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froids ou des montagnes à glace: on retrouve des différences semblables dans la configuration des hommes qui les habitent. Le Nègre a les jambes et les cuisses plus allongées et le nez plus épaté que le Samoïède et le Lapon, qui sont plus raccourcis dans leurs proportions que les habitants des climats plus tempérés.

saisir les branches des arbres. Ils s'y attachent avec tant de force, qu'ils résistent pendant leur repos aux plus violentes tempêtes, et que quelquefois ils restent accrochés même après leur mort. Ils ont plusieurs façons de marcher sur la terre. Les uns vont en sautillant, comme les moineaux et les pies; d'autres en dansant, comme les demoiselles de Nubie; d'autres, en se balançant à droite et à gauche, comme les canards et les perroquets; d'autres marchent avec gravité, comme les paons et les coqs. Quant aux insectes, la plupart ont leurs pieds armés de griffes, dont ils s'accrochent aux corps lisses et polis. J'observerai, à ce sujet, que les griffes ou ongles crochus n'ont pas été donnés aux bêtes de proie parcequ'elles sont carnivores, mais parcequ'elles sont grimpantes. Le chat a des griffes crochues, parcequ'il est destiné à grimper dans les arbres et sur les toits pour y chercher sa proie; le chien, destiné comme lui à vivre de chair, mais sur la terre, n'a que des on

Au contraire, les animaux qui vivent dans les zones glaciales, ou dans les montagnes hyemales, ont les jambes et le cou plus courts, afin de les avoir plus rapprochés de leur corps, c'est-à-dire du centre de leur chaleur ; ils les ont, pour cet effet, souvent garnis de poils ou de plumes jusqu'aux extrémités des pieds; les organes de leur respiration sont aussi plus étroits, afin que l'air froid qu'ils respirent n'entre pas dans leurs poumons en trop grand volume à la fois. C'est sans doute pour cette raison que les renards et les ours blancs du nord ont le museau allongé et pointu, à l'opposite des tigres et des lions du midi, qui l'ont raccourci avec des narines évasées; l'élan du nord de l'A-gles droits. Il en est de même des griffes du tigre, mérique a des tubérosités qui semblent protéger l'ouverture des sieunes; les Tartares des contrées septentrionales sont même obligés de fendre les naseaux à leurs chevaux, pour leur faciliter la respiration dans les courses rapides qu'ils leur font faire. Si les pieds des animaux des pays froids se ressemblent en ce qu'ils sont plus rapprochés de leur corps, ils diffèrent les uns des autres par leurs formes, en rapport avec le sol qu'ils habitent. Ceux du renne sont très fendus, et s'écartent en marchant, afin de l'empêcher de s'enfoncer sur les neiges, où il cherche sa pâture. D'autres, comme les oiseaux de marine, tels que les lombs de Norwége, ont des plumes jusqu'au bout des doigts; il en est, comme les ours blancs, qui ont des griffes pour gravir sur les glaces flottantes; quelques uns, comme les lions marins, ces lourds amphibies semblables à des tonnes d'huile, ont deux fortes dents recourbées, avec lesquelles ils se traînent sur les échoueries du Groënland et du Spitzberg.

Parmi les animaux qui habitent les monts éoliens, on peut compter sans doute les volatiles, soit oiseaux, soit insectes, qui sont répandus d'ailleurs dans tous les sites. Nous avons donné une idée du vol de ceux-ci, aux harmonies aériennes; nous y avons aussi parlé du vol de quelques quadrupèdes, tels que la chauve-souris et l'écureuil volant, et de celui de quelques poissons: nous dirons ici un mot du marcher des volatiles. Les oiseaux ont deux pattes, divisées pour l'ordinaire en quatre doigts, dont trois en avant et un en arrière, pour

