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vées. J'en conclus qu'il est possible que le physi- | peu d'action sur notre hémisphère; et qu'en été, cien qui m'est venu voir, ait réussi, à l'lle-deFrance, à découvrir un vaisseau qui en était à de grandes distances, au moyen de l'atmosphère condensée de l'île de Bourbon, qui en est à quarante lieues, et dont les sommets sont toujours couverts de glaces; et qu'il ait échoué au port de Brest, dans l'horizon duquel il n'y a point de semblables montagnes; et par conséquent point de vapeurs spéculaires.

au contraire, où il en a beaucoup, les orages sont fréquents. Il est remarquable aussi que les pluies. d'orage, qui sont pénétrées de ce feu électrique font éclore très promptement les semences des végétaux et les œufs des insectes. Le tonnerre annonce presque partout l'arrivée du printemps, c'est-à-dire l'action du soleil sur la végétation. En Russie, le peuple ne se croit dans le printemps que quand il a entendu le tonnerre; en France même, nos paysans disent en proverbe : « Quand » il tonne en avril, le laboureur se réjouit. » Cependant plusieurs d'entre eux regardent ce brillant météore comme un signe de la colère de Dieu envers les hommes; ils sonnent de toutes leurs forces les cloches de leur village pour l'en écarter, et assez souvent ils le font tomber sur le clocher même, dont la croix de fer le soutire. Le tonnerre, loin d'être une preuve de la colère de Dieu, en est une de sa bonté. Il rafraichit l'atmosphère en en faisant écouler les couches supérieures, toujours froides, dans les inférieures, trop échauffées par les reflets de la terre; et il verse sur celle-ci des eaux tièdes, sulfurées et nitreuses qui la fécondent. A la vérité, ses feux vifs et ses roulements, accompagnés d'éclats, ont quelque chose d'effrayant; mais rien n'est fait en vain. Comme cette commu

Non seulement les vapeurs aquatiques décomposent les rayons du soleil en couleurs, et réfléchissent sa circonférence dans les arcs-en-ciel, et son disque entier dans les parélies; mais elles s'imbibent de sa chaleur, et la transmettent à la terre par les pluies qui la fécoudent. L'eau est le véhicule du feu. Observons d'abord que l'océan de vapeurs dont l'atmosphère est remplie contient toute l'eau des fleuves qui doit couler en un jour sur la terre, et que s'il tombait du ciel en masse, il ravagerait toutes les campagnes; mais il tombe en longs filets divisés par gouttes, dont la chute ne produit point de dommages. L'eau aérienne est la matrice du feu électrique, c'est-à-dire de ce feu solaire, souvent invisible, qui féconde et anime tout l'univers. C'est par les raies de la pluie, comme par autant de conducteurs, qu'il descend des nuages qui le renferment : en effet, il n'y a point de ton-nication rapide du feu des nuages avec la terre est nerres sans nuages. A la vérité, les anciens ont observé qu'il tonnait quelquefois en temps serein; Pline, qui rapporte ce phénomène, ajoute qu'il était d'un grand présage. Il est douteux qu'il ait jamais eu lieu; mais il ne l'est pas qu'il ne sorte quelquefois des éclairs de la terre et c'est ce que les anciens, suivant le témoignage du même auteur, appelaient foudres infernales. Cet effet doit arriver lorsqu'une portion métallique de la terre, isolée sur quelque roche vitreuse ou sulfureuse, se trouve plus chargée de feu électrique que l'atmosphère qui lui correspond; car, ne pouvant se répandre au dedans par la qualité anti-électrique, propre au verre et au soufre, il s'élance au dehors vers le nuage qui l'attire; il se met de niveau, passant du corps qui en a le plus à celui qui en a le moins. C'est sur ce principe qu'on a imaginé les aiguilles électriques qui surmontent nos maisons, et qui les garantissent de la foudre. C'est dans un morceau d'ambre que la propriété électrique fut aperçue pour la première fois, et l'homme est parti de ce point pour arracher la foudre du ciel. Une preuve que le feu électrique vient du soleil, c'est, comme nous l'avons déja dit, qu'il y a en hiver très peu de tonnerre, parceque cet astre a

meurtrière pour ceux qui se trouveraient dans sa direction, son bruit avertit les animaux qui ont les sens de l'ouïe et de la vue, de se mettre à l'abri. Un autre météore l'accompagne souvent, c'est celui de la grêle. Il est nuisible aux vignes et aux moissons, mais il est toujours funeste aux insectes, dont les orages favorisent la multiplication. Il s'annonce aussi par un bruit alarmant et une espèce de cliquetis lointain, qui donnent au moins aux hommes le temps de l'éviter. D'ailleurs, tout est compensé : les contrées les plus sujettes aux orages sont les plus fertiles, ainsi que celles qui sont voisines des volcans, ces tonnerres de la terre et des mers.

