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ces prohibitions n'avaient été manifestement stipulées qué contre la navigation espagnole, et qu'elles ne regardaient nullement les provinces belgiques. Des négociations ouvertes à ce sujet devinrent très-vives quand l'empereur eut, ên 1722, érigé par lettres-patentes la fameuse Compagnie des Indes, connue sous le nom de Compagnie d'Ostende, pour naviguer et négocier aux Indes orientales et occidentales et sur les côtes d'Afrique, tant en-deçà qu'au-delà » du cap de Bonne-Espérance, dans tous les ports, hâvres, lieux et rivières où les autres nations trafiquent librement. » Les Hollandais appelèrent facilement l'attention de toutes les puissances maritimes sur cet établissement. On redouta partout que l'Autriche ne devînt une puissance com→ merçante, et l'on vit alors le spectacle nouveau d'une ligue de l'Europe, dont le but apparent était la garantie de certains intérêts politiques, et la fin réelle, la ruine d'une association de marchands flamands.

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Le résultat des alliances et des transactions entre les cou ronnes dut être la chute de la compagnie. L'empereur consentit d'abord, en 1727, à restreindre à sept ans l'octroi de trente années qu'il lui avait accordé. Et enfin, en 1731, tout commerce des Pays-Bas autrichiens avec les Indes orientales fut totalement aboli; et pour éluder de nouvelles discussions relativement à celui des Indes occidentales, on convint que l'on s'en rapporterait sur ce point aux règles établies dans le traité de Munster. Ainsi furent encore sacrifiés à la Hollande les plus précieux intérêts des provinces belgiques.

Il faut passer maintenant au règne du fils de Marie-Thérèse, car les événemens mémorables où la maison d'Autriche se trouva mêlée laissèrent les Pays-Bas dans la même situation politique. L'usage était à cette époque, comme au temps de Philippe II, de faire gouverner ces provinces par un prince ou par une princesse de la maison impériale. Ces souverains régissaient en général ces états avec équité et.

modération, parce qu'ils reconnaissaient bientôt que ce n'était qu'ainsi qu'on pouvait y régner en paix. Les lois fondamentales étaient respectées, et les institutions réagissaient fortement sur la prospérité publique. Le tableau complet de ces institutions suivra immédiatement cette esquisse.

Au reste, ce n'était plus qu'un vain titre que celui de cercle de Bourgogne. Le traité de Munster avait, à la vérité, reconnu les Pays-Bas comme membres de l'Empire; mais les démembremens successifs que subit cette souveraineté firent d'abord diminuer son contingent pour la chambre de Wezlar; puis enfin l'accomplissement des obligations d'état d'empire fut omise, parce qu'il n'en résultait aucun avantage pour les provinces. Elles ne reçurent jamais, en effet, comme cercle, aucune sorte d'assistance de l'Empire.

CHAPITRE II.

Jusqu'à la création du Royaume des Pays-Bas.

Le règne de Joseph II est une espèce d'avant-scène du grand drame de la révolution. Marie-Thérèse avait cédé, dans les dernières années de sa vie, à l'influence qui semblait pousser l'Europe vers une grande réformation politique. Elle avait commencé d'importantes améliorations; elle avait entamé les priviléges de la noblesse et du clergé de ses états; son fils monta sur le trône pour marcher sur ses traces. Ce prince était doué d'un caractère énergique; son éducation libérale et son esprit philosophique avaient été développés par ses voyages dans plusieurs contrées de l'Europe; il s'était dit que le plus grand bonheur d'un roi était de gouverner un peuple libre: il voulut connaître cette pure félicité.

Malheureusement il oublia qu'avec le despotisme on ne fonde rien, et surtout la liberté; il voulut opérer tout-àcoup une transformation qui, pour être durable, devait

être amenée par les efforts successifs du temps. Tel fut l'objet des mémorables décrets de 1781, qui établissaient les principes d'une juste tolérance à l'égard des chrétiens grecs ou des réformés, abolissaient les droits seigneuriaux et la corvée, etc.; les intérêts de deux classes froissées à la fois se coalisèrent contre son pouvoir. Les peuples, dont l'état social n'était pas encore assez avancé, ne comprirent point la pensée du monarque, et se crurent attaqués dans des chaînes auxquelles l'habitude les avait soumis. Le mécontentement fut général; des troubles s'élevèrent en divers lieux, et le prince expira maudit par ceux dont il avait essayé la délivrance.

Bornons-nous à ce qui se rapporte spécialement aux PaysBas dans ce règne remarquable.