du lion, de l'ours blanc, habitants grimpants des rochers et des glaces, comparées à celles du renard, du loup, de l'hyène, qui ne sont pas moins carnassiers, mais qui habitent les plaines. Quant aux animaux qui pâturent dans les montagnes escarpées, comme la chèvre, le chevreuil, le daim, le chamois, le paco des Cordilières, etc., ils ont les pieds fourchus en deux parties terminées par deux ergots pointus, dont ils se cramponnent sur les rochers les plus durs, où ils trouvent ainsi huit points d'appui. Mais c'est dans les insectes particulièrement que l'on remarque les attentions de la nature pour empêcher ces petits corps si légers de devenir le jouet des vents. Non seulement ils ont, pour la plupart, des griffes, très aiguës à leurs pieds, pour s'attacher à des corps aussi polis que le verre, mais ils ont des espèces de molettes, entre lesquelles ils font rentrer leurs griffes, comme les chats, afin de ne pas les user lorsqu'ils marchent sur un terrain horizontal. C'est ce qu'on peut voir aux mouches de nós appartements, qui montent et descendent sur nos glaces perpendiculaires. Quelques chenilles, comme celle qui vit sur la feuille toujours tremblante du peuplier, ont, indépendamment des griffes ordinaires attachées à leurs anneaux, des espèces de sabots circulaires, formés de crochets, qui les cramponnent aux feuilles de cet arbre toujours agitées des vents.

Les animaux qui n'habitent que les sommets des montagnes hydrauliques, ou les bases des littorales, ont des moyens différents de progression. Les habitants des premières, dans les contrées méri

dionales, tels que les singes, sont revêtus d'un poil | bitent. Un gros buccin n'est pas plus chargé de

touffu qui les met à l'abri de l'humidité; ils ont cinq doigts à chaque pied et à chaque main, et des queues souples dont ils s'attachent aux branches élastiques des buissons pour s'élancer au-delà des précipices. J'en ai vu courir, à l'Ile-de-France, le long des plus petites corniches de rochers à pic et très élevés, sur les flancs desquels ils paraissaient comme s'ils avaient été sculptés en relief. Les écureuils qui vivent dans les montagnes neigeuses, ont des fourrures encore plus garnies; quelques espèces du nord de l'Amérique ont des queues en panaches, dont ils se couvrent la tête, et qui leur servent en quelque sorte de para-neige. On en trouve une autre espèce qui a une peau membraneuse adhérente à ses quatre pattes, et au moyen de laquelle l'animal s'élance d'un rocher à un autre; tel est celui des montagnes marécageuses du Labrador. Les oiseaux des sites élevés et pluvieux, tels que la plupart des oiseaux de proie et de marine et même les pigeons, ont la partie supérieure | de leur plumage fort serrée, de manière que les pluies y glissent, et quelquefois même le plomb des chasseurs. Beaucoup d'insectes sont formés de la manière la plus propre pour grimper sur les pa- | rois humides de ces sites. C'est là que l'araignée et plusieurs autres insectes fragiles furent pourvus | de l'instinct de prévoir la pluie, si contraire à leurs travaux; mais le limaçon, à l'abri sous son toit, se plaît à parcourir les murailles humides, au moyen de sa membrane musculeuse et gluante.

Les êtres organisés ont différents moyens de marcher sur les bases des montagnes littorales. Le limaçon de mer se promène, comme celui de terre, au moyen d'une membrane musculeuse. Il est remarquable que celle-ci n'a point de glu qui l'aide à glisser, parceque le sol qu'il parcourt au fond des eaux est toujours humide. Les univalves sont les seuls coquillages qui vivent à sec, parceque leur coquille porte tout entière sur l'organe de leur progression. Cette coquille est très mince dans les limaçons de terre, qui ne sont exposés qu'aux vents; tandis qu'elle est épaisse dans les limaçons de mer, exposés sur les rivages au roulement des cailloux; et toutefois celle-ci est légère, par sa pesanteur relative avec l'eau marine qui la soulève. Il résulte de là que les coquilles marines sont avec les coquilles fluviatiles et les terrestres ou aériennes dans un rapport d'épaisseur égal à celui de pesanteur où l'eau de mer, imprégnée de sel, est avec l'eau des rivières et avec l'air ainsi la nature a établi les plus parfaites harmonies entre les éléments et les animaux de la même espèce qui les ha

