Page images
PDF
EPUB

situées à des distances fort différentes, et y fait arriver leurs eaux avec la même vitesse: celui qui a le plus de chemin à faire coule par des terres en pente, et celui qui en a le moins par des terres en amphithéâtre. Ce double effet se remarque fréquemment dans les Alpes, les Cordilières, et dans toutes les montagnes situées entre deux mers, à l'extrémité d'une île et d'un continent.

tagnes, sans doute à son exemple et dans la même fin. Comment ose-t-on lui refuser une intelligence que nous accordons aux hommes qui n'ont jamais rien imaginé et ordonné de sage qu'à son imitation?

J'ai remarqué, en France même, cette configuration graduelle de terrain depuis Paris jusqu'aux rivages de Normandie. En passant par Évreux, vous parcourez sur cette route de grandes plaines, au bout desquelles vous trouvez une descente; après cette descente, d'autres plaines s'étendent, et successivement jusqu'aux prairies de la Basse-Normandie. Ces terres en amphithéâtre sont fréquentes en Afrique, en Amérique, et surtout au nord de l'Europe. L'astronome Chappe, que je n'ai vu qu'un instant, et que j'ai regretté toute ma vie, pour rendre ses voyages plus utiles, traça un profil des diverses hauteurs de la terre, depuis Paris jusqu'en Sibérie, au moyen d'un baromètre qu'il portait dans sa chaise de poste. Mais il n'est besoin d'aucun instrument pour connaître les différents niveaux vous en apercevrez les pentes sur les cartes, par les directions des fleuves; et les coupes en amphithéâtre, par leurs cataractes : c'est ce que n'apprend point un baromètre. J'ai trouvé la plupart des rivières de la Finlande russe remplies de cataractes, les unes obliques, les autres perpendiculaires les lacs y sont rangés, du nord au midi, en forme de Cordilières; ils se dégorgent les uns dans les autres, en descendant la plupart vers la Baltique; quelques-uns se déchargent dans la mer Glaciale, mais ils sont en petit nombre. Le sol où ils coulent de ce côté paraît presque de niveau avec cette mer qui n'a point de montagnes sur ses ri

Il y a encore ceci de très-remarquable, c'est que toutes les cataractes sont fortifiées et remparées de grands rochers. Je ne sais pas si le pays qui les avoisine en a également dans le pourtour du même étage; mais on voit qu'ils sont absolument nécessaires à l'endroit où le fleuve se précipite, afin | d'empêcher ses eaux de dégrader le terrain. Sans cette fortification, dont la durée est sans doute digne d'étonnement, il se fraierait une pente oblique, et il s'écoulerait avec la rapidité d'un torrent. Ainsi, les cataractes d'un fleuve ne sont pas des preuves que le pays qu'il arrose est sorti depuis peu du fond de la mer, comme l'ont avancé de célèbres écrivains en parlant des fleuves du Nouveau-Monde; car elles sont fort communes dans les montagnes de l'ancien, qui, d'après leur système, doivent être sorties les premières du sein de l'Océan. Il y a plus, c'est qu'on voit beaucoup de cataractes dans les plaines mêmes de l'Asie, de l'Afrique et de l'Europe. Le Rhin, le Danube, le Volga, le Sénégal, le Nil si ancien, et bien d'autres fleuves, dont les bords sont habités depuis longtemps, se précipitent dans leur cours, comme ceux des contrées solitaires de l'Amérique. Ainsi les cataractes ne sont point des monuments des désordres de la nature, que la main des hommes n'a pas encore réparés; mais elles sont des preuves de la sagesse de ses plans dans les harmo-vages : j'en tire une nouvelle conséquence que la nies du globe.

Nous achèverons de nous en convaincre, si nous observons les masses hydrauliques en plateaux; elles n'ont point d'élévation par elles-mêmes; elles n'ont que des hauteurs relatives; elles ne sont montagnes que par leurs flancs; elles sont plaines à leurs sommets et à leurs bases, et elles prouvent la fausseté de cet ancien axiome, qu'il n'y a point de montagne sans vallée; elles sont les différentes coupes du même terrain, qui s'élève par degrés comme ceux d'un amphithéâtre. Sans doute la nature a voulu, par cette disposition, racheter la pente de plusieurs parties du continent vers la mer, les préserver des dégradations des pluies, et y faire séjourner les eaux, en divisant leur sol par étages, comme les Indiens et les Chinois le pratiquent dans les pentes de leurs mon

terre s'allonge vers ce pôle.

