre corps par ce festin champêtre, nous prîmes congé de notre hôtesse, aussi contente de notre visite que nous étions satisfaits de sa réception. Elle nous donna pour guide l'aîné de ses garçons, qui, après une demi-heure de marche, nous conduisit à travers des marais dans les bois d'Ermenonville. La lune vers son plein était déjà fort élevée sur l'horizon, et brillait de l'éclat le plus pur dans un ciel sans nuages. Elle répandait les flots de sa lumière sur les chênes et les hêtres qui

d'orme coupé dans sa longueur, mais aussi sur les fibres de beaucoup d'autres espèces de bois. Elle prouve évidemment que les influences lunaires de chaque mois s'harmonient avec les influences solaires de chaque année, et qu'elles ne sont pas moins sensibles dans les troncs des arbres que dans les racines et les bulbes de plusieurs plantes que j'ai alléguées en preuve. Telles sont celles des oguons, des carottes, des betteraves, etc., composées de couches qui sont toujours en nombre égal à celui des mois lunaires pendant lesquels ces végétaux ont vécu. Il serait à souhaiter que de semblables observations se fissent sur des bois de la zone torride, où la végétation est en activité toute l'année. Peut-être trouverait-on dans les couches annuelles de quelques genres les douze rangées lunaires de fibres bien distinctes. Peut-bordaient les clairières de la forêt, et faisait appaêtre seraient-elles confondues dans d'autres. Les couches annuelles ne paraissent presque point dans le bois d'ébène, dont l'aubier est tout blanc et le cœur tout noir. J'en ai vu une espèce à l'Ile-deFrance, dont le blanc et le noir sont mêlés, non par cercles, mais par plaques irrégulières. Cependant les cercles annuels, avec leurs fibres mensales, sont très marqués dans les bois d'acajou et de rose:

raître leurs troncs comme les colonnes d'un péristyle. Les sentiers sinueux où nous marchions en silence traversaient des bosquets fleuris de lilas, de troènes, d'ébéniers, tout brillants d'une lueur bleuâtre et céleste. Nos jeunes dames vêtues de blanc, qui nous devançaient, paraissaient et disparaissaient tour à tour à travers ces massifs de fleurs, et ressemblaient aux ombres fortunées des Champs-Élysées. Mais, bientôt émues elles-mêmes par ces scènes religieuses de lumière et d'ombre, et surtout par le sentiment du tombeau de JeanJacques, elles se mirent à chanter une romance. Leurs voix douces, se mêlant aux chants lointains des rossignols, me firent sentir que, s'il y avait des harmonies entre la lumière de l'astre des nuits et les forêts, il y en avait encore de plus touchantes entre la vie et la mort, entre la philosophie et les amours.

HARMONIES VÉGÉTALES

DE L'AIR.

Au reste, les feuilles et les fleurs de la plupart des végétaux reflètent les rayons de la lune comme ceux du soleil. C'est même particulièrement sous leur influence que la belle-de-nuit et le convolvulus nocturne des Indes ouvrent leurs pétales qu'ils ferment pendant le jour. J'ai éprouvé une nuit un effet enchanteur de ces reflets lunaires des végétaux. Quelques dames et quelques jeunes gens de mes amis firent un jour avec moi la partie d'aller voir le tombeau de Jean-Jacques à Ermenonville : c'était au mois de mai. Nous prîmes la voiture publique de Soissons, et nous la quittâmes à dix lieues et demie de Paris, une lieue au-dessus de Dammartin. On nous dit que de là à Ermenon- Si la puissance végétale augmente la chaleur du ville il n'y avait pas trois quarts de lieue. Le so-soleil en la réverbérant, comme on n'en peut douleil allait se coucher lorsque nous mîmes pied à ter, elle doit étendre aussi son influence sur les terre au milieu des champs. Nous nous achemi-couleurs de l'atmosphère, en y réfléchissant sa nâmes par le sentier des guérets, sur la gauche verdure. Je suis porté à attribuer à la couleur de la grande route, vers le couchant. Nous mar- verte des végétaux qui couvrent, en été, une grande châmes plus d'une heure et demie dans une vaste partie de notre hémisphère, cette belle teinte d'écampagne sans rencontrer personne. Il faisait nuit meraude que l'on aperçoit quelquefois, dans cette obscure, et nous nous serions infailliblement éga- saison, au firmament, vers le coucher du soleil. rés, si, par bonheur, nous n'eussions aperçu une Elle est rare dans nos climats; mais elle est frélumière au fond d'un petit vallon : c'était la lampe quente entre les tropiques, où l'été dure toute qui éclairait la chaumière d'un paysan. Il n'y avait l'année. Je sais bien qu'on peut rendre raison de que sa femme qui distribuait du lait à cinq ou six I ce phénomène par la simple réfraction des rayons