C'est donc par les harmonies aquatiques de l'air mises en action par le soleil que s'opèrent la décomposition de la lumière en mille teintes colorées; les pluies fécondantes, sources des fleuves; les arcs-en-ciel, les tonnerres rafraîchissants des zones torrides, et les parélies des zones glaciales.

C'est pour produire ces différents effets que le soleil pompe sans cesse les eaux de l'Océan en vapeurs, qu'il les rassemble en nuages, qu'il les disperse dans l'atmosphère par plans élevés les uns au dessus des autres, pour y produire ces per

spectives aériennes si ravissantes, qui donnent tant d'étendue à nos horizons, et dont la magnificence redouble avec le coucher de l'astre du jour.

taractes; il était traversé par un grand pont, appuyé sur des arcades à demi-ruinées. Des bosquets de cocotiers, au centre desquels on entrevoyait des On vante beaucoup l'aurore et fort peu le cou-habitations, s'élevaient sur les croupes et les prochant. Il en est de même du mois de mai, cette fils de cette île aérienne. Tous ces objets n'étaient aurore de l'année végétale, et du mois de septem-point revêtus de ces riches teintes de poupre, de bre qui la termine. Le mois de mai n'amène pas jaune doré, de nacarat, d'émeraude, si communes toujours la fin des frimas; je l'ai souvent trouvé le soir dans les couchants de ces parages; ce paysage humide et froid comme l'aurore, tandis que sep- n'était point un tableau colorié : c'était une simple tembre est sec et chaud comme le couchant. L'au- estampe, où se réunissaient tous les accords de la rore et le mois de mai ont sans doute de grandes lumière et des ombres. Il représentait, non une beautés; mais la principale est de plaire à notre contrée éclairée en face des rayons du soleil, mais imagination, parceque l'une nous annonce le com- par derrière, de leurs simples reflets. En effet, mencement du jour, et l'autre celui du printemps: dès que l'astre du jour se fut caché derrière lui, au contraire, le couchant et le mois de septembre quelques uns de ses rayons décomposés éclairèrent sont les précurseurs, l'un de la nuit, et l'autre de les arcades demi-transparentes du pont d'une coul'hiver. Les premiers sont les symboles de la jeu- leur ponceau, se reflétèrent dans les vallons et au nesse et de ses plaisirs, les seconds de la vieillesse sommet des rochers, tandis que des torrents de et de ses infirmités. Nos idées morales dénaturent lumière couvraient ses contours de l'or le plus souvent nos sensations physiques. Pour moi j'ai pur, et divergeaient vers les cieux comme les trouvé, dans le cours de ma vie, le couchant plus rayons d'une gloire; mais la masse entière resta intéressant que l'aurore, septembre plus doux que dans sa demi-teinte obscure, et on voyait autour mai, et mon automne plus agréable que mon prin- des nuages qui s'élevaient de ses flancs les lueurs temps. des tonnerres, dont on entendait les roulements lointains. On aurait juré que c'était une terre véri table, située environ à une lieue et demie de nous. Peut-être était-ce une de ces réverbérations célestes de quelque île très éloignée, dont les nuages nous répétaient la forme par leurs reflets, et les tonnerres par leurs échos. Plus d'une fois des marins expérimentés ont été trompés par de semblables aspects. Quoi qu'il en soit, tout cet appareil fantastique de magnificence et de terreur, ces montagnes surmontées de palmiers, ces orages qui grondaient sur leurs sommets, ce fleuve, ce pont, tout se fondit et disparut à l'arrivée de la nuit, comme les illusions du monde aux approches de la mort. L'astre des nuits, la triple Hécate, qui répète par des harmonies plus douces celles de Un soir, environ une demi-heure avant le cou- l'astre du jour, en se levant sur l'horizon, dissipa cher du soleil, le vent alizé du sud-est se ralentit, l'empire de la lumière, et fit régner celui des comme il arrive d'ordinaire vers ce temps. Les ombres. Bientôt des étoiles innombrables et d'un nuages qu'il voiture dans le ciel à des distances éclat éternel brillèrent au sein des ténèbres. Oh! égales comme son souffle devinrent plus rares, et si le jour n'est lui-même qu'une image de la vie; ceux de la partie de l'ouest s'arrêtèrent et se grou-si les heures rapides de l'aube du matin, du midi pèrent entre eux sous les formes d'un paysage. Ils et du soir représentent les âges si fugitifs de l'enreprésentaient une grande terre formée de hautes fance, de la jeunesse, de la virilité et de la vieilmontagnes, séparées par des vallées profondes, et lesse; la mort, comme la nuit, doit nous découvrir surmontées de rochers pyramidaux. Sur leurs som- aussi de nouveaux cieux et de nouveaux mondes! mets et leurs flancs apparaissaient des brouillards détachés, semblables à ceux qui s'élèvent autour des terres véritables. Un long fleuve semblait circuler dans leurs vallons, et tomber çà et là en ca