:

Les montagnes hydrauliques en plateaux offrent, comme on peut bien le croire, de vastes amphithéâtres à la végétation, en lui présentant des ados, des abris et des arrosages; elles nourrissent dans leurs rivières des poissons qui ont l'étrange faculté d'en remonter les cataractes. Les sommets les plus âpres de ces montagnes ont des végétaux et des animaux qui leur sont propres. C'est sur leurs crètes raboteuses, qui abondent pour l'ordinaire en fer, que s'élève le mélèze aimé des forges, dont il accélère les fontes avec son tronc et ses rameaux couverts d'agarics et de mousses inflammables. C'est dans les rivières qui y prennent leurs sources, que le saumon se plaît à remonter, et à franchir d'un coup de queue leurs chutes bruyantes : je crois qu'il est attiré par des mélèzes

et des sapins qui sont à la cime des monts; peut-, Elle est si subtile, qu'elle voltige sans cesse dans être cet appât engage ce poisson à remonter les nos appartements, et surtout dans ceux qui sont fleuves du nord, et l'éloigne de ceux de la Médi- inhabités; c'est elle qui couvre les meubles. Elle terranée, où il y a fort peu de ces arbres. Le dépose des couches de terre végétale sur le faîte bouquetin ne se trouve que dans les sommets de nos murs, et jusque sur les corniches des tours escarpés des Alpes ; c'est là qu'il broute des plantes qui, par son moyen, se couronnent de plantes de inconnues aux laboureurs. Ce n'est point pour ce toutes couleurs, d'arbrisseaux, et même d'arbres quadrupède léger et indocile, que la nature de haute futaie. Le sable marin qui l'engendre est arrondi les croupes des collines et aplani les cam- lui-même si subtil, et s'élève en si grande abonpagnes de l'Élide; pour mériter le prix de la dance sur les bords de la mer, qu'il les rend quelcourse sur tous les animaux, il n'a pas besoin quefois inhabitables, au moins quand les vents y d'être excité par les vains applaudissements de soufflent: c'est une des grandes incommodités de l'homme et par ses cruels éperons : nul obstacle la ville du cap de Bonne-Espérance, entourée de ne l'arrête quand l'amour l'appelle. Les vents montagnes de grès et de plages sablonneuses. lui apportent-ils l'odeur de sa femelle au-delà Quand le sable volatile qui les couvre est agité par d'une fondrière profonde; en vain les torrents le vent, non seulement il empêche les habitants mugissent à ses pieds: la nature lui refusa des de sortir dans les rues, mais il pénètre dans leurs ailes, mais l'amour lui prête son arc; il se sus- maisons, quoiqu'il y ait de doubles châssis aux fepend aux branches d'un buisson par ses cornes nêtres, et que les portes soient soigneusement ferrecourbées, et d'un coup de tête il franchit l'af- mées; il entre par les trous des serrures et par les freux précipice. plus petites fentes en,si grande abondance, qu'on le sent craquer sous la dent dans tous les aliments, ainsi que je l'ai éprouvé moi-même. Corneille Le Bruyn en dit autant des orages de sable des bords de la mer Caspienne. Richard Pocoke rapporte qu'on en est fort incommodé en Égypte. << Ils obscurcissent, dit-il, le soleil, et ils sont si » épais, qu'on ne peut voir à la distance d'un » quart de mille. La poussière pénètre dans les >> chambres les mieux fermées, dans les lits, dans » les armoires. Enfin les Turcs, pour exprimer la » subtilité de ce sable, disent qu'il pénètre à tra>> vers la coque d'un œuf. » On retrouve de pa

continents; j'ai cité celles de Pékin, où l'on est obligé d'aller toute l'année à cheval avec un voile sur les yeux, et on doit se ressouvenir de celles qui ensevelirent l'armée de Cambyse.

