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éléphants colossaux et des rhinocéros que l'Amour attelle à son char? Mais qu'est-il besoin de porter nos recherches jusque dans la zone torride? Ce dieu, cette passion, cette flamme créatrice, cette harmonie, a varié ses lois à l'infini dans cette foule d'insectes qui pullulent au sein de la terre, des forêts, des eaux et des airs. Quand je représente rais ici les amours des divers animaux que j'ai vus peints sur les quatre faces d'un cabinet du palais de l'électeur de Saxe, à Varsovie, je n'offrirais qu'un bien petit nombre des nuances innombrables de cette passion dans les animaux, depuis ceux qui s'abandonnent aux seules impressions de Ja lubricité, comme les porcs et les crapauds, jusqu'à ceux qui semblent s'élever à des affections platoniques, comme les tourterelles et les rossignols. L'homme, dans ses égarements, réunit toutes les nuances de cette passion, depuis les amours du sultan qui vit dans un nombreux sérail, jusqu'aux amours si fidèles et si malheureuses d'Abeilard et d'Héloïse.

Si on opposait à ce tableau celui des animaux qui sont créés pour la destruction, tels que les carnivores, on trouverait en eux toutes les gradations de la haine réparties à chacun de leurs instincts. Parmi les beaux animaux que j'ai appelés solaires, parcequ'ils vivent à la lumière du soleil, et surtout au sein de la zone torride, il n'y en a point de cruels. Au contraire, les animaux de nuit ont tous des couleurs ternes, et en général sont malfaisants. Un papillon de ce genre nocturne, appelé haïe, à cause de son cri, porte sur son corselet la figure d'une tête de mort; le duvet qui s'échappe de ses ailes en volant fait beaucoup de mal aux yeux. Tous les oiseaux de nuit sont oiseaux de proie, tels que la chauve-souris, le hibou, le grandduc, etc. Ils ont des figures et des plumages lugubres; les oiseaux de proie même sont pour la plupart oiseaux de nuit; ils ne volent guère que le matin et le soir ou au clair de la lune. On dit que l'aigle contemple le soleil ; j'en doute. Mais il ne voit point les belles contrées qu'éclaire l'astre du jour; il n'habite que les ruines des monuments, les rochers et les sommets arides des hautes montagnes. Les poëtes en ont fait l'oiseau de Jupiter et son porte-foudre, parcequ'il vit aux lieux où se forment les orages; mais il est certain qu'il voyage la nuit : témoin celui qu'un astronome de Paris aperçut tout à coup au bout de son télescope, en observant les étoiles. Les hommes faibles ont toujours attribué des idées honorables à tout ce qui leur faisait peur : c'est sans doute par cette raison que les bêtes de proie sont devenues, en Europe,

les principales pièces des armoiries des nobles. Les voix des animaux carnassiers sont aussi désagréables que leur figure et leur plumage; ils ne font retentir les airs que de sons aigus ou glapissants. Les poissons carnivores n'ont que des couleurs livides et des formes hideuses, tels que les chiens de mer et les raies. Quant aux quadrupèdes carnassiers, comme les loups, les renards, les martres, etc., la plupart ne sortent que la nuit; et leur peau, quoique variée de quelques couleurs tranchantes, comme les bandes du tigre et les anneaux de la panthère, ne présente que le dur contraste du fauve et du noir; on retrouve ces couleurs dans les guêpes et quelques insectes carnivores ; d'ailleurs, toute cette classe d'animaux a non seulement des couleurs contrastantes qui l'annoncent au loin pendant le jour, mais elle exhale des odeurs fortes qui la décèlent au sein des nuits les plus obscures.

Je l'ai déja dit, qui pourrait observer tous les instincts malfaisants des bêtes de proie y trouverait toutes les nuances et les expressions de la haine : le lâche appétit des cadavres dans le vautour, la ruse taciturne dans le renard, la trahison dans l'araignée, les cris alarmants de la terreur dans l'orfraie, la soif du sang dans la fouine, la férocité dans le tigre, la cruauté dans le loup, le despotisme furieux dans le lion. On verrait dans les serpents, les requins, les polypes marins aux longs bras armés de ventouses, et dans d'autres tribus, des animaux qui pâlissent à la vue de tout être vivant, qui se glissent pour piquer, qui rampent pour mordre, qui flattent pour déchirer, qui embrassent pour étouffer; enfin, des êtres animés de colères silencieuses, de haines caressantes, d'affections meurtrières, qui n'ont point de noms dans les langues des hommes, quoiqu'ils n'en offrent que trop d'exemples dans leurs mœurs.