Peut-être même notre atmosphère réfléchit-elle quelquefois les formes des paysages qui annoncent les îles aux navigateurs, bien longtemps avant qu'ils puissent y aborder. Il est remarquable qu'elles ne se montrent, comme les reflets de verdure, qu'à l'horizon et du côté du soleil couchant. Je citerai, à ce sujet, un homme de l'Ile-de-France qui apercevait dans le ciel les images des vaisseaux qui étaient en pleine mer; le célèbre Vernet, qui m'a attesté avoir vu une fois dans les nuages les tours et les remparts d'une ville située à sept lieues de lui; et le phénomène du détroit de Sicile, connu sous le nom de Fée-Morgane. Les nuages et les vapeurs de l'atmosphère peuvent fort bien réfléchir les formes et les couleurs des objets terrestres, puisqu'ils réfléchissent, dans les parélies, l'image du soleil au point de la rendre ardente comme le soleil lui-même. Enfin les eaux de la terre répètent les couleurs et les formes des nuages de l'atmosphère : pourquoi les vapeurs de l'atmosphère, à leur tour, ne pourraient-elles pas réfléchir le bleu de la mer, la verdure et le jaune de la terre, ainsi que les couleurs chatoyantes des glaces polaires?

du soleil dans l'atmosphère, ce prisme sphérique | pent des couleurs de la terre ou des mers qui les de notre globe. Mais, outre qu'on peut objecter avoisinent. que la couleur verte ne se voit point en hiver dans notre ciel, c'est que je puis apporter, à l'appui de mon opinion, d'autres faits qui semblent prouver que la couleur même azurée de l'atmosphère n'est qu'une réflexion de celle de l'Océan. En effet, les glaces flottantes qui descendent tous les ans du pôle nord, s'annoncent, avant de paraître sur l'horizon, par une lueur blanche qui éclaire le ciel jour et nuit, et qui n'est qu'un reflet des neiges cristallisées qui les composent. Cette lueur paraît semblable à celle de l'aurore boréale, dont le foyer est au milieu des glaces mêmes de notre pôle, mais dont la couleur blanche est mélangée de jaune, de rouge et de vert, parcequ'elle participe des couleurs du sol ferrugineux et de la verdure | des forêts de sapins qui couvrent notre zone glaciale. La cause de cette variation de couleurs dans notre aurore boréale est d'autant plus vraisemblable, que l'aurore australe, comme l'a observé le capitaine Cook, en diffère en ce que sa couleur blanche n'est jamais mélangée que de teintes bleues, qui n'ont lieu, selon moi, que parceque les glaces du pôle austral, sans continent et sans végétaux, sont entourées de toutes parts de l'Océan qui est bleu. Ne voyons-nous pas que la lune, que nous supposons couverte en grande partie de glaciers très élevés, nous renvoie, en lumière d'un blanc bleuâtre, les rayons du soleil, qui sont dorés dans notre atmosphère ferrugineuse? N'estce pas par la réverbération d'un sol composé de fer, que la planète de Mars nous réfléchit en tout temps une lumière rouge? N'est-il pas plus naturel d'attribuer ces couleurs constantes aux réverbérations du sol, des mers et des végétaux de ces planètes, qu'aux réfractions variables des rayons du soleil dans leurs atmosphères, dont les couleurs devraient changer à toute heure, suivant leurs différents aspects avec cet astre? Comme Mars apparaît constamment rouge à la terre, il est possible que la terre apparaisse à Mars comme une pierre brillante des couleurs de l'opale au pôle nord, de celles de l'aigue-marine au pôle sud, et tour à tour de celles du saphir et de l'émeraude dans le reste de sa circonférence. Mais, sans sortir de notre atmosphère, Je crois que la terre y renvoie la couleur bleue de son Océan avec des reflets de la couleur verte de ses végétaux, en tout temps dans la zone torride, et en été seulement dans nos climats, par la même raison que ses deux pôles y réfléchissent des aurores boréales différentes, qui partici