Toutes les montagnes que j'ai décrites jusqu'ici seraient bientôt dégradées par les pluies, les neiges, les torrents et les siècles, si la nature n'avait pas pourvu à leur réparation. Ce sont des grains de sable, sortis de la mer, qui réparent les Alpes, comme ce sont ses vapeurs qui en entretiennent les fleuves et les glaciers. C'est du mouvement perpétuel des flots de l'Océan, qui, nuit et jour, roule, broie, pile et triture les rochers et les galets de ses rivages, que se forme cette longue zone sablonneuse qui les couvre; c'est de cette zone, qui entoure toutes les îles et tous les continents, que les vents enlèvent sans cesse des nuages d'une pous-reilles tempêtes sablonneuses dans l'intérieur des sière si subtile et si légère, quis s'envolent jusque dans les parties de la terre les plus reculées. Chemin faisant, ils déposent de distance en distance des réservoirs, des arènes et de grandes zones sablonneuses; comme les nuages aquatiques, partis des mêmes lieux, forment, par leurs pluies, des marais, des lacs, des méditerranées. Cette poussière est si volatile, qu'elle s'élève aux sommets des plus hautes montagnes, et s'attache à leurs pics hydro-électriques, qu'elle rend terreux, comme nous en avons cité des exemples; de là elle suinte dans toutes leurs parties caverneuses, qu'elle remplit de stalactites, et comble leurs fen-mières montagnes littorales, dont je distingue tes extérieures; elle y nourrit les grands arbres qui souvent les couronnent; broyée par la mer, échauffée par le soleil, et voiturée par les vents, elle renferme les premiers éléments de la végétation, les sables marins qui la produisent sont remplis de particules métalliques de fer, et même d'or.

Ces sables volatiles entrent tellement dans les plans de la nature, qu'elle a, pour ainsi dire, palissadé les yeux des quadrupèdes et des hommes pour les en garantir. Mais si ces poussières sont incomroodes, elles sont très utiles à la végétation, et surtout aux réparations des montagnes. Elles forment, sur les bords de la mer, des dunes qui en sont les digues naturelles. Ce sont là les pre

deux genres, les unes maritimes, les autres fluviatiles.

Les montagnes littorales maritimes présentent deux espèces principales, les sablonneuses et les lapideuses; toutes deux se subdivisent en concaves et en convexes. Les concaves sont celles qui sont

creusées dans le bassin même de l'Océan ; les con- | celtique dun, qui signifie sable, que s'est formé le

vexes sont celles qui s'élèvent au dessus de la surface de la terre.

Les littorales maritimes sablonneuses concaves comprennent les bancs de sables sous-marins, et les convexes les dunes.

Les dunes sont de petites montagnes de sable qui tirent leur origine du fond de la mer. Elles commencent par des bancs de sable que les courants déposent d'abord sur les eaux. Ils se forment, pour l'ordinaire, par le concours de deux courants opposés voilà pourquoi ils sont très fréquents aux embouchures, c'est-à-dire aux confluents des fleuves et de la mer. Ils sont très étendus vers la ligne, au confluent des deux hémisphères nord et sud, | où aboutissent les deux courants généraux de l'Océan, qui descendent alternativement tous les six mois. C'est des débris de ces deux hémisphères, et particulièrement du nôtre, que se sont formés les hauts fonds sablonneux de la Nouvelle-Hollande, qui en rendent l'abordage difficile aux vais seaux. On peut y ajouter les dissolutions pierreuses invisibles, dont tant de races de poissons forment leurs coquilles, et dont les madrépores entourent, comme d'un rempart, la plupart des îles des mers torridiennes. Ces fortifications marines vont toujours en croissant, et des îles entières de la mer du Sud leur doivent leur origine, suivant le témoignage de Cook. Ainsi, un grain de sable, placé par la nature, peut être un jour la base d'un nouvel hémisphère. La mer, qui ronge sans cesse les plus durs rochers marins, ne fait qu'accroître les bancs de sable qui'en sont les débris. Ce sont des digues mobiles qui résistent en cédant; elles augmentent les grèves des rivages dans les hautes marées, et surtout dans les tempêtes, qui les portent jusque dans l'intérieur du continent. C'est ce que j'ai vu dans beaucoup d'endroits, et surtout à l'ile de l'Ascension, dans l'anse aux Tortues, où le sable se trouve à un quart de lieue de la mer, et est placé à plus de vingt pieds au dessus de son niveau. Cet exhaussement n'est pas l'ouvrage des marées, qui ne s'élèvent point à cette hauteur dans la zone torride; mais il est celui des ouragans dont la violence est telle, qu'ils jettent des bancs de galets énormes à plus de cent pas du rivage, comme je l'ai vu dans les ouragans des îles de France et de Bourbon: ils portent le sable beaucoup plus loin.