La première tentative de Joseph en faveur de ces contrées eut pour objet l'Escaut, que les traités précédens avaient fermé au commerce des Flamands. Il fit donc déclarer à la Hollande, dans des conférences ouvertes à Bruxelles pour terminer quelques différends relatifs à l'exécution du traité de la Barrière, qu'il se désistait de toutes prétentions précédemment soutenues par ses ministres, pourvu que la république accordât à ses sujets belges la libre navigation de l'Escaut et le commerce direct avec les Indes. Il alla même plus loin, car il déclara qu'il regardait ces points comme décidés, et que toute opposition des états-généraux là-dessus équivaudrait à ses yeux à une déclaration de guerre. république, peu intimidée, allégua les traités, et posta une escadre à l'entrée du fleuve. Quelques vaisseaux flamands qui tentèrent de forcer le passage, furent obligés d'amener pavillon. Ceci se passait dans l'année 1784..

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La guerre paraissait inévitable; mais il n'y avait encore des deux côtés que de faibles préparatifs. L'Europe, comme au temps de la compagnie d'Ostende, s'intéressa à cette querelle toute commerciale. Comme on commençait à sentir la force de l'opinion, chaque parti voulut la fixer en sa

faveur. Des écrivains entrèrent dans la lice. Linguet publia pour l'empereur des Considérations sur l'ouverture de l'Escaut, auxquelles le jeune Mirabeau répondit, excité par le ministère de France. On alléguait pour les Pays-Bas, le droit naturel, qui voulait qu'un peuple pût jouir de la navigation entière d'un fleuve, quand une grande partie de son cour's avait lieu sur son territoire. On mettait en avant, du côté de la république, les grands travaux qui avaient fait des embouchures une véritable propriété de l'industrie hollandaise. On disait que la sûreté même des Provinces-Unies exigeait la fermeture de l'Escaut; on prétendait (ce qui mérite sans doute d'être remarqué ) que les avantages commerciaux qui résultaient pour la Hollande de ces restrictions opposées au commerce de la Belgique, avaient spécialement déterminé les états-généraux dans tous les temps à ne point faire valoir leurs prétentions sur les Pays-Bas, comme ayant été anciennement unis à leurs provinces. La médiation de la France termina. cette discussion. Par le traité de Fontainebleau, en 1785, le traité de Munster fut confirmé, et l'Escaut interdit de nouveau aux Belges. Une somme d'argent délivra la république de toutes les autres prétentions impériales (1). La Belgique fut donc encore sacrifiée par cette transaction.

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Les habitans des Pays-Bas avaient vu avec enthousiasme l'empereur s'occuper de leur rendre cette précieuse navigation de l'Escaut, que les Hollandais leur disputaient avec tant d'opiniâtreté. Le dénouement de cette importante affaire les mécontenta, mais bientôt d'autres essais non moins irréfléchis de Joseph excitèrent des troubles, sur lesquels il est nécessaire de donner quelques détails, dans notre pays, surtout où l'on n'a prêté qu'une faible attention à des événemens dont la gravité devait naturellement être effacée par tout ce qu'il y a de mémorable dans l'histoire nationale à cette époque.

(1) Soulavie, Mémoires du règne de Louis XVI, tome V.gov dey

L'empereur voulut donc, en 1786, opérer l'organisation nouvelle qu'il méditait. Les Pays-Bas furent divisés en neuf cercles, ayant tous un capitaine ou intendant pour chef. Puis, au commencement de l'année suivante, le gouvernement général communiqua aux états des provinces, aux tribunaux supérieurs, aux corps des villes, deux diplômes constitutifs, l'un relatif à l'administration, l'autre à un nouvel ordre judiciaire. Une foule de dispositions de ces deux décrets violaient ouvertement les capitulations et priviléges des provinces, et ils étaient opérés sans le concours des états; ç'en était assez sans doute pour exciter en Belgique de vives alarmes, mais les termes impératifs dans lesquels on les avait conçus suffisaient seuls pour les faire répudier. Tel était le début de l'un d'eux : « Joseph, par la grâce » de Dieu, etc., ayant résolu de donner au gouvernement général de nos provinces belgiques, une forme nouvelle pour la direction et l'expédition la plus prompte et la plus régulière des affaires de son ressort, nous statuons ⚫let ordonnons les articles suivans:

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I. Nous supprimons les trois conseillers collatéraux et la » secrétairerie d'état, etc. »

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Des réclamations assaillirent de toutes parts le réformateur. La requête des états de Flandre est remarquable, et peut donner une idée de la situation de l'esprit public dans ces provinces, à l'époque dont il s'agit. Après avoir de mandé la permission de réclamer au pied du trône l'éxécution du traité solennellement juré au jour de l'inauguration de l'empereur, comme comte de Flandre, les députés exposaient avec force toutes les violations à ce pacte fondat mental, qu'entraînait l'exécution des diplômes impériaux. Ils terminaient ainsi :

• A ces causes, nous venons avec les plus vives et les plus respectueuses instances nous prosterner au pied du trône, et vous supplier, Sire, de nous maintenir dans la conser

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