OEUVRES POSTHUMES.

Au reste, je ne donne mon opinion que comme mon opinion. L'histoire de la nature est un édifice à peine commencé ; ne craignons pas d'y poser quelques pierres d'attente nos neveux s'en serviront pour l'agrandir, ou les supprimeront comme superflues. Si mon autorité est nulle dans l'avenir, peu importera que je me sois trompé sur ce point mon ouvrage rentrera dans l'obscurité d'où il était sorti. Mais s'il est un jour de quelque considération, mon erreur en physique sera plus utile à la morale qu'une vérité d'ailleurs indifférente au bonheur des hommes. On en conclura avec raison qu'il faut être en garde contre les écrivains même accrédités.

Si les couleurs atmosphériques reçoivent des modifications de la puissance végétale, la nature même de l'atmosphère n'en éprouve pas de moins sensibles. Les forêts servent d'abord de remparts contre les vents dont elles détournent quelquefois le cours. Des bois plantés ou abattus peuvent changer la température d'une grande contrée; mais lorsqu'au printemps tous les végétaux se couvrent de feuilles, que les herbes des prairies et les blés des guérets imitent les flots de la mer par leurs ondulations, lorsqu'un océan de verdure, si je puis dire, se répand sur une grande partie de notre hémisphère, et que les vents chargés de ses émanations les portent jusqu'au sein de l'océan

6

nous avons remarqué que non seulement les vé-
gétaux changeaient l'air méphitique en air pur,
mais qu'ils le tranformaient en leur propre sub-
stance, comme le démontre leur décomposition par
la fermentation ou par le feu. On ne peut done
nier qu'ils ne tirent de l'air leur principale nour-
riture. Souvent j'ai vu des arbres dont les racines
serpentaient dans de stériles rochers, porter jus-
qu'aux nues leur cime touffue et verdoyante. C'est
sans doute pour recueillir leurs aliments dans l'at-
mosphère, que les forêts y élèvent divers étages
de feuilles, qui, comme autant de langues et de
poumons, y pompent des sucs nourriciers en
abondance. Je tirerai de cette observation uue
conséquence que je crois importante à notre éco-
nomie rurale, c'est que les arbres tirant de l'air
plus de nourriture que de la terre, un arpent de
forêts doit rapporter beaucoup plus de bois au
bout d'un siècle, que ses coupes régléès n'en pro-
duisent tous les dix ou vingt-cinq ans. Si on peut
juger des grands effets par de petites expériences,
je rapporterai ici celle que j'ai faite moi-même à
Essonne sur un vieux peuplier de l'espèce de ceux
que les paysans appellent peupliers du pays,
les jeunes branches, souples comme l'osier, ser-
vent aux mêmes usages, et rendent, par cela
même, cet arbre bien préférable aux fragiles peu-
pliers d'Italie. Get arbre, planté sur le bord de
la rivière il y a sans doute plus d'un siècle, avait
été étêté dès sa jeunesse comme un saule, et pro-
duisait tous les ans un moyen fagot. de menu's
branches de six à sept pieds de hauteur. Lorsque
je fus devenu son propriétaire, je résolus de lui
rendre sa crue naturelle, en sacrifiant chaque an-
née tous ses rejetons, à l'exception de celui du
milieu. En trois ans, ce rejeton unique est de-
venu une tige de cinq pouces de diamètre par le