Lorsque le sable marin est à une certaine distance de la mer, il n'y retourne plus; les vents s'en emparent, et en forment de petites montagnes, connues sous le nom de dunes : c'est de ce mot

nom de Dunkerque, comme qui dirait église des sables, parce que le premier monument de cetie ville fut une église qui s'élevait au milieu des dunes. La forme de ces petites montagnes sablonneuses prouve que les vents soufflent de haut en bas, comme je l'ai dit ailleurs ; et comme ils viennent fréquemment de la mer, ils font voyager quelquefois les dunes dans les terres, au point d'ensevelir des villages entiers, comme il arrive sur les plages de la Saintonge : d'un autre côté, la mer ronge quelquefois ces mêmes dunes, et les reporte ailleurs. La ville des Sables-d'Olonue fut, il y a une vingtaine d'années, sur le point d'être détruite par des courants marins qui avaient enlevé sa plage, ses jardins et une de ses rues. En vain on avait essayé de la défendre par des digues, des pieux, des murs: la ville voyait sa ruine s'avancer de jour en jour. Un habile ingénieur des ponts et chaussées, Lamandé, trouva enfin le moyen de faire rendre à la mer ce qu'elle avait pris à la terre. Après avoir observé que le courant destructeur venait frapper une partie de la côte, d'où il se réfléchissait directement sur la ville, il construisit, à l'angle de réflexion, une digue qui détournait obliquement le courant de sa direction : de sorte que, loin de dégrader désormais la ville, il lui rendit, en moins d'une année, plus de grève qu'elle n'en avait perdu. Ainsi la science d'un homme attentif aux lois de la nature sauva une ville florissante des fureurs de la mer, et força les flots de réparer leurs propres dommages, non en s'opposant directement à leur violence, mais en la détournant vers un autre objet. On ne peut opposer à la nature que la nature même; c'est une maxime vraie en politique et en morale, comme en physique. Les habitants des Sables-d'Olonne regardent cet ingénieur comme leur sauveur; et l'un d'entre eux qui n'avait point d'enfants, et qui avait pour héritiers des collatéraux riches, lui a légué, par son testament, 40,000 livres, pour récompenser un service rendu à son pays. J'ai cru devoir rapporter cet acte rare de générosité d'un particulier envers un de mes anciens camarades aux ponts et chaussées, qui était digne à tous égards de la reconnaissance publique.

Pour revenir aux dunes de sable, on doit les regarder comme les meilleures digues que l'on puisse opposer aux fureurs de l'Océan. Il n'y trouve que de longs talus où ses flots s'étalent sans résistance; souvent il les augmente par ses tempêtes, qui détruisent les jetées les mieux construites. La nature les fortifie encore avec divers végétaux,

de la mer, qui, en beaucoup d'endroits, ne présente aux sondes qu'un lit de roches, couvert çà et là de vases, de sables, de coquilles brisées. Quoi qu'il en soit, une grande quantité de rochers. sous-marins montent du fond de la mer jusqu'au dessus de sa surface, et protégent ses rivages con

Telles sont les colonnes de pierre qui s'élèvent de-
vant la côte de Norwége dans une étendue de trois
cents lieues, et la crête de rochers qui borde celle
du Brésil, dans une longueur de mille lieues. Quoi-
que ces digues maritimes soient peu élevées au
dessus de l'eau, elles ont au moins deux à trois
cents brasses de profondeur. Telles sont encore.
les chaînes de pierre qui environnent les attollons
des Maldives, et les ceintures de madrépores qui
entourent un grand nombre d'îles entre les tropi-
ques. Toutes ces digues naturelles sont faites avec
un art admirable; car, quelque dur que soit le
rocher dont elles sont construites, elles sont ou-
vertes à l'embouchure des fleuves, non pas tou-
jours vis-à-vis, mais de la manière la plus conve-
nable aux débouchés de leurs eaux, par rapport
aux courants de la mer. Comme c'est là qu'abor-
c'est
dent les alluvions de l'Océan et de la terre,
aussi là que vivent des variétés prodigieuses de
d'é-
fucus, d'algues, de varechs, de coralloïdes,