son poids au fond de la mer, qui l'aide à surnager, qu'un limaçon terrestre à coque mince, sur la branche où il rampe. Les lourds nautiles, ainsi que les papyracés, s'élèvent à la surface de la mer en formant le vide dans leurs nombreuses cellules. Ils dressent alors une espèce de voile en l'air, parviennent où la nature les guide, à la faveur des vents et des courants. Il n'y a point de coquillages bivalves sur la terre, parceque leur deux coquilles à charnière ont besoin d'être soulevées latéralement par les eaux, pour s'appuyer sur l'espèce de langue qui leur sert de jambe. C'est par ce moyen de progression que marchent, ou plutôt que se traînent les pétoncles, les pinnes marines, les dails, les moules, etc. Les crustacés, comme l'oursin avec ses longues baguettes, se roulent sur les sables; d'autres, armés de huit pattes divisées en trois articulations, comme le homard, l'écrevisse et la langouste, marchent à reculons parmi les rochers, ou de côté, comme les cancres proprement dits: ils présentent de plus deux énormes pattes armées de tenailles, dont ils écrasent les coquilles qui leur servent de proie. C'est dans les mêmes lieux que se réfugie le congre, qui glisse comme un serpent. C'est sur les rivages de la mer que l'on trouve une multitude d'insectes amphibies ou aquatiques; c'est là que vit sur les grèves à sec le bernard-l'ermite, dont la nature n'a point revêtu la partie postérieure, afin qu'il la logeât dans une univalve abandonnée. Ainsi rien n'est perdu le toit d'un limaçon sert à une langouste, l'industrie d'un animal mort sert aux besoins de celui qui est en vie. Les êtres qui habitent les bords des eaux semblent réunir tous les organes et tous les instincts de ceux qui vivent dans les trois éléments dont ils peuplent les limites. Qui pourrait nombrer les moyens de progression des oiseaux de mer et des amphibies? Les premiers ont un réservoir d'huile au croupion, et ils s'en servent pour lustrer leurs plumes et les préserver de l'humidité au sein des eaux. Ils forment entre eux les plus intéressants contrastes, depuis le veau marin, qui expose ses petits au soleil, sur les bancs de sable, où il se traîne avec ses pieds courts et membraneux, jusqu'au flamant au long cou et aux longues jambes, qui reste debout, les pieds dans l'eau, le croupion posé sur le sommet du cône de vase où il couve ses œufs. L'un, marbré et d'une couleur tannée, ressemble à un rocher; l'autre, de couleur de feu, apparaît comme une flamme qui sort du sein des eaux.

Les rapports de progression des animaux avec la

terre proprement dite sont encore plus nombreux que les précédents. Leurs pieds ne sont pas terminés par des os, mais par une matière à la fois dure et élastique, appelée corne. Cette matière cornée résiste par son élasticité, bien mieux que les os, qui se seraient usés par le frottement. Elle revêt en entier le corps de quelques amphibies, tels que les tortues, qu'elle défend contre les abordages des rochers et le frottement des sables. Elle paraît formée, dans ceux-ci, d'un amalgame d'écailles dont elle porte le nom, et de poils dans les quadrupèdes. La coupe de ces poils apparaît bien distinctement dans la corne du nez du rhinocéros, comme je l'ai vu dans celui de la Ménagerie, qui avait usé la sienne jusqu'à la racine, à force de la frotter contre les pieux de son enceinte. Ces poils étaient gros et droits dans la corne de ce rhinocéros, dont on peut voir la dépouille au Muséum d'histoire naturelle; mais ils sont fins et entrelacés dans la corne du pied du cheval, exposé à de plus grandes fatigues. Les cornes des animaux, supportées par des os intérieurs, comme celles de la tête des bœufs, des chèvres, et les ergots de leurs pieds, paraissent être par écailles. Celles des pieds des animaux recroissent sans cesse, quoique usées sans cesse par le frottement, et comprimées par leur poids. Dans le cheval, elle est d'une seule pièce, circulaire par son plan, et un peu creusée en dessous, pour enfoncer moins dans le sol; mais elle est taillée en biseau sur son bord antérieur, pour prendre un point d'appui dans les pentes des montagnes. Il est d'usage, dans presque toute l'Europe, d'en revêtir le contour intérieur d'une bande de fer demi-circulaire, attachée avec des clous à grosse tête. On prétend que cette espèce de semelle empêche la corne du cheval de s'user, et rend son pied plus sûr. Il n'est pas étonnant que dans les pays où les hommes sont chaussés, quelques animaux le soient aussi ; cependant je doute que le marcher des uns et des autres en tire un grand avantage. On ne ferre point les chevaux à l'île de Bourbon ; je les ai vus courir comme des chèvres dans les rochers dont cette île est couverte: leur corne y devient d'une dureté extrême. Les Nègres, qui y vont nu-pieds comme eux, ont bien de la peine à les attraper lorsqu'ils veulent les brider ou les seller; cependant ils gravissent mieux dans les montagnes qu'aucun Européen.

