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Nous anime & nous conduit tous: C'est elle qui dans le même âge Renouvelle cent fois nos goûts; Ainfi pour peindre l'origine De nos caprices renaiffans, Regarde une troupe enfantine, Qui par des tuyaux différents, 'Dans l'onde où le Sávon domine, Forme des globes tranfparents. Un fouffle à ces boules legères Porte l'éclat brillant des fleurs: De leurs nuances paffagères Un fouffle nourrit les couleurs. L'air qui les enfle, & les colore En voltigeant fous nos lambris, Leur donne, ou la fraîcheur de Flore, Ou le teint ambré de l'Aurore, Ou le verd inconftant d'Iris. Mais ce vain chef-d'œuvre d'Eole, Qu'un fouffle leger a produit, Dans l'inftant qu'il brille & qu'il vole, Par un fouffle s'évanouit.

François, connoiffez votre images
i Des modes vous êtes l'ouvrage ;
Leur fouffle incertain vous conduit.
Vous féduifez: Pon rend hommage
A Pillufion qui vous fuit;
Mais ce triomphe de paffage,
Effet rapide de l'ufage,

Par un autre ufage eft détruit.

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VOUS ous qui fçavez donner les couleurs les plus fages

Aux traits les plus hardis, aux plus vives images; Exécutez le plan que vous m'avez tracé,

Et guidez un pinceau dans mes mains déplacé.

Cette trompeufe erreur dont le monde eft
l'empire,

Plus aimable à faifir que facile à décrire,
Rivale de l'amour & fœur de la beauté,
A qui Venus donna le nom de volupté,
Dans un cercle rempli de jeunes Sybarites,
Célébroit les douceurs des loix qu'elle a preferites,
Contente fi les cœurs lui portent pour tributs,
Des plaifirs ignorés, ou de nouveaux abus.
Chaque moment ajoute au charme de l'entendre;
Sa voix devient plus douce, & fa beauté plus
tendre ;

Un fceptre de cristal arme fes jeunes mains,
Et ce fceptre agité fait mouvoir les humains.
Quand tout-à-coup les chants des Faunes, des Bac

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Annoncent à grand bruit le Dieu des Coribantes; Bacchus vient fur fon char demander en vainqueur, Et la main de la Nymphe, & fon trône & fon cœur. Le Satyre enyvré, la Ménade effrenée,

Sur leurs Syftres aigus célébrent l'Hymenée

1

La volupté foupire, & d'un œil languiffant ::
Invoque envain l'amour, & céde en rougisleant.
A cet Hymen forcé les Sylvains applaudirent,
Tous les bois d'alentour à leurs cris répondirent;
Et le Ciel en courroux maudit. le monftre affreux
Que devoit mettre au jour ce couple malheureux:
Bientôt l'évenement confirma le préfage.

Des amours de Bacchus naît le libertinage, Monftre dont les progrès rapides & conftans S'étendent fans effort & réfiftent au temps; Ses beaux yeux font remplis des charmes de fa

mere;

1

Son cœur foible eft ouvert aux excès de fon pere; Fourbe, il prend de l'amour & l'enfance & les

traits;

La raifon fe déride en voyant fes attraits:
La jeuneffe le fuit fur la foi de fes charmes,
Badine avec fon arc, fe joue avec fes armes,
Serre, brife. Les noeuds avec facilité,

Et prife dans fes fers fe croit en liberté.
Tranquille, elle fourit au Dieu qui la careffe:
Dans fes bras amoureux l'imprudente le preffe;
Quand tout-à-coup faifis d'une douce langueur,
Ses bras font accablés fous le poids du vainqueur.
A ce trouble inconnu la jeuneffe allarmée;
Veut éviter les traits du Dieu qui l'a charmée.
Mais helas! fes combats fe changent en plaifirs,
Ses craintes en efpoir, fes remords en defirs;
Confufe elle retombe au milieu de fes chaînes;
Un charme involontaire accompagne fes peines;
Elle voudroit hair, elle ne peut qu'aimer;
Son cœur cherche le calme & fe laiffe enflamer,
C'est alors qu'à fes yeux fe découvre l'abîme;

Mais un chemin de fleurs la conduit jusqu'au crime:

Le voile de l'erreur tombe enfin fur fes yeux,
Et les vertus en pleurs s'envolent dans les Cieux.
Infenfible aux leçons, aux cris de la fageffe,
La jeuneffe fe livre au vainqueur qui la blesse;
Alors de faute en faute, & d'erreur en erreur,
En épuifant le crime elle accroît fon ardeur:
Du poids de la raifon fon ame délivrée,
Au torrent des amours s'abandonne enyvrée.
Loix, fageffe, pudeurs, mœurs, principes, vertus,
A l'afpe&t du plaifir qu'êtes vous devenus?
Le tems fuit la jeuneffe; il la presse, il l'arrête,
Et blanchit les trélors qui couronnoient fa tête,
Le plaifir eft détruit, l'amour n'a plus de traits,
Mais l'habitude refte au défaut des attraits:
Le mépris, le dégout rempliffent fur les traces,
Le trone qu'occupoient les talens & les graces,
Et la mort tranche enfin des jours infortunés
Dans le fein des amours fi longtemps profanés,

Fils chéri de Bacchus, trompeur libertinage,
A ces honteux excès du connois ton ouvrage:
Couché fur des gazons qu'épargnent les hivers,
Tu ris de voir le monde en proie à ces travers;
Viens toi-même éclairer l'excès de ta folie
Dans ces lieux où la France imite l'Italie 1).

Lucinde & Cidalis par l'Hymen enchaînés, Volent aux jeux publics des mirtes couronnés; Lucinde à la douceur ajoute la fineffe:

1) L'Opera.

Le

Le Parterre charmé contemple fa jeuneffe,
De fes regards errans demêle le motif,
Et de fon innocence arbitre décifif,
Fixe fans balancer le moment de fa chute;
Bientôt la toile vole, & l'arrêt s'exécute.
Un effain de flatteurs perfides, mais charmans,
Qui fans vouloir aimer portent le nom d'amans,
Brillent dans les balcons, & volent autour d'elle;
Dans leurs difcours legers la faillie éteincelle;
L'art d'orner le frivole & d'embellir les riens,
Séme de mille fleurs leurs brillants entretiens.
A tous leurs mouvemens Lucinde intéreffée,
Cherche à déterminer fon ame embaraffée.
Art de Semiramis, miracles de Linus,
Charmes d'Anacréon, preftiges de Venus,
Plaifir touchant des pleurs, fentimens de la joie,
Tout ce qui plaît, qui charme, à ses yeux se
déploie;

1

Elle céde, elle perd un refte de fierté,
Et prépare fon cœur à l'infidélité.

Dans les fombres détours d'une fcéne éclatante,
L'époux a prévenu fon épouse inconftante,
Et fa main libérale achete au plus haut prix
Ua repentir fuivi de honte, & de mépris,

Du fpectacle au fouper le jeu remplit l'espace;
La nuit fe leve envain; un jour nouveau l'efface,
Bientôt dans un falon par Comus éclairé,
On vole à ce feftin fi long-temps defiré,
Ordonné par le luxe & la délicateffe,
Apprêté par le goût, loué par la moleffe.
Là, tous les fens flattés fans être fatisfaits,
S'aiguifent par degrés, ne s'émouffent jamais:
Au troifiéme nectar que verfe la folie,

C

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