suivant les climats. Elle a planté dans les sables marins de la zone torride les souples mangliers comme des digues flottantes, et les cocotiers qui entrelacent tellement leurs racines chevelues qu'ils en font des masses solides. Elle y a disséminé une multitude d'animaux, tels que les crabes, les bernards-l'ermite, les tortues, ainsi qu'une foule d'oi-tre la fureur des flots, qui s'y brisent sans cesse. seaux de marine qui ne peuvent vivre que dans des sols sablonneux. C'est là aussi que vivent beaucoup de hordes errantes de Sauvages, qui y trouvent des chasses et des pêches abondantes. Les dunes de nos rivages ont aussi leurs végétaux et leurs animaux. C'est là que croissent le gramen arenosum, les squilles, la criste-marine, le thym et le serpolet les plus parfumés. Les lapins, si bien peints par La Fontaine, et dont le sort a été envié par l'infortuné Jean-Jacques, se plaisent à y construire leurs longs et tranquilles souterrains. A l'instinct de ces paisibles animaux pour creuser la terre, on peut reconnaître qu'ils sont les habitants naturels des dunes. Ceux de Cabourg, sur les côtes de la Basse-Normandie, sont à tous égards les plus estimés dans nos climats. Les Hollandais regardent leurs dunes comme leurs meilleures digues. Ils ont grand soin de les entretenir et de les réparer à chaque marée avec des bottes de jonc, qu'ils enfoncent, d'étage en étage, dans leurs flancs battus de la mer. Ils sèment aussi sur leurs crê-ponges, de vermisseaux, de crustacés, de coquiltes le gramen arenosum, et ils y plantent, avec une lages, de poissons, d'amphibies, d'oiseaux, dont constance inaltérable, des chênes, qu'ils renouvel- la plupart n'ont pas même encore de nom dans lent sans cesse. Enfin, ils n'opposent souvent aux les langues européennes. Je ne balance pas à dire fureurs de l'Océan et à celles de leurs ennemis que l'histoire naturelle d'un rocher sous-marin, que de simples bancs de sables. situé entre les tropiques, ne serait pas contenue dans un cabinet de la même étendue, quand on n'y mettrait que deux individus mâle et femelle, de chaque espèce d'êtres qui l'habitent dans le cours de l'année. J'ai vogué en pirogue sur les hautsfonds de l'Ile-de-France, et je les ai vus pavés de madrépores aussi variés que les herbes le sont dans nos prairies. Ces madrépores sont remplis de zoophytes, de crabes et de coquillages de toute espèce; et il y en a de si grands, qu'un seul ferait la charge d'un cheval. Le sol qui les porte est luimême un madrépore formé de couches dont on fait de la chaux en abondance. Lorsque la mer découvre, dans ses basses marées, une partie des fondements de cette architecture hydraulique, c'est alors qu'on peut se convaincre qu'un rocher n'est pas l'ouvrage du hasard, puisque de son existence dépend celle d'une multitude d'êtres végétants et vivants, organisés exprès pour ne végéter et ne vivre que là. Le lépas, par exemple, est un coquillage pyramidal, collé à un rocher qu'il suce;

Les montagnes littorales maritimes saxatiles sont de deux sortes, comme les sablonneuses. Les unes sont concaves, les autres sont convexes. Les concaves sont creusées dans le bassin des mers. Parmi celles-ci, les unes sont sous l'eau, comme les rochers sous-marins; les autres sont hors de l'eau, comme les falaises. Les littorales convexes sont des montagnes qui s'élèvent au-dessus de la surface de la terre.

Il y a d'abord des rochers sous-marins, soit que la mer les forme actuellement en pétrifiant des vases, ou en conglomérant des sables en grès; soit qu'elle les ait construits autrefois, comme les falaises qu'elle détruit aujourd'hui, et que ces rochers en soient des débris. Nous rangerons parmi les rochers sous-marins le banc de Terre-Neuve, qui est de roche vive, comme on l'a reconnu par les sondes, et autour duquel on ne trouve point du tout de fond; le grand banc qui borde la côte occidentale de l'Afrique ; et peut-être le fond même

a porté l'art de sonder jusqu'à faire des cartes fort exactes des bancs et des écueils que l'on ne peut voir. Les marins, ce me semble, l'emportent en ce point sur les astronomes. Ceux-ci mesurent des distances inaccessibles dans les cieux; mais ceux-là en mesurent d'invisibles au fond de la mer. C'est par la sonde que l'on a le contour et la hauteur des bancs sous-marins de nos côtes, et même du banc de Terre-Neuve, qui a plus de deux cent trente lieues de longueur.