Lorsque j'étais en pleine mer, et que je n'avais d'autre spectacle que le ciel et l'eau, je m'amusais quelquefois à dessiner les beaux nuages blancs et gris, semblables à des groupes de montagnes, qui voguaient à la suite les uns des autres sur l'azur des cieux. C'était surtout vers la fin du jour qu'ils développaient toute leur beauté en se réunissant au couchant, où ils se revêtaient des plus riches couleurs, et se combinaient sous les formes les plus magnifiques. Sur la terre, chaque site présente toujours le même horizon; dans le ciel, chaque heure, et surtout chaque soir, en offre de nouveaux. J'ai tâché d'en tracer quelques tableaux dans mes Études. Je vais ici en esquisser un, aussi imparfait que mes crayons.

HARMONIES AQUATIQUES

DE L'EAU.

Quoique l'eau soit évaporable, et qu'elle puisse

occuper, dans cet état, un espace plusieurs milliers de fois plus grand que dans son état naturel, elle est incompréhensible. On a beau la presser, on ne fait point rentrer ses molécules en ellesmêmes, comme celles de l'air. L'eau fortement comprimée dans un tuyau de métal le fait crever s'il est de fer, et passe à travers ses pores s'il est d'or. On en peut conclure encore que les molécules de l'eau sont plus déliées que celles de l'air, et qu'elles en diffèrent; car celles-ci, quelque pressées qu'elles soient, ne transpirent point à travers les pores de l'or. D'ailleurs, les vapeurs de l'eau s'élèvent dans l'air le plus dilaté, et ne se confondent point avec lui.

vait faire que l'eau renvoyât au dehors la lumière comme un miroir, et qu'elle ne réfléchît pas également au dehors les formes des corps coloriés et même lumineux. J'entrevois la raison de ces lois de l'optique, sans en concevoir la cause première ni le mécanisme. Quoi qu'en disent nos docteurs, nous ne saisissons que des causes finales. Il était nécessaire que les rayons du soleil fussent réfléchis et étendissent leur action vivifiante sur la terre. C'est pour cela que les eaux sont répandues dans toute sa circonférence, et surtout aux pôles, dont les neiges et les glaces sont réverbérantes, afin de dédommager les zones des longues absences de l'astre du jour. Mais si ces mêmes eaux, Cependant il ne faut pas croire que l'eau soit soit fluides, soit solides, eussent réfléchi les images incompressible en elle-même. La nature a des des corps, mille formes illusoires se fussent mêmoyens inconnus à notre physique, et bien supé- lées aux véritables: le vaste Océan eût réfléchi rieurs à nos machines. Elle condense l'air dans le dans le ciel un autre ciel et un autre soleil; les chêne, au point d'y en renfermer le tiers de la fleuves qui circulent eussent représenté des forêts pesanteur de ce bois, suivant l'expérience qu'en a❘ et des collines mouvantes, perpendiculaires à leur faite le chimiste Homberg. Il paraît qu'elle y com- surface; le ruisseau eût offert, sur la sienne, la prime l'eau dans une proportion beaucoup plus verdure et les fleurs de la prairie voisine; la bergrande. Quoique ce bois paraisse, à l'intérieur gère, trompée, eût mené paître ses moutons sur même, dans un état de sécheresse, on peut con- les eaux, et eût cru y voir doubler son troupeau. naître qu'il renferme une grande quantité d'eau Elle-même, en y consultant ses attraits, eût repar la fumée qui en sort lorsqu'on le brûle. Une culé épouvantée en voyant une figure semblable corde de bois, qui pèse près de deux milliers, ne à la sienne s'élever au dessus de l'onde et lui soudonne qu'un boisseau de cendre qui ne pèse pas rire. Son berger, incertain, n'eût su à laquelle vingt livres. Tout ce qui s'en est évaporé n'était des deux adresser son hommage, et lui-même, presque que de l'air et de l'eau qui y étaient com- dans sa propre image, eût cru rencontrer un ribinés sous une forme solide. Cependant, dans cet val. Le chien seul, par sont instinct, fût resté fiétat de combinaison intime, l'air et l'eau diffèrent dèle au troupeau, à la maîtresse, à l'amant. L'eau encore; car le premier sort invisible, mais sou- eût renvoyé tous les objets de la terre dans les airs. vent avec des sifflements et des murmures; et Mais, par une magie céleste, sa surface mobile rél'autre en silence, sous la forme de vapeurs obscu-fléchit vers les cieux la lumière qui en descend. res. Il faut sans doute en déduire la matière même du feu qui résulte de la combinaison des rayons du soleil dans le bois, lesquels, par un mécanisme encore plus merveilleux, y acquièrent de la pesanteur, s'y engagent d'une manière invisible, et se développent en feu et en flamme par la combustion.