De la passion des animaux résulte l'action, qui est la jouissance de l'instinct combiné avec l'intelligence. Leurs actions sont raisonnées par eux, cemme le prouve l'expérience; leur instinct seul n'est pas le fruit de leur raisonnement, mais il est celui de la nature; il est, ainsi que nous l'avons dit, le pré-sentiment de leurs convenances. Voici comme nous supposons le mécanisme de ces trois facultés morales, l'instinct, la passion et l'action. L'instinct est dans la tête avec l'intelligence, la passion dans le cœur, l'action dans l'organe. L'instinct donne l'idée, l'intelligence l'éprouve, le cœur la sent, l'organe l'exécute, et produit une action sur un objet extérieur. D'un autre côté, un objet extérieur produit sur l'organe une action,

l'action un sentiment sur le cœur, le cœur une idée, manœuvre, sans que le premier y connaisse rien.

dans l'intelligence.

L'instinct nous semble être à l'ame ce que la forme est au corps : c'est lui qui la constitue douce ou méchante, industrieuse ou stupide. Il y a plus, nous sommes portés à croire que c'est lui qui organise le corps, parceque lui seul a la conscience de ses organes, et qu'il en donne l'usage à l'animal, sans que celui-ci ait la moindre idée de leur construction. L'instinct a des facultés qui correspondent aux organes celle de voir, à la vue; celle d'aimer, au cœur ; celle de hair, qui est en rapport avec les armes dont l'animal est pourvu. On en peut conclure qu'il a, comme le corps, des qualités qui contrastent, et d'autres qui consonnent entre elles. En effet, il a en opposition l'amour et la haine, et en consonnance l'intelligence et la réflexion, l'imagination et la mémoire. Il y a donc toute apparence que l'instinct a existé avant le corps de l'animal, qu'il l'a organisé dans le sein maternel, que lui seul a le secret de sa construction, de l'usage de ses organes, de leur entretien, et quelquefois de leur réparation; que c'est lui, enfin, qui a le plan de la vie entière de l'animal, qu'il dirige dans son ensemble ainsi que dans tous ses détails. Une autre preuve qu'il est antérieur à l'animal, et qu'il a organisé ses parties, c'est qu'il ne se détruit jamais, ni par l'éducation, ni par les habitudes, ni par le retranchement des organes. En vain on arracherait au loup ses dents, on ne lui ôterait point son naturel carnassier. Ceux-là sont donc, pour le dire en passant, dans une erreur bien cruelle, qui mutilent des enfants mâles, croyant les délivrer pour l'avenir de la passion de l'amour. La suppression des parties de leur sexe ne fait que redoubler dans la jeunesse les ardeurs d'un feu qui ne peut plus s'exhaler par les jouissances. Les eunuques de l'Orient ont des sérails ils étaient hommes par l'ame avant de l'être par le corps. L'instinct donc caractérise l'animal encore plus que ses organes, puisqu'il subsiste lorsqu'ils sont détruits, et qu'il ne fait que s'accroître par leur privation.

Les instincts des animaux n'ôtent rien à l'action de la divinité : c'est sans doute sa sagesse qui les a créés, puisqu'elle les a balancés les uns par les autres par toute la terre. Si elle n'avait établi entre eux le plus parfait équilibre par la diversité même de leurs qualités, les carnivores auraient bientôt détruit tous les autres. Pour moi, j'aime à concevoir l'ame d'un animal renfermée dans son corps avec son instinct, comme un passager dans un vaisseau avec un pilote chargé seul du soin de la