Les quadrupèdes destinés à parcourir les terres molles des prairies et les bords marécageux des rivières ont le pied fourchu: tels sont les bœufs. On les ferre, avec raison, avec de la tôle, lorsqu'ils sont destinés à marcher longtemps sur le pavé de

nos routes et de nos villes; on prend même ces précautions pour les vaches que l'on fait venir de loin mais elles sont inutiles pour les sites destinés par la nature à ces animaux. Leurs pieds fourchus par l'écartement de leurs ergots entrent difficilement dans la terre, et de plus ils ont au-dessus et en arrière deux autres ergots en appendices; ce qui leur donne, en cas de besoin, seize points d'appui différents.

Il en est de même des pieds du porc, qui se plaît dans les marais, où il aime à se vautrer; mais comme il vit principalement de racines qu'il y cherche, il a de plus, autour d'un museau fort allongé, un groin d'un odorat exquis, avec lequel il fouille la terre. Comme ses jambes de derrière sont plus élevées que celles de devant, et que sa tête est fort inclinée, il s'ensuit que tout le poids de son corps favorise sa fouille.

Je ferai observer à ce sujet que les jambes de derrière du porc, ainsi que celles de tous les quadrupèdes, forment deux espèces d'arcs en arrière, non seulement pour soutenir le corps de l'animal en arc-boutant contre la terre, mais pour favoriser son mouvement en avant. J'en conclus donc, contre l'opinion populaire, que le corps du porc ne ressemble point du tout à celui de l'homme, dont les jambes, au contraire, forment deux courbures en avant vers les genoux, parcequ'étant destiné à marcher debout, elles portent le plus grand poids de son corps en arrière.

Pour revenir à la forme du porc, destiné à fouiller et à labourer la terre, on peut dire que c'est une charrue vivante. La nôtre, que nous regardons comme une invention sublime du génie des Triptolèmes, n'est qu'une imitation très imparfaite de la forme d'un animal que nous croyons à peine ébauché par la nature. Le poids de notre charrue diminue son action en pesant en arrière, et celui du porc augmente la sienne en pesant en avant. Notre soc n'ouvre de sillons que d'un côté, et le groin rond du porc en ouvre deux à la fois et laboure en tous sens.

Il faut avouer que les machines de la nature sont bien supérieures aux nôtres; elles servent à la fois à plusieurs usages. Les moutons et les chèvres, qui vont chercher leur nourriture sur les pentes escarpées des collines, ont aussi les pieds fendus: ils s'y cramponnent avec leurs ergots, et les chèvres se servent souvent de ceux de leurs pieds de derrière pour se dresser en l'air afin de brouter les sommités des arbrisseaux.

Les quadrupèdes omnivores, destinés à vivre de toutes sortes de débris, et à pénétrer partout,

comme les rats, ont des griffes, dont ils se servent | per: nouveau Protée, il se métamorphose tout à pour monter, la nuit le long des murs raboteux, coup, et d'un insecte rampant il devient une boule à trente et à quarante pieds de hauteur. Ils ont de roulante. plus quatre dents incisives en saillie, et tranchantes comme des gouges, dont ils percent à contrefil des solives de plus d'un pied d'équarrissage et d'une extrême dureté. C'est ce que j'ai éprouvé plus d'une fois à l'Ile-de-France, au second étage d'une tour que j'habitais, où ces animaux trouvaient le moyen de pénétrer la nuit par dehors. Ils sont si communs dans cette île, et ils y font de si grands dégâts, qu'on ne peut sauver les comestibles de leur rapine qu'en les mettant dans des magasins supportés en l'air par quatre piliers, entourés par le haut de plaques de fer-blanc. Ces sortes de pavillons aériens pourraient être utiles en Europe pour renfermer les grains; ils les préserveraient des mêmes ravages, et qui plus est, de l'humidité, souvent plus nuisible dans nos climats.

