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Aisant ainsi notre cœur,
Le petit archer vainqueur
Nous viendra dans la mémoire ;
Car, sans le manger et boire,
Son trait n'a point de vigueur.

Puis, avecq' nos nymphes gayes,
Nous irons guérir les playes
Qu'il nous fit dedans le flanc,

Lorsqu'au bord de cet estang

Nous dansions en ces saulayes.

27. JACQUES TAHUREAU (1527—1555).
[S. H. p. 207.]

SONNETS.

En quel fleuve aréneux jaunement s'escouloit
L'or, qui blondist si bien les cheveux de ma dame?
Et du brillant esclat de sa jumelle flamme,
Tout astre surpassant, quel haut ciel s'emperloit?

Mais quelle riche mer le coral recéloit

De cette belle lèvre, où mon désir s'affame?
Mais en quel beau jardin, la rose qui donne âme
A ce teint vermeillet, au matin s'estaloit?

Quel blanc rocher de Pare, en ettofe marbrine,
A tant bien montagné cette plaine divine?
Quel parfum de Sabée a produit son odeur?

O trop heureux le fleuve, heureux ciel, mer heureuse

Le jardin, le rocher, la Sabée odoreuse,

Qui nous ont enlustré le beau de son honneur!

Combien de fois dessus ta belle main,

La mignardant de ma bouche lascive,
J'ay délaissé mainte enseigne naïve
Que de ma dent j'y engravois en vain!

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Veu qu'en ton cœur, cœur de marbre ou d'erain,
Cette morsure aucunement n'arrive;

Mais dans le mien, esternellement vive,
D'un souvenir, el' me ronge, inhumain.

Je suis semblable à celuy qui veut prendre.
Et qui, au lieu de ce qu'il veut surprendre,
Dans son filé se voit le premier pris;

Car, te pensant laisser une morsure D'une mortelle et rampante blessure, A l'impourveu je me trouve surpris.

ΤΟ

28. AMADIS JAMIN (1530–1585).
[S. H. p. 209]

SONG.

Estant couché pres les ruchettes
Où faisoient du miel les avettes,
En ces mots je vins à parler:
Mouches, vous volez à vostre aise,
Et ma maistresse est si mauvaise,
Qu'elle m'empesche de voler.

Vous volez sur les fleurs escloses,
Et moissonnez les douces choses
Du thym, du safran rougissant,
Et du saule à la feuille molle;
Mais sur les moissons je ne vole,
Dont j'aime à estre jouissant.

Mouches, de Jupiter nourrices,
Des odeurs qui vous sont propices,
Vous faites la cire et le miel;
Et moy, des beautez de ma dame,
Je ne produis rien en mon âme,
Que plaintes, que dueil et que fiel.

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On dit, ô colères abeilles,

Qu'en vos pointures nompareilles
Vostre destin se voit borné;

Mais celle dont les traits je porte,

Las! en me blessant n'est point morte
De la mort qu'elle m'a donné.

Ha! je voudrois estre une mouche,
Pour voleter dessus la bouche,

Sur les cheveux et sur le sein
De ma dame belle et rebelle;

Je picquerois ceste cruelle

A peine d'y mourir soudain.

29. GUY DU FAUR DE PIBRAC (1529–1584). [S. H. p. 209.]

QUATRAINS ON MAN.

XI.

Ce que tu vois de l'homme n'est pas l'homme,

C'est la prison où il est enserré,

C'est le tombeau où il est enterré,

Le lict branlant où il dort un court somme.

XII.

Ce corps mortel où l'œil ravy contemple
Muscles et nerfs, la chair, le sang, la peau,

Ce n'est pas l'homme, il est beaucoup plus beau,
Aussi Dieu l'a reservé pour son temple.

XIII.

A bien parler ce que l'homme on appelle,

C'est un rayon de la divinité,

C'est un atome esclos de l'unité,

C'est un dégout de la source eternelle.

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XIV.

Recognoy donc, homme, ton origine,

Et brave et haut dédaigne ces bas lieux,
Puisque fleurir tu dois là-haut ès cieux,
Et que tu es une plante divine.

XV.

Il t'est permis t'orgueillir de ta race,

Non de ta mère ou ton père mortel:

Mais bien de Dieu ton vray père immortel
Que t'a moulé au moule de sa face.

XVI.

Au ciel n'y a nombre infiny d'Idées,
Platon s'est trop en cela méconté :
De nostre Dieu la pure volonté

Est le seul moule à toutes choses nées.

XVII.

Il veut c'est fait; sans travail et sans peine,
Tous animaux (jusqu'au moindre qui vit)
Il a créé, les soustient, les nourrit,

Et les deffait du vent de son haleine.

XVIII.

Hausse tes yeux: la voûte suspendue,

Ce beau lambris de la couleur des eaux,
Ce rond parfaict de deux globes jumeaux,
Ce firmament esloigné de la veuë;

XIX.

Bref, ce qui est, qui fut, et qui peut estre,
En terre, en mer, au plus caché des cieux,
Si tost que Dieu l'a voulu pour le mieux,
Tout aussi tost il a receu son estre.

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30. JEAN PASSERAT (1534–1602). [S. H. p. 209.]

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