Un corps peut renfermer plusieurs ames, comme un arbre renferme plusieurs végétaux, ainsi que nous l'avons démontré. Un arbre greffé en porte de plusieurs espèces. Mon hypothèse est peut-être la seule qui puisse expliquer, du moins dans l'homme, les combats de ses diverses passions, ainsi que nous le verrons aux harmonies humaines. Nous en avons dit assez sur les animaux pour faire voir qu'ils ne sont pas de simples machines passives, comme le prétendait Descartes. Selon lui, ils ne devaient leurs actions qu'à l'impression des objets extérieurs : autant valait dire qu'ils lui devaient aussi leurs formes et leurs organes. Au reste, ce grand homme n'en est pas moins chez nous le père de la philosophie. C'est lui qui a appris à notre raison à secouer le joug de l'autorité Mais, comme a dit Voltaire, il nous a si bien enseigné à douter de la philosophie des anciens, qu'il nous a appris à douter de la sienne. Après tout, rien n'est plus difficile que de tracer des méthodes dans l'étude de la nature, et surtout dans celle de la morale. D'abord notre langue manque souvent d'expressions justes : elles sont ou trop faibles, ou trop fortes; quelquefois elle n'en fournit point du tout. Nos mots dérivés et composés n'ont plus la même signification que les mots simples qui les ont produits; ils sont comme certains végétaux, dont les tiges ont d'autres vertus que leurs racines. Par exemple, j'ai défini l'instinct : le pré-sentiment des convenances de l'animal. Pour conserver au mot pré-sentiment la signification que je lui donne, je suis obligé de séparer la particule pré, qui signifie avant, du mot sentiment: alors il signifie avant sentiment, qui dit plus, ce me semble, que pressentiment, qui ne signifie guère qu'un sentiment douteux et confus de ce qui doit arriver; tandis que l'avant-sentiment de l'instinct dans l'animal est sûr, décidé et clairvoyant.

Il en est de même des mots re-gret et ré-jouissance, que j'ai employés au même lieu, comme des effets de l'instinct combiné avec la mémoire. La particule re parait une abréviation du mot latin iterum, ou de son vieux synonyme français, derechef. Ainsi, re-gret et re-grettable viennent de iterum gratus, derechef agréable, et ré-jouissant de iterum gaudens, derechef jouissant. Celui-ci signifie, dans l'origine, jouissant une seconde fois, si on eu sépare la particule re; car, en lejoignant immédiatement avec elle, il ne comporte qu'une idée unique de joie. Ce qu'il y a de singulier, c'est que ces deux mots composés, ayant deux racines du même sens à peu près et la même préposition,

ils aient un sens tout à fait opposé; car le regret | chés, auxquels on l'applique, parceque ceux-ci

apporte de la peine, et la réjouissance du plaisir : c'est que le regret se porte sur les plaisirs perdus, et la réjouissance sur les plaisirs retrouvés.

En général, les mots composés ont beaucoup plus de force que leurs racines; mais ils présentent souvent un tout autre sens. Tels sont ceux où entre la particule in, négative lorsqu'elle est synonyme de non. Infans, enfant, dit plus que non fans, qui ne parle pas; insolent, que non solens, qui n'a pas coutume; injurieux, que non habens jus, qui n'a pas droit; impertinent, que cui non pertinet, à qui il n'appartient pas; infidèle, que non fidèle; impiété, qui suppose une injure à l'égard de la Divinité, que la non piété, qui n'affirme que de l'indifférence; incrédulité, refus de croire par orgueil, vice du cœur, que la non crédulité, qualité du jugement; car la crédulité est elle-même un défaut de l'esprit : d'où l'on voit qu'en séparant simplement d'un trait des mots composés, on leur donne quelquefois un sens différent de celui qu'ils avaient dans leur composition. Souvent ce nouveau sens est plus faible: Vis unita major, les forces augmentent par leur

union.

Ce qu'il y a de plus embarrassant, c'est que ces particules adjectives ont souvent des significations opposées. Ainsi, in, privatif et expulsif dans les exemples ci-dessus, est positif et collectif dans incorporé, incarcéré: mais, ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'il signifie à la fois dedans et dehors dans les mêmes dérivés. Incorporé veut dire entré dans un corps, et incorporable, qui n'y est pas encore entré. Il en est de même d'incarcéré et d'incarcérable. Au reste, j'aurai attention de séparer par un simple trait les mots composés de leurs prépositions lorsque j'aurai besoin de les ramener à leur signification primitive; ce qui sera plus expédient qu'une périphrase, et plus usité qu'un mot nouveau.

ont entre eux moins de ressemblance. Celui de genre a une signification plus déterminée, parcequ'il engendre en effet les espèces. Nous avons suppléé à la plupart de ces noms en y substituant ceux de puissance, d'harmonie, de genre et d'espèce.