Les animaux qui habitent les sites de la végétation, et les végétaux eux-mêmes, ont des moyens très variés de progression : les plus petits ont les plus ingénieux. J'ai parlé de ceux du lourd limaçon, qui rampe sur les branches des arbres, au moyen d'une membrane musculeuse et d'une glu que les plus grands vents ne sauraient ébranler. J'ai parlé aussi des sabots garnis de crochets de la chenille, qui vit sur la feuille toujours mobile du peuplier. Quantité de chenilles ont, avec des anneaux qui leur servent de pieds, des fils qui les suspendent en l'air, et de longs poils autour d'eux, qui préservent leurs corps fragiles dans leurs chutes. Les insectes qui vivent sous l'herbe touffue des prairies se glissent au pied de leurs racines, et y courent avec rapidité au moyen de leurs pattes peu élevées, de leurs corps lisses ou couverts d'étuis: tels sont les scarabées et les fourmis républicaines. Ceux qui en pâturent les tiges, et qui ne peuvent les parcourir, comme les sauterelles, ont deux longues jambes à ressort, qui leur servent à y faire de grands sauts paraboliques. Elles ont de grandes ailes, au moyen desquelles elles traversent d'immenses contrées, en troupes innombrables. Elles ressemblent à des chevaux équipés pour le combat, et portent à l'extrémité de leur corps un sabre ou une épée. Elles sont les moissonneurs de la nature, et elles se répandent dans toutes les prairies abandonnées des quadrupèdes et des hommes. Le cloporte, sans défense, cherche sa vie sous les pierres et dans l'ombre; mais lorsqu'il est poursuivi par ses ennemis, il ne se fie point à la multitude de ses faibles pattes pour leur échap

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Que dire des moyens de progression des animaux qui vivent aux dépens des autres? L'araignée, forcée d'abandonner son embuscade, ne pouvant trouver de chemin sur terre, s'en fait un en l'air elle y lâche un fil, et lorsque le vent en a attaché l'extrémité à un point fixe, elle court tout du long comme un danseur de corde. Son pont aérien sert quelquefois à des êtres innocents, tant la nature sait allier les contraires et mettre tout à profit. C'est sur le fil de l'araignée que la faible cochenille passe de la feuille épaisse du cactus où elle est née, au lieu où, à l'abri des épines, elle doit fixer sa trompe fragile. D'autres insectes, comme les poux paresseux, se glissent avec des crochets sous les poils des animaux, ou, comme les puces, sautent à plus de cent fois leur hauteur.

Qui pourrait décrire les différents organes du mouvement dans les animaux de la terre? Ils sont aussi nombreux que les obstacles qu'ils rencontrent. Le marcher des terrestres est plus varié que le nager des aquatiques et le vol des aériens: les pieds des premiers sont en plus grand nombre et de formes plus diverses que les nageoires et les ailes des derniers. Très peu de quadrupèdes ont des nageoires et des ailes; mais la plupart des amphibies, tous les oiseaux, tous les insectes volatiles et même presque tous les quadrupèdes ont des pieds.

En effet, c'est à la terre que les êtres vivants attachent leur destin le volatile vient y faire son nid, et le nageur vient frayer sur ses rivages; tous, après en avoir fait l'objet de leurs courses, en font celui de leur repos. Ceux des zones glaciales et des montagnes hyemales ont été habillés de pelisses touffues, de peaux emplumées, de duvets qui leur servent de litière au sein des glaces et des neiges. Ceux qui nagent dans les mers boréales et australes, commes les baleines, ont, sous des cuirs élastiques, des couches de lard épaisses de plusieurs pieds pour conserver leur chaleur naturelle et les préserver du choc des glacons flottants. D'autres, comme les lions marins, quise traînent sur les écueils, sont revêtus d'une graisse molle et d'une peau flottante. Semblables à des outres d'huile, ils glissent sans effort et sans danger sur les âpres rochers, et s'y livrent à de profonds sommeils au bruit des flots mugissants. D'autres, au fond des eaux, se réfugient dans les antres des rochers. C'est là qu'une foule de poissons engourdis vien

nent chercher des asiles contre les hivers et contre, rangées dans les mousses qui tapissent les cavités la vieillesse, ce long hiver de la vie. C'est là que des arbres ou celles des rochers: tels sont les écules plus faibles ont été mis par la nature à l'abri reuils, les marmottes, les porcs-épics. D'autres des tempêtes. s'enfoncent dans le sein de la terre, comme les mulots, les rats, les lapins, les taupes, les abeilles maçonnes, les guêpes, les hannetons, les grillons, les fourmis, les vers de terre, et une foule d'insectes qui y cherchent le repos. Ils y déposent les berceaux de leurs petits, et y font pénétrer le soleil et l'air, ces deux premiers éléments de la vie et de la végétation. Quelques uns s'y multiplient en nombre prodigieux. J'ai vu une prairie voisine de mon habitation, sur les bords de la rivière d'Essonne, toute criblée de trous de scarabées ; il n'y avait pas un pied d'intervalle de l'un à l'autre. Chaque scarabée se tenait au soleil à l'entrée de son souterrain; et lorsque je venais à passer par un sentier qui traversait la prairie, à chaque pas que je faisais, des milliers de ces insectes se retiraient en même temps à droite et à gauche; ce qui produisait une évolution assez singulière. Je tentai vainement d'en attraper quelqu'un; mais, à la fin de l'automne, il y vint une multitu ie de corbeaux qui en furent en station pendant tout l'hiver. Ils restaient immobiles, et lorsqu'un scarabée se montrait à l'entrée de son trou, ils le gobaient sur-lechamp. Ils en débarrassèrent entièrement la prairie, dont les herbes commençaient déja à se détruire par les travaux de ces insectes.