aquatique, alors les qualités de l'atmosphère, même se revêtent de nouveaux caractères. L'air méphitique des marais se trouve converti en air pur, comme l'ont prouvé des expériences utiles et curieuses. L'air pur se remplit de qualités balsamiques, qui produisent d'heureuses révolutions dans tous les êtres sensibles qui le respirent. C'est alors que l'air seul des campagnes, et surtout ce lui des montagnes, guérit des maladies chroaiques, et fortifie tous les convalescents; c'est alors que tous les animaux s'enflamment des feux de l'amour. J'attribue les ardeurs de cette passion, qui les embrase la plupart au printemps, bien plus aux influences végétales dont l'air est pénétré, qu'à l'action même du soleil. L'augmentation de la simple chaleur ne suffit pas pour les faire naître. Les oiseaux naturellement amoureux, tels que les serins et les tourterelles, passent l'hiver dans des poêles très chauds sans s'accoupler et sans faire leurs nids. Mais quand le soleil a rallumé les feux de la végétation, que les fleurs et les feuillages odorants exhalent de toutes parts leurs parfums, c'est alors que les premières étincelles de la vie sout disséminées dans les airs, que tous les êtres les respirent avec volupté, et qu'elles allument les feux de l'amour dans tous les cœurs. C'est aussi à l'époque où la plupart des plantes abandonnent aux vents les dépouilles de leurs tiges, que la plupart des animaux périssent, ou vont chercher un air végétal et de nouvelles amours dans l'autre hémisphère, où le soleil rallume les feux de la végétation. Ils naissent, aiment et meurent avec les plantes auxquelles ils sont ordonnés. Les carnivo- | res seuls font exception à cette loi, car ils s'accouplent en hiver, dans la saison où périssent tant de frugivores, comme si la décomposition de ceux-ci produisait dans leur sang des émanations appropriées à leur nature. C'est peut-être par cette rai-bas, et de quinze pieds de hauteur, toute garnie son que l'homme qui vit de végétaux comme les et de chair comme les autres, est seul soumis, dans tout le cours de l'année, à l'empire de l'amour et à celui de la mort.

uns,

Nous avons vu aux harmonies aériennes des végétaux qu'ils étaient en rapport avec l'air par leurs trachées, par la souplesse ou la raideur de leurs tiges, par des racines, des ailerons, des griffes, et même par des lianes accessoires qui les maintenaient contre les tempêtes. Nous avons observé aussi dans le développement de la puissance végétale qu'un grand nombre de ses genres étaient ordonnés particulièrement à l'air par la légèreté de leurs semences, ou par les volants qui les accompagnent, afin de les ressemer au loin. Enfin,

dont

de longues branches plus fortes et plus nombreu-
ses, à elles seules, que toutes celles que le trone
aurait fournies dans le même espace de temps. Si
sa tige continuait à s'élever avec la même vi-
gueur, et si le peuplier entier croissait dans les
mêmes proportions depuis sa plantation,
il est
hors de doute que non seulement ses branches
produiraient à la fois plus de fagots que toutes les
petites coupes qu'on a faites annuellement sur sa
tête, mais que le tronc lui-même donnerait dix
fois plus de bois: car cet arbre vient à quatre-
vingts et cent pieds de hauteur. Les végétaux ti-
rant par leurs feuilles leur principale nourriture
de l'air, plus ils s'élèvent, plus ils profitent. C'est
donc une très mauvaise économie de couper les

« PreviousContinue »