et son existence en dépend tellement, qu'il meurt dès qu'il en est détaché. L'huître de l'Ile-de-France se colle aux anfractuosités des rochers, de manière que son écaille en suit les plis, et qu'on ne peut l'en détacher qu'en emportant une pièce du roc. La première fois que je vis à l'Ile-de-France un panier d'huîtres, je crus que c'était un panier de pierres. On ne les pêche et on ne les ouvre qu'avec un marteau et un ciseau. Elles sont d'ailleurs excellentes. J'ai vu à Malte et à Toulon une espèce de moule appelée dail, qui se loge et vit dans l'in- Quant aux montagnes littorales maritimes contérieur des blocs de pierre calcaire qui sont au caves qui s'élèvent hors de l'eau, on les appelle fond de la mer, sans qu'on la trouve nulle part falaises. Les falaises ne sont pour l'ordinaire que ailleurs. Il n'est pas aisé de dire comment ce dail des rivages très escarpés, taillés dans le sol des y pénètre, car on ne voit point d'ouvertures à ces terres et à leur niveau. Il y en a de toutes sortes rochers que l'on brise à coups de masse pour en de minéraux. Les unes sont de pierres de taille, tirer ce coquillage, qui est très bon à manger. Ce comme les collines de l'île de Malte, escarpées n'est pas à moi à dire sur ce sujet ce que j'ai vu, par la mer; d'autres sont de lave, comme celles de mais aux Patagons, aux habitants des Orcades ora- l'île de l'Ascension. Celles-ci avancent leurs plageuses, des îles Kuriles, du détroit de Jeso, dé-teaux poreux au-dessus de la mer qui, les frappant couvert par l'infortuné La Peyrouse, et à cette foule de familles errantes, libres et heureuses, qui, sans aucune culture, trouvent dans les productions si variées des rivages de l'Océan des mois sons plus abondantes et plus gratuites que celles de la terre.

en dessous par ses houles, fait jaillir à travers leurs trous une multitude de gerbes et de jets d'eau: j'en ai vu la côte de cette île bordée quelquefois dans l'étendue de plus d'un quart de lieue. C'est sans doute à quelque longue caverne où la mer s'engouffre, qu'il faut attribuer un jet intermittent d'eau salée qui s'élève dans l'île de Malte, au milieu des terres, à une grande distance du rivage. Il y a plusieurs jets semblables d'eau bouillante, aux environs du volcan du mont Hécla en Islande.

Les falaises de la Normandie sont des couches alternatives de marne blanche et de cailloux noirs, posées par assises horizontales comme les pierres d'un monument: elles ont de quatre-vingts à cent pieds de hauteur. Elles sont évidemment l'ouvrage de l'Océan, car elles sont remplies de coquillages

L'Océan est, comme je l'ai dit ailleurs, le berceau et le tombeau de la terre. Il est le grand réceptacle de ses dépouilles, et c'est sans doute à leurs dissolutions qu'il doit le bitume et les sels dont ses eaux sont imprégnées. Quoiqu'elles paraissent limpides sur ses rivages, elles se troublent, dans les grandes tempêtes, dans tous les endroits où la sonde peut atteindre. Si on en met alors dans un verre, on y voit des grains de sable se déposer au fond j'en ai vu faire l'expérience à l'embouchure de la Manche, à plus de soixante lieues au large. C'est un des moyens dont les ma-marins; mais ce qu'il y a de fort singulier, c'est rins se servent dans les brumes et dans les gros temps, lorsqu'ils ne peuvent sonder, afin de connaître s'ils approchent de terre. Quant à leur sonde, c'est une quille de plomb, quelquefois du poids de soixante à quatre-vingts livres. On l'attache à une corde de cent cinquante à deux cents bras-toise tous les ans. On pourrait, ce me semble, reses, et on la laisse aller au fond de l'eau pour en médier à cette dégradation en coupant ces falaises connaître la profondeur. Sous la base de cette en longs talus depuis le haut jusqu'en bas. Les quille il y a une cavité ronde, de la capacité d'une marées s'y étaleraient, et n'en battraient plus le salière. Elle est remplie d'une pelote de suif en pied en ruines. Il suffirait même d'en couper en saillie; cette pelote s'écrase par le poids de la pente douce la partie inférieure, jusqu'à l'endroit quille, et s'amalgame avec le sable et la vase du ou s'élèvent les plus hautes marées. On laisserait fond où elle s'arrête. Au moyen de ce sable et de la partie supérieure perpendiculaire, et ou y mécelte vase, dont les débris et les couleurs varient nagerait de charmantes habitations, qui auraient suivant les côtes, on juge de leur éloignement. On communication à la fois avec la mer et avec les

qu'on y trouve les plus grandes coquilles des Indes, telles que la tuilée ou le bénitier. L'océan Indien les a formées dans son sein, et l'Atlantique les détruit aujourd'hui. Il est prouvé par les observations les plus exactes, qu'il en ronge une

« PreviousContinue »