Malgré les embarras, l'insuffisance de notre langue et les préjugés, qui enveloppent notre raison, nous allons tâcher de donner une idée de la puissance animale et de ses développements. Comme les premiers navigateurs, qui se hasardèrent en pleine mer sans octant et sans boussole, vinrent cependant à découvrir les principales parties du globe en lâchant de temps en temps dans les airs un oiseau de terre, afin de découvrir par son vol et son instinct les îles qu'ils n'apercevaient pas sur leur horizon; ainsi, en consultant l'instinct des animaux comme le vol de leur ame, nous pourrons faire quelque déconverte dans la sphère immense de la vie, et en déterminer au moins les principaux cercles. C'est ainsi que Noé, sous un ciel nébuleux, jugea, par le vol du corbeau et celui de la colombe, de l'état de la terre inondée par l'Océan. Ce fut surtout l'oiseau des amours qui, en lui rapportant un rameau vert d'olivier, lui fit juger que les montagnes apparaissaient au dessus des eaux et devenaient habitables. Pour connaître donc les premières bases de la puissance animale, et même de la puissance humaine, nous nous guiderons aussi par leurs amours.

Les animaux doivent leur nom, comme nous l'avons déjà dit, au mot anima, ame, parcequ'ils sont animés. Du mot ame nous avons dérivé celui d'aimer, parceque la nature de l'ame est d'aimer. En effet, toutes ses affections ne sont que des amours, tels que l'amour de soi, l'amour de ses convenances, l'amour fraternel, conjugal, maternel. La cruauté même des bêtes féroces, ce principe de haine qui les anime contre d'autres espèces, n'est qu'un amour du sang et du carnage.

Quant aux mots collectifs de règne, de classe, d'ordre, de famille, de genre, d'espèce et de variété, dont se servent les naturalistes, ils ont sans doute beaucoup d'insignifiance, d'arbitraire et de Les ames sont pré-existantes au corps des aniconfusion. Le règne ne convient qu'à Dieu, comme maux; ce sont elles qui le forment dans le sein nous l'avons dit dès le commencement de ces har- maternel par la médiation même des amours. Le monies. La classe ne signifie qu'une agrégation soleil et la lune en sont les premiers moteurs; car qui se rapporte autant aux, genres qu'aux ordres leur gestation, leur naissance, leurs développe mêmes. L'ordre s'applique à tout ce qui est or- ments, leurs amours et leur mort, sont réglés donné. La famille. comporte l'idée de parenté, et dans chaque espèce d'après les diverses phases convient encore mieux aux individus de la même et périodes de ces astres. L'ame d'un animal n'est variété, aux variétés de la même espèce, et aux pas simple; elle a deux facultés en consonnance, espèces du même genre, qu'à des genres rappro- | l'intelligence et la réflexion. Il ne suffirait pas à

un animal d'avoir les idées de ses besoins par l'instinct ou l'intelligence; s'il ne les rapportait à soi-même par la réflexion, elles ne se présenteraient à son ame que comme des images dans un miroir; il ne les verrait que comme des idées qui lui seraient étrangères; mais c'est en se les appliquant par la réflexion qu'il procède à l'action qui les suit. C'est ainsi que si son corps n'était formé que de sa moitié droite, encore que cette moitié renfermât tous ses organes, il resterait sans action, ne pouvant ni marcher, ni manger, ni se reproduire. Son ame est donc composée de deux moitiés en consonnance avec les mêmes facultés, comme son corps est formé de deux moitiés en consonnance avec les mêmes organes. Or, comme c'est l'ame qui développe le corps dans le sein maternel, on en peut conclure que les harmonies morales précèdent et ordonnent les physiques, et que la fraternelle est la première de toutes. C'est cette même harmonie fraternelle qui assemble, non seulement les deux moitiés de la même ame et du même corps, en les rendant semblables, mais les ames des ames, et en forme des familles et des tribus. L'ame a deux moitiés en consonnance; elle en a aussi deux en contraste, comme le corps; elle a ses inimitiés comme ses amitiés au dedans d'elle-même et au dehors: c'est ce que nous verrons aux harmonies fraternelles, po- | sitives et négatives. Non seulement l'ame d'un animal n'est pas simple, mais elle n'est pas unique; elle semble composée de plusieurs ames, qui agissent toutefois de concert, comme le corps luimême est formé de plusieurs matières différentes, telles que les nerfs, la chair, les os, qui sont en harmonie. Au reste, il ne doit pas nous paraître plus étrange de concevoir plusieurs ames renfermées dans la peau d'un seul animal que plusieurs végétaux sous l'écorce du même végétal, et d'y en voir même de greffes d'espèces différentes. La lumière du soleil, si pure, ne renferme-t-elle pas toutes les couleurs?