Elle éclaire, de ses reflets, les ombres des corps voisins, tandis que leurs formes paraissent s'enfoncer dans sa profondeur. Ainsi, l'hémisphère réel et l'hémisphère réfléchi forment une sphère entière séparée par des jets lumineux, et consonnent entre eux au lieu de se confondre.

Cependant les eaux liquides présentent quelqueSi l'eau, réduite en vapeurs, réfracte les rayons fois les mêmes phénomènes que les eaux évapodu soleil, et les décompose en couleurs; lorsqu'elle rées. J'ai vu, dans des tempêtes, les couleurs de est fluide, elle les réfléchit au dehors, tandis l'arc-en-ciel sur la tête des flots. Il est possible qu'elle reflète, en apparence au dedans, tous les même qu'elles figurent des parélies dans leurs objets qui l'environnent, et qui, comme on sait, courbes, lorsqu'elles se creusent en vallons par le renvoient de toutes parts des rayons colorés qui poids des vents; et qu'on voie sortir des soleils du les rendent visibles. Je dis que l'eau reflète, en sein des mers, ainsi que des nuages condensés du apparence au dedans, les objets qui l'environ- nord. C'est par le même effet qu'un miroir connent, car ce reflet n'a lieu qu'à sa surface, ainsi cave renvoie dans l'air et y fixe l'image d'un objet qu'à celle de tous les corps polis. qui lui est opposé. J'attribue à de semblables réJe n'ai jamais bien compris comment il se pou- verbérations une espèce de flamme bleue que j'ai

vue quelquefois sortir de la mer au coucher du soleil, au moment où son disque disparaît de dessus l'horizon.

La réflexion des rayons du soleil est plus grande sur l'eau que sur la terre. Les matelots sont plus basanés que les laboureurs, aux mêmes latitudes. Les coups de soleil sont plus fréquents sur le bord des rivières qu'au milieu des campagnes. Les reflets des eaux sont proportionnés à leurs ondulations, d'où il arrive que, dans les tempêtes où le soleil apparaît, la mer renvoie une chaleur plus forte qu'à l'ordinaire, parceque ses flots, en se creusant, doublent leurs surfaces et leurs réverbérations. Si cependant il y a des rivages dont l'atmosphère est plus froide que celles des terres qui les avoisinent, c'est que les eaux qui les baignent sortent de quelque souterrain, ou d'une montagne à glace, ou des pôles mêmes de la terre.

et remplis de coquillages marins qui attestent que tous ces fossiles sont les ouvrages des eaux de l'Océan. C'est sur ses bords que, par un battement continuel des flots et le roulement des cailloux, se pulvérisent ces longues grèves, dont les sables volatils vont, à l'aide des vents, réparer les sommets des montagnes les plus élevées dans l'atmosphère, et les plus reculées dans le continent: ce n'est donc pas sans raison que, dès la plus haute antiquité, l'Océan a été appelé le père de toutes choses.