Les coquillages portent avec eux leurs toits et leurs rochers protecteurs. Il n'y a point de duvet qui en tapisse l'intérieur; mais un vernis brillant des plus riches couleurs de l'orient repose leurs tendres chairs et enduit leurs maisons en dedans et souvent au dehors. La moule taillée en bateau s'ancre aux graviers avec des câbles plus sûrs que ceux de nos vaisseaux. Le limaçon de mer s'attache aux rochers par sa membrane; le lépas en y formant le vide avec son entonnoir; l'huître, les vermiculaires, les coraux, les madrépores s'y collent avec un ciment insoluble aux eaux ; d'autres, comme les dails, s'enfoncent dans le flanc même des rochers calcaires au moyen de leurs coquilles, rudes comme des râpes. Quelques uns savent prévoir les tempêtes et se mettre à l'abri de leurs fureurs. Ils s'enfoncent tout entiers dans les sables, comme les coquillages à robe lisse. Les vermisseaux sans toit et plusieurs petits poissons, les énormes tuilées, restent immobiles sur les récifs, à l'abri sous leurs épaisses voûtes; mais les crustacés, comme les homards et les crabes, se réfugient entre les cailloux roulants; et comme ils sont exposés à avoir les pattes rompues, la nature leur a donné la faculté de les reproduire, comme elle a donné aux arbres celle de reproduire les branches qui ont été fracassées par les vents.

Mais qu'est-il besoin de pénétrer au fond des mers pour observer les moyens de repos que la nature a préparés aux êtres vivants et mobiles? Ceux de la terre les présentent dans leur propre structure. Nous avons remarqué que les jambes de derrière des quadrupèdes forment un arc-boutant en avant; nous observerons ici que celles de devant sont perpendiculaires: les premières sont les agents de la progression, les secondes sont ceux de la station. En effet, c'est sur celles-ci qu'ils reposent même leur tête lorsqu'ils sont couchés. La nature, de plus, leur a donné un ventre sans os, sur lequel ils appuient mollement tout leur corps, surtout dans les fatigues extrêmes. Mais, afin qu'ils pussent varier leurs attitudes stationnaires ainsi que leur marche, elle a revêtu les cuisses et les épaules des plus pesants, comme des chevaux et des bœufs, de muscles charnus et saillants en dehors, qui leur servent à se reposer tour à tour sur les deux côtés. De plus, elle les a faits pour vivre au sein des prairies, où les graminées leur offrent encore d'épaisses litières. D'autres trouvent des retraites tout ar

C'est sans doute pour pénétrer dans le sein de la terre que la plupart des scarabées ont leurs ailes revêtues d'étuis polis, et souvent huilés, afin que l'humidité ne les gâte pas.

Dès que le soleil, ce premier mobile de tous les mouvements des animaux, vient à disparaître, chacun d'eux se réfugie dans son site naturel. L'insecte doré va se blottir au sein d'une fleur; le papillon, les ailes reployées, s'endort sur ses pétales. L'oiseau se perche sur une branche, à l'abri des feuilles ; mais comme sa tête, sur son long cou, le ferait tomber en avant, et de plus serait exposée au froid de la nuit, il la cache sous une de ses ailes et la réchauffe du feu de sa poitrine; le quadrupède vient se coucher au pied de l'arbre, en reployant ses jambes sous son corps. Qui contemplerait alors un paysage, en verrait tous les habitants immobiles et dans des attitudes nouvelles. Les harmonies des animaux du jour cessent au coucher du soleil; mais celles des animaux de la nuit commencent au lever de la lune, afin qu'il y ait toujours des yeux ouverts aux plus petits reflets de la lumière, et attentifs au spectacle de l'univers.

Lorsque l'hiver, cette nuit de l'année, s'appro

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