Depuis le lombric ou ver de terre, tout nu, qui n'a pas l'industrie de se revêtir d'un fourreau, jusqu'à Newton, qui forma un système du monde, nous distinguons cinq genres d'ames l'élémentaire, la végétale, l'animale, l'intelligente et la céleste. Les quatre premières appartiennent au plus petit insecte, et la cinquième à l'homme seul.

L'ame élémentaire des animaux est ce premier principe de l'existence, qui leur est commun avec tous les corps, c'est l'attraction. L'attraction paraît adhérente à la matière ; elle agit sur le rayon

de lumière qu'elle détourne vers l'angle d'un corps qu'on en approche; elle arrondit en gouttes de pluie la vapeur qui nage en l'air, et la cristallise en étoiles de neige à six rayons, lorsqu'elle s'en échappe. Elle agrége dans le sein de la terre les grains de sable en cristaux, et les métaux en pyrites; elle fait monter la séve dans les vaisseaux capillaires des végétaux, et circuler le sang dans les veines des animaux; elle agit surtout sur leurs nerfs, dont elle paraît être le premier mobile; elle semble se décomposer et se composer en magnétisme, en électricité, en feu et en lumière. Le grand foyer de l'attraction est le soleil, qui l'exerce sur tous les corps planétaires qu'il fait tourner autour de lui. Ceux-ci en sont pénétrés, et l'exercent à leur tour sur les satellites qui tournent autour d'eux, et tous ensemble sur les corps qui sont fixés à leur circonférence par la pesanteur, ou qui se meuvent sur elle, parcequ'ils paraissent avoir en eux un principe isolé d'attraction: tels sont les animaux. Les réservoirs et les conducteurs de l'attraction sont principalement les corps planétaires dans les cieux, et les métaux sur la terre. Les uns et les autres paraissent être en harmonie. Leur analogie se manifeste d'abord par l'identité de leurs noms dans l'ancienne chimie, ensuite par leur éclat, leur pesanteur et leurs influences. L'or, par exemple, le plus pesant des métaux, a des rapports frappants avec le soleil par son poids, son incorruptibilité, sa couleur jaune, son éclat, sa ductilité, qui approche de celle de la lumière, et parcequ'il est le premier mobile des sociétés humaines, comme le soleil l'est du système planétaire. La lune, après le soleil, a le plus d'influence sur la terre dans un rapport égal à celui que l'argent, qui lui est analogue par sa blancheur, a avec l'or; c'est-à-dire que l'argent, à son tour analogue à la lune par son éclat et son nom, ne vaut sous la ligne qu'un peu plus de la douzième partie de l'or. Ainsi sa valeur est avec celle de l'or dans la même proportion que la lumière de la lune avec celle du soleil, puisqu'il faut environ douze mois et demi lunaires pour composer une année solaire, ou, si l'on veut, parceque la lumière de la lune est douze fois et demie plus faible, comme je crois m'en être as suré. On pourra voir, aux harmonies solaires, les harmonies des autres métaux avec les autres planètes; mais ce que je ne me rappelle pas y avoir dit, c'est que le platine, qui n'est pour ainsi dire, pour nous, qu'un métal de pure curiosité, a été découvert à peu près en même temps que la planète si éloignée d'Herschell. I

en est de même de plusieurs métaux, trouvés | feuilles duquel on trouva des filets d'or, nous cite

de nos jours aux mêmes époques que plusieurs satellites.

On me dira peut-être que je renouvelle d'anciennes erreurs par des rapprochements fort éloignés; mais je ne fais que suivre les ruines de l'ancien temple de la science, qui a été élevé bien plus haut que nous ne croyons. D'ailleurs tout est lié dans la nature. Les couches concentriques d'un ognon sont en harmonie avec les mois de la lune, et celles d'un arbre avec les années du soleil : pourquoi l'argent et l'or n'y seraient-ils pas avec ces deux astres? Plusieurs métaux ont, comme les planètes, des principes connus d'attraction. L'or attire le mercure que le soleil volatilise, et l'aimant le fer.