Si l'Océan est le bercau de la terre, il en est aussi le tombeau. C'est dans son sein que se rendent les débris des roches et des montagnes, que les torrents entraînent dans les fleuves, qui en deviennent tout noirs ou tout jaunes après d'abondantes pluies. C'est là que flottent, en dissolution, les huiles, les bitumes, les nitres, qui forment des volcans sur les rivages; c'est là aussi que les siècles ensevelissent à la longue les ruines des villes et des puissances humaines. La meilleure partie de Rome n'est plus sur le sol de Rome; elle est au fond du Tibre et dans les bancs de la Méditerranée. Ses peuples innombrables ne gisent plus dans les catacombes, et ses empereurs dans leurs vastes tombeaux il n'en reste tout au plus que les squelettes; leurs chairs se sont écoulées avec les eaux souterraines vers les feux du Vésuve et de l'Etna. Quant à nous, peuples modernes, l'0

Non seulement les rayons du soleil se réfléchissent sur les eaux, mais ils les pénètrent jusqu'au fond. Si, comme on le croît communément, les abîmes de l'Océan ont autant de profondeur que les plus hautes montagnes ont d'élévation, il est certain que les rayons du soleil parviennent jusqu'au fond de leurs ba-sins, à travers des masses liquides de plus de trois mille toises. Si cela n'était pas, il y aurait des cavités sous-marines, dont l'eau, tout à fait privée de la chaleur du soleil, fondrait à certaines périodes. Or, si ces effets avaient lieu, on verrait au milieu des mers torri-céan est pavé de nos boulets, de nos canons, des diennes, qui sont les plus profondes du globe, des glaciers sous-marins s'élever tout à coup à leur surface, frapper de congélation l'atmosphère chaude de leurs îles, et en faire périr à la fois les végétaux et les animaux. Le Caraïbe vagabond, le Nègre misérable, le voluptueux Taïtien, n'ose-gers de notre gloire sont dans nos histoires et dans raient voguer autour sans craindre à chaque instant de voir leurs pirogues portées au haut des airs par des roches jaillissantes du fond des mers. Il était donc nécessaire que le soleil en réchauffât | de ses rayons toute la profondeur, afin qu'une zone glaciale n'apparût pas subitement au sein de la zone torride.

On ne peut que spéculer sur des lieux aussi éloignés des recherches des hommes; mais on est tenté d'y pénétrer au moins en esprit, lorsqu'on pense que c'est là que se combinent tant de matières qui servent aux principaux besoins de la vie. C'est au fond de l'Océan que se sont formés les argiles, les pierres de taille, les pierres à chaux, les marnes, les ardoises, les marbres, les gypses, les grès, les cailloux et les métaux même, disposés pour la plupart par couches horizontales,

lingots du Pérou et du Mexique, et des ossements des nations qui se les sont disputés, par le fer et le feu, au sein des eaux. Oh ! que la cloche du plongeur nous serait bien plus utile que le globe de l'aérostat! les monuments mensongers et passa

nos places publiques; mais ceux de nos misères et de nos fureurs sont permanents au fond des mers. Ils y sont rangés par ordre de siècles. Un jour, ils apparaîtront dans les carrières ouvertes par nos descendants, comme les os des éléphants et des crocodiles nous apparaissent dans celles du nord.

Nous verrons, dans le paragraphe suivant, comment le temps opère ces grandes révolutions. Nous remarquerons seulement ici que tous les coquillages et les poissons qui ont des couleurs brillantes fréquentent le bord des eaux, afin sans doute que l'homme puisse jouir de leur beauté; tandis que ceux qui ne sont revêtus que de robes obscures vivent à de grandes profondeurs ou en pleine mer. Il est certain que les marbres vivement colorés de rouge, de pourpre, de bleu, de jaune,