Il paraît donc constant que les métaux ont des analogies avec les planètes par leur pesanteur, leur éclat, leurs attractions; ils en ont encore par leur électricité, dont le soleil est la source. Non seulement ils en sont les conducteurs, mais les foyers permanents: c'est ce que prouvent les expériences du galvanisme, dont nous parlerons bientôt. En attendant nous observerons que l'électricité est un fluide de feu, souvent non apparent, qui circule dans tous les corps, et passe de ceux qui en ont plus dans ceux qui en ont moins. Elle est divisée par ses effets en électricité positive et en électricité négative, et peut-être le serait-elle même en active et en passive.

Elle parait un des premiers mobiles de la végétation et de l'animation. C'est après les orages les plus fulminants que les plantes végètent, fleurissent et fructifient avec le plus de vigueur; c'est encore alors que les générations des insectes se multiplient avec tant de rapidité, que le vulgaire les croit quelquefois tombés du ciel. L'électricité semble être le flambeau des amours; elle en allume les feux dans l'âge adulte. De ces feux électriques, les uns sont soli-lunaires et les autres lunisolaires. Les soli-lunaires se manifestent dans la vie des animaux mâles, dans les parures de leurs corps, qu'ils revêtent de couleurs plus vives, surtout ceux des mâles; dans les oiseaux, et même dans les quadrupèdes carnassiers, dont les yeux brillent dans l'obscurité, et dont les poils se hérissent et jettent des étincelles.

Nous sommes tentés de croire que l'électricité se communique aux plantes par l'entremise des métaux. Sans rapporter ici des exemples extraordinaires consignés dans des recueils savants, tels que celui d'un cep de vigne de Tokai en Hongrie, qui avait crû sur une mine d'or, et dans les

rons les expériences faites par un grand nombre de naturalistes, entre autres par le célèbre Geoffroy: elles prouvent qu'il n'y a pas un seul végétal dans les cendres duquel on ne trouve du fer. On peut aisément concevoir que ce métal, qui est dissous en particules invisibles dans les eaux ferrugineuses, se mêle à la séve des végétaux; mais comme nous savons, d'un autre côté, qu'il est un des plus puissants conducteurs de l'électricité, nous ne nous éloignerons pas de la vraisemblance, en le regardant comme la cause de ses phénomènes dans la végétation. Il se manifeste surtout dans les fleurs rouges; car c'est lui qui leur donne cette couleur, comme j'en ai vu l'expérience sur une

rose.

Le fer existe pareillement dans les animaux. Il donne à leur sang la couleur rouge; il s'y fait sentir au goût même par une saveur ferrugineuse. C'est par le fer que le sang de bœuf contient, que, lorsqu'il est brûlé, il prend une couleur bleue et devient ce qu'on appelle bleu de Prusse. Il est donc certain que le fer donne aux végétaux et aux animaux les couleurs rouge et bleue, et toutes les harmonies qui en dépendent, comme l'orangée, la pourprée, la violette. On pourrait y joindre encore la couleur noire, comme le prouve la teinture qui résulte de la combinaison de la noix de galle et du fer.

Si nous avons découvert que le fer entre dans la composition des végétaux et des animaux, c'est par le moyen de leur cinération et de l'aimant. Si on eût fait les mêmes expériences sur les cendres avec le mercure, qui est l'aimant de l'or, peut-être y aurait-on trouvé des parcelles de ce métal. Je suis porté à croire que les végétaux et les animaux qui ont des couleurs jaunes, les doivent à une teinture d'or. J'ai oui dire au savant chimiste Sage, auquel j'ai vu faire les expériences sur le rouge des fleurs, du vin et du sang, que la couleur jaune annonçait dans les cailloux la présence de l'or. Pourquoi n'indiquerait-elle pas aussi ce riche métal dans les végétaux et les animaux? C'est la couleur du soleil, ou du moins la première décomposition de ses rayons qui paraissent un or volatilisé. J'ai avancé quelque part que le diamant était une concrétion de sa lumière. Je hasardais cette opinion sur ce qu'en brûlant le diamant dans un creuset, il ne restait aucune matière. Une expérience du chimiste Morveau vient d'y trouver pour résidu un acide carbonique, au moyen duquel il a fait de l'acier. Il en conclut que le diamant est un charbon. Il reste à savoir si c'est le

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