de

vert, ont été formés par les débris des premiers, | vir que pour de petites distances, car son rayon et les marbres gris et noirs par les derniers; d'où visuel n'est qu'une tangente au globe. Le niveau l'on pourrait conclure que les carrières des pre- réel, au contraire, est celui par lequel les eaux miers indiqueraient les anciens rivages de l'Océan, se mettent en équilibre par leur tendance vers le et celles des derniers, les fonds de son bassin. centre de la terre d'où il résulte qu'elles se disPeut-être encore jugerait-on, par leurs différents posent en sphère tout autour de lui. Cette courbe degrés de dureté, des profondeurs où elles ont été est si sensible sur la mer, qu'elle cache à six formées au sein de la mer; car les différentes élé- lieues de distance un vaisseau du premier rang, vations de ses eaux doivent comprimer plus ou dont la mâture a cent quatre-vingts pieds d'élévamoins son fond. On peut citer, à l'appui de ces tion; qu'elle en laisse apercevoir les girouettes à diverses conjectures, deux petits morceaux de cinq lieues, les mâts de perroquet à quatre, les marbre lumachelle ou conchyte de la grandeur mâts de misaine à trois, les mâts inférieurs à d'un petit écu, que l'on voit au Muséum d'histoire deux, et le corps entier du vaisseau à une lieue. naturelle. Ils brillent des plus riches couleurs de Les eaux, attirées vers le centre de la terre, l'aurore, au moyen de quelques fragments de mou- coulent des lieux les plus élevés vers les plus bas, les de Magellan, qu'ils renferment à leur surface: comme on le voit aux ruisseaux, aux rivières et d'ailleurs ils sont très tendres. Il y a apparence aux fleuves, qui descendent tous de quelque hauqu'ils ont été formés à la surface des eaux, car teur pour se rendre à la mer ensemble ou séparéc'est là que les moules habitent. J'ignore d'où ils ment. Il s'ensuit donc que, lorsque des eaux ont viennent; mais ils jettent un éclat si vif, que notre un courant, elles descendent d'un lieu plus élevé reine infortunée, à laquelle ils appartenaient, les vers un plus bas. Or, comme l'Océan a un courant destinait à s'en faire des bracelets. général qui va du nord au midi, depuis l'équinoxe du printemps jusqu'à celui de l'automne, il en résulte que notre zone glaciale est plus élevée que la zone torride. Comme ce courant coule pendant les six mois de notre printemps et de notre été, il est évident qu'il doit son origine et son entretien aux fontes des glaces de notre pôle, qui ont quatre à cinq mille lieues de circonférence, et dont le soleil échauffe alors l'hémisphère. Un courant contraire a lieu dans l'Océan, six mois après, par des causes contraires. On en doit donc conclure que les pôles de la terre sont allongés, sinon par euxmêmes, au moins par les montagnes et les glaces qui les surmontent.

L'eau de la mer est plus pesante d'un trentedeuxième que l'eau douce, à cause du sel qu'elle contient. Comme c'est dans son bassin que se sont formées les pierres calcaires, il serait curieux d'examiner si ces pierres sont salées en elles-mêmes; car, si elles ne le sont pas, on en pourrait conclure que la mer n'était pas salée dans l'origine, et que le sel dont elle est imprégnée vient originairement des terres; et, si elles le sont, que le nitre qui se manifeste quelquefois à leur surface est une efflorescence ou décomposition du sel marin. Quoi qu'il en soit, l'eau marine étant plus pesante d'un trente-deuxième, les corps qui y surnagent y enfoncent d'un trente-deuxième de moins que dans l'eau douce. Il arrive de là qu'un vaisseau échoue dans celle-ci à la même profondeur où il vognerait dans la première. Ces différentes pesanteurs sont peut-être des moyens de pêche que la Divinité a donnés aux hommes, pour profiter des baleines et autres cétacés qui viennent souvent chercher des aliments aux embouchures des rivières, et qui y échouent.

Le centre de la terre attire à lui tous les corps qui sont à sa circonférence, comme nous le verrons au paragraphe suivant. C'est un aimant universel, qui toutefois a des pôles particuliers. L'eau doit à cette attraction son niveau et sa circulation. Il y a deux sortes de niveaux: l'apparent, qui est en ligne droite, et le réel, qui forme une courbe sphérique l'instrument qui porte le nom de niveau n'en donne que l'apparence. Il ne peut ser

Ce courant général de l'Océan produit, pour l'ordinaire, sur ses côtes, deux contre-courants latéraux qui vont en sens contraire. Ils résultent du déplacement de la masse d'eau du milieu de l'Océan, qui force, par son cours, les eaux latérales de remonter en sens contraire pour la remplacer. C'est ainsi qu'un vaisseau qu'on lance à l'eau la fait d'abord fluer en avant, et ensuite refluer vers son arrière. Ce remous ou reflux latéral est sensible dans un ruisseau qui coule dans un bassin, ou qui passe d'un lieu large dans un plus étroit. Il doit être à proportion plus grand sur les bords de la mer, parceque l'eau salée du milieu est plus pesante que les eaux latérales, mêlées en partie de l'eau douce des fleuves, qui est plus légère d'un trente-deuxième. On donne à ces contre-courants le nom de marées. Leur flux, soit qu'il soit intermittent, soit qu'il soit continu, est de douze heu

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